1 nov. 2011

Les Touareg orphelins de Kadhafi

Dès la chute du dictateur libyen, les combattants touareg ont regagné le Nord malien. Depuis, les frictions dans la région ne cessent de s'intensifier. 

Depuis quelques semaines, les tensions entre les Touareg et l’armée malienne se sont accrues dans la province de Kidal, au Mali. Le retour des ex-combattants de l'armée libyenne sème le trouble dans le Nord au point que la formation d’une nouvelle rébellion est désormais évoquée.
Mais la mort du dictateur libyen Mouammar Kadhafi risque de changer la donne pour les Touareg. Selon Charles Grémont, chercheur au Centre d'études des mondes africains (CEMAF), «ce n'est pas une petite affaire».

«Dans l'hypothèse d'un nouveau conflit armé, Kadhafi aurait pu leur offrir une sorte de base arrière. Désormais, ils n'auront plus de zone de repli en cas d'affrontements avec les forces maliennes», poursuit-il.

Une perspective qui ne semble pourtant pas perturber les Touareg. Pour Hama Ag Sid’Ahmed, porte-parole du Mouvement touareg du Nord Mali (MTNM), dont le leader, Ibrahim Ag Bahanga, est décédé en août dernier:
«La mort du guide libyen ne change pas la situation. Pour nous, ce qui importe, c'est de trouver une solution avec l'État malien».

Une crise de confiance


Depuis octobre, le retour des anciens combattants a provoqué des frictions dans la région du Nord, au Mali. Plusieurs affrontements ont été répertoriés dans la province de Kidal où un groupe de Touareg a attaqué des installations et a incendié des véhicules. Une situation qui préoccupe le gouvernement malien.

Le 19 octobre dernier, une chargée de mission à la présidence malienne déclarait à l'AFP qu'«une cellule de crise, qui ne porte pas officiellement ce nom, était dirigée directement par le chef de l'État, Amadou Toumani Touré». Selon certains observateurs présents sur le terrain, 80 véhicules provenant de Libye, avec à leur bord des hommes en armes, auraient été aperçus dans la région du Nord du Mali. On parle de 1000 à 3000 anciens combattants Touareg.

Mais pour l'heure, ces chiffres restent impossibles à vérifier. Ces Touaregs proviendraient pour la plupart des tribus des Chamanamas des Iforas et des Idnanes. Ils auraient été accueillis par le régime de Kadhafi pendant les rébellions, intégrés dans ses forces de sécurité, et seraient prêts à présent à reprendre les armes.

«A chaque fois qu’ils ont des moyens militaires, les Touareg reparlent de rébellion. Quand ils sont revenus de Libye où ils vivaient relativement confortablement, ils se sont rendus compte qu'au Mali comme au Niger, l'injustice envers les Touaregs persistait. Et maintenant, ils se révoltent», observe Abdoulahi Attayoub, président élu de la diaspora touarègue en Europe et responsable du site Temoust.org.

Regain de tensions

Pour la plupart des Touareg, les accords de paix de 2006, appelés également accords d'Alger, n'ont pas été respectés, notamment le retour à la situation militaire d’avant l’attaque de Kidal. Pour preuve, aujourd'hui selon Charles Grémont, il y aurait deux fois plus de militaires dans cette région. Pour lui, ce constat serait à l'origine «d'une véritable crise de confiance entre les forces maliennes et les militaires touareg intégrés dans l'armée régulière».

D'autres informations incitent au pessimisme: d'après certaines sources, l'argent du Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement des régions Nord Mali (PSPSDN) initié par le président malien en février dernier, servirait à la remilitarisation du Sahara. Quinze milliards de Francs CFA (environ 2 millions d'euros) sur un total 32 milliards prévus pour le plan auraient été alloués à la construction de casernes militaires. Une nouvelle décision qui exacerbe un peu plus les tensions.

Vers une énième rébellion?


Si au Mali, les rapports entre le gouvernement et les Touareg sont à couteaux tirés, le climat semble plus détendu au Niger. La raison: les Touareg sont plus intégrés dans le système politique nigérien. Comme le montre la nomination au poste de Premier ministre du Touareg, Brigi Rafini, en avril dernier.  

«A la différence du Mali, notre combat politique est plus axé sur le renforcement des leaders locaux. On leur donne plus du pouvoir pour qu'ils se battent pour le développement de notre région», assure Moussa Bilalan Ag-Ganta, président du collectif des associations Nord-Niger.

Toutefois, malgré cette stabilité, le retour des anciens soldats touareg pose également problème au Niger. Des notables, les cadres et les élus locaux craignent l'éclosion d'un nouveau mouvement.

«Ils essayent de contenir les jeunes, il tentent de les maîtriser, ils se regroupent et en discutent», poursuit-il.

Si la peur d'une rébellion est palpable dans les deux pays, le scénario, selon Charles Grémont, reste peu envisageable:

«La concurrence entre les mouvements touaregs représente un frein à la constitution d’une seule force armée. Il faudrait que les Touareg soient attaqués par le gouvernement malien, mais cela est peu probable».

Le coeur du débat au Mali

Au Mali, en tout cas, pour certains Touareg, la chose est sûre: si l'Etat n'accepte pas d'engager des discussions, le conflit armé sera inévitable.

«Il y a tous les ingrédients réunis pour qu’une nouvelle rébellion démarre. Il y a beaucoup d’armes qui circulent en ce moment. L'État malien n’est pas en mesure de gérer cette région, il doit accepter le débat avec les Touareg pour éviter que la situation n'empire», s'insurge Abdoulahi Attayoub.

Au Mali, les Touareg s'organisent. Selon Hama Ag Sid’Ahmed, une organisation politique nommée Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNA) a été mise en place.

«On est en train de fusionner les mouvements  du MNTNM, du MNA avec des cadres militaires pour créer un mouvement avec un état-major et un bureau politique».

L'objectif est clair: définir avec les anciens combattants touareg de l'armée libyenne et les membres de ces mouvements une stratégie politique et militaire.

«Les Touareg reviennent, c’est le moment de demander des comptes à l'État malien», tranche Hama Ag Sid’Ahmed, qui assure que si le gouvernement s'obstine à faire la sourde oreille, «la prochaine rébellion risque d'être beaucoup plus profonde que les précédentes».
Stéphanie Plasse
Source:slateafrique.com

 

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