Les manifestations et révolutions en cours en Afrique du Nord (Numidie), transformée en « Maghreb Arabe » par les régimes qui se sont imposés sont-elles en train de redresser le cours de l’histoire ?
Une histoire millénaire qui a subi une incroyable et unique
falsification, qui n’a pas de pareille dans le monde, par
l’arabo-islamisme. Le fleuve détourné par les tenants du panarabisme,
est-il en train de rependre son cours normal, celui de l’histoire ? Le
combat des amazighs pour la véritable identité de cette région a connu
des avancées en Algérie et au Maroc, grâce à des hommes et des femmes
qui ont pris le flambeau des Mohand Saïd Lechani, Mohand Idir Aït
Amrane, Muhend Aarav Bessaoud (fondateur d’Agraw Imazighen, l’Académie
berbère), Mouloud Mammeri, Rachid Ali-Yahya, Bénaï Ouali, Mohamed
Haroun, Matoub Lounes …, d’Ali Sedki Azayku, Brahim Akhiat, Mohamed
Chafik… , pionniers du mouvement berbère côté marocain. En Tunisie et en
Libye, les régimes ont étouffé toute tentative de revendication.
Réfugiés majoritairement dans les montagnes libyennes, les Berbères
de Libye bien que véritables autochtones, ont été opprimés, niés et
privés de tout dans leur pays que Kadhafi a voulu arabo-musulman. Si les
Libyens dans leur ensemble ont subi la répression et l’autoritarisme,
eux ont été victimes d’une double discrimination en raison de leurs
appartenances ethniques et religieuses. Sous ce dictateur-fou, le
berbère n’a pas droit de cité, même pas une radio, encore moins la
télévision, alors que la langue des Imazhigens est encore parlé par plus
d’un million de Libyens sur les 5,7 millions d’habitants que compte le
pays. Plusieurs régions pourtant éloignées les unes des autres sont
majoritairement berbérophones comme Nefoussa, Ghadames, Zouara, Yafran,
Ghrayan et autre Ghat.
Profitant du vent de liberté qui souffle sur leur pays et auquel ils
ont largement contribué, les Amazighs de Libye ont vite fait de
manifester leur existence. N’en déplaise à Sarkozy qui s’est écrié dans
son allocution à Bengahzi « Jeunes Arabes libyens, nous vous demandons
une chose : unissez-vous ! » Pourquoi cette précision discriminatoire «
Arabes Libyens », qui nous rappelle la colonisation française en
Algérie? Sarkozy ignore t-il que « Libyens » est le nom antique des
Amazighs ? Ceux-ci veulent tout légitimement que la nouvelle Libye
reconnaisse leur langue et leur culture, leur identité quoi. Menés par
fethi Bouzakhar (militant berbériste), des organisations de la société
civile amazighe ont rédigé, au terme de plusieurs réunions à travers le
pays, un document à l’intention du CNT, demandant instamment qu’il en
soit tenu compte dans l’élaboration de la nouvelle constitution. Il est
explicitement écrit que « la Libye de demain ne sera pas sans Tamazight,
devra être débarrassée de tout obscurantisme, devra être un Etat
moderne respectueux de toutes les libertés. La Libye de demain ne pourra
être autre, qu’un Etat décentralisé… »
Alors que la libération de Tripoli n’a été possible que grâce aux
combattants amazighs de l’Ouest, le CNT dans son avant projet,
semble-t-il, a tourné le dos à cette frange de la population. La réponse
ne s’est pas fait attendre, pour maintenir la pression sur le Conseil
National de Transition ( CNT ) qui, faut-il le rappeler, est né à
Benghazi une ville plutôt islamiste. Le seul moyen pour les Berbéristes
de se faire entendre c’est de faire des démonstrations de force. Premier
événement inédit dans ce pays, les délégués ont tenu le lundi 26
septembre 2011, le « Premier forum amazigh libyen » dans un grand hôtel
de Tripoli : ils ont notamment exigé que leur langue, le tamazight,
bénéficie du statut de langue officielle, à égalité avec l’arabe. Deux
jours après, l’invraisemblable a eu lieu. Des milliers de personnes ont
occupé la Place des Martyres (ex Place Verte sous Kadhafi) de la
capitale libyenne, pour manifester leur attachement à leur identité,
agitant les drapeaux amazighs et de la Libye libérée. Au même moment,
ceux qui n’ont pas pu faire le déplacement à Tripoli, ont défilé dans
leurs villes comme à Nefoussa, Ifren, Zwara. Ils auraient même demandé
que le croissant (symbole de l’Islam) soit retiré du drapeau libyen.
Fethi Bouzakhar a prévenu lors de ce rassemblement historique des
Amazighs de Libye : "Nous allons mettre en place une organisation qui
portera nos revendications. Ce n’est pas la fin de cette question..."
Image incroyable mais très symbolique que ce drapeau amazigh flottant
sur le toit de la résidence principale (complexe militaire de Bab al
Azizya) de Kadhafi à Ifren ( ville amazighe). Bon vent à nos frères
libyens.
La Tunisie certes moins berbérophone que le reste de l’Afrique du
Nord, n’est pas en reste. Pour la première fois de son histoire la
question identitaire a été soulevée. Les Amazighs de Tunisie ont tenu le
10 avril 2011 à Matmata (massif montagneux berbérophone), le premier
congrès de leur histoire. L’Association Tunisienne de Culture Amazigs
(ATCM), sous la présidence de Khadija Ben Saïdane, est née à cette
occasion et a même obtenu son agrément. Ben Saïdane a indiqué lors d’une
conférence de presse qu « C’est l’un des acquis de la révolution
tunisienne ». Elle a rappelé que la culture amazigh, la plus ancienne,
est victime des restrictions sous le régime Ben Ali, qui ont entravé son
épanouissement. Les massifs de Matmata, Zeraouia, Tamezret, Taoujout,
l’Île de Djerba Tataouine et Gabès sont les fiefs de la résistance
culturelle identitaire amazighe. Le nombre de berbérophones aujourd’hui
s’est considérablement affaibli notamment sous le régime Ben Ali. Il se
situerait autour des 100 000 personnes (1% de la population), alors que
la patrimoine berbère en Tunisie est considérable, plus que dans le
reste de l’Afrique du Nord.
La Tunisie a abrité pour la première fois une assemblée du Congrès
Mondial Amazigh (CMA). Du 29 septembre au 2 octobre, des délégations
d’Algérie, du Maroc, des Iles Canaries, de Touaregs, la dispora amazigh
en Europe et en Amérique se sont retrouvés dans l’île de Djerba pour
débattre de la question amazighe à la lumière des événements. Pour la
première fois dans l’histoire du Congrès, la Tunisie, la Libye, les
Chaouis, les Mozabites étaient représentés. On a également relevé une
forte participation étrangère à la région, celle de Catalogne, de Corse,
de l’Union Européenne, et une bonne couverture médiatique.
Encore plus, des films amazighs ont été projetés pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie, à l’occasion du Festival du Film Maghrébin de Nabeul. Le cinéma amazigh a même été l’invité d’honneur, en présence de El Hachemi Assad, président du Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA) d’Algérie. Les Tunisiens ont eu à découvrir des films venus d’Algérie, du Maroc et même de Libye. Ce 3ème festival a été considéré par beaucoup, comme la célébration du film amazigh dans une Tunisie libérée. "J'ai découvert le cinéma amazigh lors du Festival d’Azzefoun en Algérie, et j'ai été impressionné par leur culture... Je suis maintenant déterminé à découvrir cette culture dont je suis tombé amoureux, après avoir visité un certain nombre de villages berbères dans le sud tunisien, et j'ai donc décidé de faire un film sur ce sujet" dixit Anis Lassoued président du festival.
Encore plus, des films amazighs ont été projetés pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie, à l’occasion du Festival du Film Maghrébin de Nabeul. Le cinéma amazigh a même été l’invité d’honneur, en présence de El Hachemi Assad, président du Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA) d’Algérie. Les Tunisiens ont eu à découvrir des films venus d’Algérie, du Maroc et même de Libye. Ce 3ème festival a été considéré par beaucoup, comme la célébration du film amazigh dans une Tunisie libérée. "J'ai découvert le cinéma amazigh lors du Festival d’Azzefoun en Algérie, et j'ai été impressionné par leur culture... Je suis maintenant déterminé à découvrir cette culture dont je suis tombé amoureux, après avoir visité un certain nombre de villages berbères dans le sud tunisien, et j'ai donc décidé de faire un film sur ce sujet" dixit Anis Lassoued président du festival.
Au Maroc, la contestation qui a secoué le pays a été mené
majoritairement par les 40% au moins d’amazighophones que comptent ce
pays. Il y a plus de 150 associations amazighes, qui se préoccupent de
l’avenir de Tamazight sur tout le territoire marocain. Lors des marches
on a bien vu le drapeau bleu, vert et jaune agité par des marcheurs. Et
ce n’est pas par hasard que le roi a décidé d’officialiser la langue de
nos ancêtres, pour justement calmer l’ardeur des Berbéristes. La
radicalisation du mouvement amazigh s’est d’ailleurs accrue ces derniers
temps, il n’y qu’à voir les déclaration des leaders. « Le Maroc
redeviendra berbère, ce qu’il a toujours été » dixit Lahcen Oulhadj. «
Il faut corriger l’histoire, nous ne sommes pas Arabes »…
En Algérie où comme au Maroc, des avancées ont certes été arrachées
beaucoup reste à faire. Aujourd’hui la langue est enseignée même si des
blocages subsistent par les tenants de l’arabisme, le cinéma, le théâtre
et la littérature amazighs sont une réalité. La langue n’est plus tabou
à la télévision, puisqu’il existe une chaîne berbérophone même si il y a
des arrières pensées dans sa création par le pouvoir… Les Amazighs de
Kabylie notamment, qui ont préservé leur culture et qui la vivent,
attendent des changements plus important, notamment sur le plan
politique. Leur combat est avant tout pour la démocratie, seul garante
des libertés individuelles. Le Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie
(MAK), présidé par Ferhat Mehenna, va plus loin. Considérant que la
constitution algérienne, qui stipule que l’Islam est la religion de
l’Etat et que l’arabe est seule langue nationale, que les lois en
général ne sont pas compatibles avec les aspirations du « peuple kabyle
», que tout simplement la Kabylie n’a pas les mêmes valeurs que le reste
du pays, le MAK revendique une autonomie pour la région. Une autonomie
qui seule, permettrait aux Kabyles de s’engager dans un projet de
société caractérisé par la modernité, la séparation du religieux du
politique, le respect des libertés individuelles…et de mettre fin à la
politique d’assimilation à l’arabo-islamisme menée en Kabylie.
PS : Le drapeau amazigh a été crée par l’association Agrew Imazighen
(la révolution des imazighen) durant les années 70 et son chef Mohand
Aarav Bessaoud. Ce n’est qu’en 1997 qu’il a été adopté par le 1er
Congrès Mondial Amazigh en présence de nombreuses organisations amazighs
de part le monde. Il est brandi aujourd’hui par tous les berbères des
Îles Canaries à l’Egypte, en passant par le Maroc, l’Algérie et la
Libye. Les trois couleurs que sont le bleu, le vert et le jaune de
l’étendard représente l’Afrique du Nord. Le bleu c’est la mer
(Méditerranée) au nord, le vert représente les montagnes et les plaines
verdoyantes du nord, et le jaune le désert (Sahara). Le symbole en rouge
n’est autre que « Aza » (Z) de l’alphabet amazigh tifinagh.
Par Mus
Source: kabylie.com