4 déc. 2011

AFRICOM : Le commandement militaire américain pour l’Afrique


Géopolitique de l’Afrique. Alain Fogue Tedom analyse la genèse, les missions, les objectifs et les principes du commandement militaire américain pour l’Afrique, AFRICOM (United States Africa Command). L’auteur esquisse également les raisons pour lesquelles la communication officielle américaine qui accompagne son déploiement semble, sous certains aspects, contradictoire.
LE 7 FEVRIER 2007, le président américain George W. Bush a créé le commandement militaire américain pour l’Afrique AFRICOM (United States Africa Command). Toutefois, c’est seulement en octobre 2007, soit huit mois après que cette structure entre officiellement en fonction. Africom témoigne de la consolidation de la politique africaine des Etats-Unis. Préparée par la guerre froide, cette politique africaine amorcée en 1993, comporte une forte dimension géostratégique. En raison des attentats du 11 septembre 2001, un enjeu stratégique s’est greffé à cette dimension.
La création d’Africom a été précédée de polémiques sur les véritables intentions américaines en Afrique. Pour de nombreux observateurs, Africom est l’expression de la volonté américaine d’établir des bases militaires sur ce continent. Pour d’autres, ce commandement s’inscrit dans le soutien américain au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix amorcé depuis 1996. Entre ces deux lectures, les explications officielles américaines permettent de dégager l’opinion selon laquelle Africom sert les intérêts africains afin de mieux défendre ceux des Etats–Unis sur le continent.
En octobre 2011, Africom a eu quatre ans d’existence. Cependant, malgré les explications officielles américaines, ses objectifs nourrissent encore une certaine polémique. C’est cette polémique qui explique, en partie, que son siège qui avait été initialement installé à Stuttgart, pour une période transitoire d’un an, y demeure encore en octobre 2011.
Cette étude analyse la genèse, les missions, les objectifs et les principes d’Africom. Elle esquisse également les raisons pour lesquelles la communication officielle américaine qui accompagne son déploiement semble, sous certains aspects, contradictoire.

L’hypothèse qui structure cette étude est qu’Africom constitue au-delà de toute autre explication officielle américaine, le bateau amiral de la lutte anti terroriste des Etats-Unis en Afrique. C’est donc pour ne pas exposer leurs partenaires africains dont les lacunes sécuritaires sont connues, et pour ne pas raviver la détermination des mouvements terroristes à frapper leurs intérêts en Afrique, que les Etats-Unis évitent d’afficher sa vocation antiterroriste.

Cette démonstration passe par un retour sur la conception et le déploiement de la politique africaine des Etats-Unis (I). Elle établit une corrélation entre l’accroissement des intérêts américains en Afrique, l’impérieuse nécessité de les sécuriser, et l’avènement d’Africom(II). Enfin, à partir de la réalité qui, depuis les attentats de septembre 2001, fait dépendre une partie de la sécurité nationale américaine de l’Afrique, elle conclut à la vocation antiterroriste d’Africom (III).

I/ Démocratie et libéralisme économique : deux axes majeurs de la politique africaine de Washington

C’est dans le sillage de l’effondrement du mur de Berlin (1989) et ses conséquences géostratégiques que les jalons de la politique africaine des Etats Unis sont posés dès 1993. L’argument principal de la diplomatie américaine repose alors sur le monopole politique et économique qu’exercent les anciennes puissances impériales européennes sur l’Afrique. Elle critique aussi le soutien que ces puissances apportent à des régimes autoritaires sur ce continent. Aussi, axe t- elle son offensive sur la défense de la démocratie et la responsabilisation de l’élite africaine [1].
A : Les fondements de la politique africaine des Etats-Unis

La dimension géostratégique de la contestation de la tutelle politique européenne sur l’Afrique par Washington est manifeste. Elle réaffirme l’approche réaliste qui structure la politique étrangère des États-Unis depuis leur intervention de 1917, date à laquelle remonte leur statut de grande puissance [2].

Il est important de mentionner que derrière cette contestation américaine de la tutelle européenne, c’est principalement la France qui est visée. La fin de la guerre froide ayant débouché sur la libre concurrence politique et économique, en Afrique, Washington s’est engagé dans une dialectique des intelligences [3] avec Paris. Afin de gagner du terrain sur la France, l’administration américaine instrumentalise les lacunes de la politique africaine de celle-ci. Elle dénonce la tutelle politique anachronique de Paris sur ses anciennes colonies et critique son soutien aux dictatures. Plus généralement, elle instruit le procès de l’aide publique au développement.
Outre la promotion de la démocratie, l’administration américaine promet l’arrimage des économies africaines à l’économie mondiale. Pour cela, elle s’engage à accroître les investissements privés américains sur le continent et à alléger, en fonction du niveau de libéralisation de l’économie de chaque pays, la dette. Tout ceci a pour but, entre autre, de mettre fin aux marchés jugés captifs dont jouirait la France en Afrique.
Stratégiquement, cette démarche américaine vise à séduire une opinion africaine très critique vis-à-vis de la politique africaine de Paris. Cependant, vu de la France, elle est perçue comme la déclaration d’une confrontation diplomatique et commerciale.
La concurrence économique, expression de la cristallisation des enjeux géostratégiques, à l’œuvre dans cette offensive, est une réalité ancienne. N’était – elle pas déjà à la base des guerres entre puissances impériales ? Elle a existé de façon concomitante aux enjeux idéologiques pendant la guerre froide. Les relations entre les alliés des deux camps, notamment entre ceux du camp occidental, ont été influencées par cette réalité. Cependant, pour des raisons de cohésion face à l’ennemi communiste, la concurrence économique entre occidentaux était plus feutrée et donc moins agressive.
Même si économiquement l’Afrique n’a qu’un poids marginal dans le commerce mondial, son sous-sol demeure l’un des plus riches du monde en gemmes [4]. Elle regorge de nombreux gisements de pétrole dont l’industrie occidentale reste encore assez gourmande [5].
Le poids économique est depuis la fin de la confrontation idéologique, le principal critère de classification des puissances dans le monde. Il n’est en réalité que l’expression de la puissance industrielle. Celle-ci se construit entre autre sur la maîtrise des sources d’approvisionnement en matière premières.
Si on considère les secteurs minier et pétrolier, deux secteurs essentiels pour l’industrie, seules les entreprises qui acquièrent à un faible coût leurs matières premières peuvent être compétitives. Les pays africains sont dans cette perspective de bonnes cibles pour les multinationales. La raison tient à leur extraversion étatique, déficit stratégique et incapacité technologique. Il faut y associer la corruption de l’élite politique qui garantit la maîtrise des coûts aux multinationales. Ce dernier élément prive les pays africains de tous les avantages financiers auxquels ils peuvent prétendre au regard de leurs richesses. Ces avantages sont généralement détournés au profit d’une élite irresponsables et des multinationales. Dans ce contexte, celles qui nouent des relations personnelles avec cette catégorie d’élite se réservent la possibilité d’acquérir les matières premières à leur prix. Ainsi, la concurrence commerciale entre multinationales s’alimente sur le continent de la corruption politique.
Les frontières étant très minces entre les objectifs économiques de ces multinationales et les enjeux géostratégiques défendus par leurs pays de rattachement, les luttes économiques des premières structurent les rivalités politiques des seconds.
B : De Bill Clinton à George W. Bush

a) L’administration Clinton et les bases de la politique africaine de Washington

Pendant la guerre froide, en raison de la répartition des tâches face à l’ennemi soviétique, Washington sous traitait l’Afrique aux puissances européennes [6]. En effet, « pendant les années de guerre froide (…) les Américains se rangeaient sans trop d’état d’âme derrière la diplomatie (de leurs alliés européens), à charge pour ceux–ci de décourager les visées gourmandes des pays de l’Est sous les tropiques » [7]. Avec la fin de la guerre froide, sous l’administration Clinton, l’Amérique décide de reprendre et d’étendre sa liberté d’action en Afrique. Pour cela, elle « examine de plus en plus ses intérêts africains, les sert au mieux, même s’ils s’opposent à ceux des anciennes puissances tutélaires » [8].
Très vite elle réalise qu’il existe un marché en Afrique que ses industries ne satisfont qu’à hauteur de 7%. Avec un potentiel évalué à 700 millions de consommateurs, ce marché aiguise la convoitise. Afin que son pays tire pleinement parti des opportunités économiques africaines, les Etats Unis engagent une vaste offensive diplomatique et économique. Ainsi, en 1993, le président Bill Clinton initie une mesure qui supprime les droits de douane sur certains produits importés d’Afrique. Il s’inspire pour cela des Accords Afrique Caraïbes et Pacifiques (ACP) qui lient les pays d’Afrique noire aux puissances européennes. En juin 1997, lors du sommet du G8 tenu à Denver aux Etats-Unis, il fait adopter « l’initiative américaine pour l’Afrique ». Celle-ci est accueillie comme une déclaration de guerre économique par les anciennes puissances impériales européennes de cette instance. Elles s’organisent par conséquent pour la contrecarrer. Jacques Santer, président de la Commission européenne la relativise en soulignant que l’Europe a déjà mieux que « l’initiative » pour l’Afrique. La France, consciente d’être particulièrement visée par l’offensive américaine en Afrique, dénonce les convoitises américaines sur le continent [9].
Nullement découragé par les attaques européennes, du 22 mars au 2 avril 1998, le président Bill Clinton organise une tournée africaine à visée géostratégique. Celle– ci est préalablement préparée dès le 19 mars par une déclaration de Madeleine Albright, Secrétaire d’État américain aux Affaires Étrangères. Elle souligne en effet, que « les Africains devraient comprendre, et beaucoup d’entre eux ont besoin d’être convaincus, que lorsque nous disons les États-Unis veulent traiter avec eux sur la base d’intérêts communs et de respect mutuel, il ne s’agit pas de parole en l’air. Nous avons vraiment l’intention de le faire, dans une large mesure à long terme, non seulement parce que cela est juste mais parce que cela est emprunt de bon sens » [10].
A sa suite, après avoir juré que : « c’est l’avenir de l’Afrique qui nous intéresse » [11] Suzanne RICE, secrétaire d’Etat adjoint chargée des Affaires africaines proclame, « C’en est fini de l’économie dirigée et du pouvoir de la minorité (…) ce qui est envisagé, c’est l’avenir de l’Afrique comme dépendant dans une large mesure du commerce et des investissements (car) si nous pouvons accroître notre part de marché en Afrique, d’importants débouchés seront créés pour les investisseurs et les travailleurs américains » [12]. Puis elle conclu en avouant que l’Afrique est un « énorme marché encore peu exploité de quelque 700 millions d’habitants (…), en expansion (…), d’immenses richesses encore inexploitées (…), de possibilités pour la création d’emplois (aux États–Unis) » [13].
Avec un libéralisme très offensif et conquérant, l’administration américaine incite les pays africains à s’ouvrir à l’économie de marché en échange de son soutien politique et financier. L’objectif recherché, est de briser les monopoles commerciaux établis en Afrique par les anciennes puissances européennes.
C’est dans ce contexte que le 2 octobre 2000, le président Bill Clinton promulgue la loi créant l’African Growth and Opportunities Acts (AGOA). Cette loi qui s’inspire des Accords ACP, offre, sous certaines conditions, des opportunités commerciales aux pays africains. Elle a vocation à récompenser les efforts de libération des partenaires africains des Etats-Unis. Concrètement, l’AGOA soutien les efforts de développement des partenaires africains des Etats-Unis à travers des réductions de frais douaniers. Son adoption est l’aboutissement d’un processus diplomatico – économique à l’œuvre dans la politique africaine des Etats-Unis. Elle intervient à la veille du départ de Bill Clinton du pouvoir. Au regard du libéralisme conquérant sur lequel il avait adossé l’élaboration et le déploiement de sa politique africaine dès 1993, l’AGOA est un aboutissement.
b) L’administration G. W. Bush : consolider et sécuriser les intérêts américains en terre africaine
Dès sa prise de fonction au début de l’année 2001, George W. Bush réaffirme [14] le combat géopolitique et géostratégique de son pays en Afrique en déclarant : « Nous, les Américains, souhaitons être davantage que des spectateurs des progrès en cours en Afrique » [15]. Tout naturellement, il reprend les chantiers laissés par la précédente administration. Il maintient et renforce la dimension économique de la politique africaine de son pays. Alors qu’il s’active à renforcer les marges de manœuvre économiques sur le continent, le 11 septembre 2001 surviennent les attentats.
Au lendemain de ces attentats, l’intérêt géo-économique des Etats Unis pour l’Afrique devient clairement un intérêt stratégique. En effet, ces attentats ont mis à jour la dépendance énergétique américaine vis-à-vis du Golfe persique. A titre d’illustration, en 2011 ce pays fournissait à lui tout seul 15% des importations pétrolières des Etats-Unis. Après les attentats, les premières enquêtes indiquent que le principal organisateur, Ben Laden, est très proche des services secrets saoudiens. De plus, certains responsables de ses services sont idéologiquement proches de la multinationale Al Qaîda. Cette réalité inquiète Washington car elle accentue l’insécurité sur les intérêts américains au Moyen-Orient. Cette inquiétude oblige les Etats-Unis à reconsidérer leur politique énergétique non seulement vis-à-vis de l’Arabie Saoudite mais aussi de toute la région.
Cette décision, qui revêt un caractère stratégique indéniable, ouvre la voie à une réflexion plurielle à travers toutes les composantes de l’administration du pays. Pour mener cette réflexion, plusieurs compétences sont mobilisées : stratèges, politiques et militaires. Ces différents experts rivalisent d’analyses et de propositions.
C’est ainsi que l’African Oil Policy Initiative Group (AOPIG), un groupe d’initiative sur le pétrole africain, est constitué. Ses travaux débouchent sur la publication d’un livre blanc intitulé, African Oil, A priority for US National Security & African development. On y met en garde Washington de continuer à importer le pétrole du Moyen Orient au risque de financer le terrorisme. Mais il y est expressément prescrit au gouvernement de faire du Golfe de Guinée une zone d’importance stratégique pour le pays.
Dans la foulée, le Council on Foreign Relations organise quant à lui un séminaire sur l’intérêt à accorder aux pays sub – sahariens producteurs de brut.
Après que plusieurs personnalités (le Vice–président Dick Cheney, Ed Royce, président du sous–comité sur l’Afrique au congrès) aient eux aussi souligné l’importance du pétrole africain, la question sensible de la sécurisation du continent est posée. Tous concluent leurs analyses par la responsabilité militaire que doit désormais y assumer leur pays en raison de l’accroissement de leurs intérêts. En mars 2005, les membres de la commission Afrique du congrès parviennent à la même résolution.
Afin de préparer la matérialisation de ces appels à la sécurisation des investissements américains à venir, le Centre d’études stratégique de l’Afrique (CESA), une structure dépendant du Pentagone, se mobilise. Il organise à Yaoundé, du 9 au 14 mai 2005, un colloque sur la place et la surveillance des programmes de gestion des conflits. Celui-ci offre à l’administration américaine l’opportunité d’échanger avec ses partenaires africains sur leurs défis en matière de sécurité. De ces échanges, elle cerne mieux les contours de la sécurité et de ses intérêts dans la région.
Eu égard à ces analyses, il apparait que les Etats-Unis doivent impérativement se trouver un allier de revers pour atténuer sa dépendance vis-à-vis d’une région devenue incertaine. En raison de ses potentialités, l’Afrique est retenue par tous les experts et politiques comme devant être cet allier de revers.
En effet, ses réserves avérées représentent environ 100 milliards de barils alors que sa production est au lendemain des attentats de 9 millions de barils / jour. De ce potentiel, le Golfe de Guinée fourni à lui seul 5 millions de barils/jour. Le département de l’Énergie américain rappelle d’ailleurs que « l’Afrique de l’Ouest est l’une des sources de croissance de la production de gaz et de pétrole parmi les plus rapides du monde » [16].

II/ L’AFRICOM et le défi de la sécurisation des nouveaux intérêts américains en Afrique

Les autorités américaines présentent volontiers la création de l’Africom comme un élément supplémentaire de leurs efforts en faveur de la paix en Afrique. Ces efforts remontent à 1996. Cependant, cette structure répond d’abord à un besoin de sécurisation des intérêts américains croissants en Afrique depuis 1993.
A : L’indépendance énergétique et la nouvelle stratégie militaire américaine

En 2002, les États–Unis produisaient 7,6 millions de barils / jour pour une consommation estimée à 19,7 millions de barils / jour [17]. Au regard de ces chiffres, ils devaient importer 60,1% de leurs besoins en brut. C’est ainsi que le pays se fixe pour objectif importer d’ici 2015, 25% de sa consommation pétrolière de l’Afrique noire.

Afin d’y parvenir, il est décidé d’y investir 10 milliards de dollars par an [18]. En fait, les Etats-Unis redécouvrent l’Afrique et décident qu’une partie de leur indépendance stratégique va s’y jouer dans les décennies avenir. Réalistes et pragmatiques, ils anticipent sur les menaces qui pourraient y mettre à mal cet objectif stratégique.
Cette anticipation s’explique par les lacunes et faiblesses de leurs partenaires africains en matière de sécurité. Ceux–ci exposent leurs intérêts aux menaces terroristes susceptibles de migrer du Moyen-Orient vers l’Afrique. Suivant cette lecture stratégique, le 13 avril 2004, Charles Snyder, Secrétaire d’État adjoint américain chargé des Affaires africaines invite son pays à relancer un vieux programme de sécurité des côtes africaines [19]. Par le passé, les intérêts américains avaient déjà été en Afrique.
En 1998, en effet, les intérêts américains avaient été visés à Nairobi au Kenya et à Dar es Salam en Tanzanie. Depuis ces incidents, Washington s’est investi dans l’appui au développement de capacités africaines en matière de lutte contre le terrorisme. Mais ce programme d’appui au renforcement des capacités des partenaires africains des Etats Unis restait limité et ponctuel. L’ampleur des attentats du 11 septembre 2001 et le regain de l’intérêt énergétique et stratégique de l’Afrique appel à une réponse sécuritaire plus élaborée et exigeant une stratégie militaire nouvelle. Dans l’ancien schéma, les relations entre le Pentagone et l’Afrique avaient pour cadre les centres de commandement militaire Européen, Central et Pacifique des Etats-Unis. Les affaires africaines n’y recevaient qu’un traitement secondaire. Tant que les intérêts américains sur ce continent étaient mineurs, ce schéma suffisait car les États Unis déléguaient la surveillance d’une bonne partie de leurs intérêts non vitaux à leurs alliés européens.
Désormais il leur faut tisser une toile sécuritaire autour des côtes africaines où se situent l’essentiel de leurs intérêts énergétiques. Mieux, les Etats-Unis doivent prendre en compte dans leur nouvelle stratégie la détermination des terroristes à frapper leurs intérêts partout dans le monde.
B : L’AFRICOM en question
a) Genèse
La création de l’Africom a été précédée de nombreuses rumeurs. En effet, de nombreux observateurs ont prêté aux Etats-Unis l’intention d’installer à travers le continent africain des bases militaires. Ces rumeurs sont si fortes que, encore en 2011, l’administration américaine se trouve obligée de les démentir en permanence.
Le siège d’Africom est à Stuttgart, au centre du commandement européen (EUCOM). Cette mesure transitoire était initialement arrêtée pour un an. Comme les autres centres de commandements américains à travers le monde, l’Africom rend directement compte au Secrétariat de la Défense.
Africom a pour mission, la coordination des relations militaires entre les Etats-Unis et tous les États africains, à l’exception de l’Égypte. En raison de sa situation géostratégique particulière, ce pays demeure dans le giron du commandement Central américain.
Le premier commandant de cette structure (1er octobre 2007 – 9 mars 2011) est le général afro américain William E. Ward. Depuis le 9 mars 2011, c’est le général Carter F. Ham qui lui succède.
Le commandant d’Africom est assisté de deux adjoints : un en charge des activités Civiles et Militaires et l’autre commis aux opérations militaires. En cas d’empêchement du commandant, c’est l’adjoint en charge des opérations militaires qui exerce le commandement.
Les activités civiles et militaires de la structure englobent la santé, l’aide humanitaire, l’action humanitaire contre les mines, la réponse aux catastrophes et la réforme du secteur de la sécurité.
Africom est un ensemble qui rassemble outre les militaires, les diplomates et les agents des renseignements (CIA). A ceux–ci, il faut ajouter les membres de la Sécurité Nationale (NSA) et de nombreux fonctionnaires issus d’autres ministères.
b) Objectifs officiels

De son lancement en octobre 2007 à octobre 2011, la communication autour des objectifs d’Africom révèle quelques incohérences.

Selon certains responsables américains, Africom se distingue des autres centres de commandement des Etats-Unis (Européen, central et pacifique) car il n’a pas vocation à faire la guerre. Pour Henry Ryan, un haut responsable du ministère américain de la défense, par exemple Africom n’a ni vocation à lutter contre le terrorisme ni a endiguer l’offensive chinoise. Cette affirmation faite à la veille du lancement de la structure est contrariée par un examen de ses missions.
La mission d’Africom est : la protection, la défense de l’intérêt national américain par le renforcement de la capacité militaire des pays africains et des organisations régionales, et si nécessaire, par la conduite des opérations militaires afin de combattre la criminalité internationale et de créer un environnement de paix susceptible de garantir la bonne gouvernance et le développement durable en Afrique.
A ce titre, deux principes guident son action :
. protéger le territoire des Etats-Unis, les citoyens américains et l’intérêt national américain de toute menace qui pourrait provenir de l’Afrique ;
. aider les partenaires africains des Etats-Unis à bâtir une capacité propre de maintien de la paix qui promeut la stabilité, la bonne gouvernance et le développement durable.
De façon préventive ou réactive, les Etats Unis doivent se tenir prêts à agir contre tout individu ou organisation qui en Afrique, menace leurs intérêts, ceux de leurs alliés ou de leurs partenaires.
Les buts militaires qui découlent de cette mission et de ces principes sont :
. combattre Al-Qaïda et de toutes les autres organisations extrémistes ;
. renforcer les capacités des principaux pays africains et des partenaires régionaux en contribuant à la mise sur pieds d’institutions militaires démocratiques, respectueuses de l’autorité, des lois et au service de citoyens.
. l’aide des principaux pays et partenaires africains des Etats-Unis afin qu’ils soient aptes à participer efficacement aux opérations de maintien de la paix au niveau régional et international ;
. garantir aux Etats-Unis la capacité à venir en aide à l’Afrique ;
. participer, aux côtés de l’ensemble du gouvernement, à la lutte contre les violations massives des droits de l’homme en Afrique à travers une coopération active avec les des armées africaines ;
. garantir l’acheminement de l’aide humanitaire si nécessaire.
Dans cette perspective, Africom doit servir en Afrique de cadre pour la synchronisation des efforts militaires avec ceux des autres administrations américaines. Africom travaille donc de concert avec toutes les administrations intéressées en cas de besoin. En octobre 2011, son personnel est issu de treize départements ministériels et agences. Dans chaque pays, ce travail de synchronisation est placé sous l’autorité de l’ambassadeur américain. En fait, l’action d’Africom vient en appui à la politique étrangère des Etats Unis et notamment sa politique africaine.
Nonobstant cette subordination, le commandement d’Africom est appelé à se montrer imaginatif, créatif et proactif. Il est en charge de la mise du savoir faire militaire au service du déploiement et de la sécurisation des intérêts américains en Afrique.
c) Les contours géostratégiques d’une réorganisation

Africom, est la résultante de l’accroissement des intérêts économiques, et par ricochet des intérêts stratégiques, des Etats-Unis en Afrique. C’est une structure diplomatique et militaire qui est pensée, conçue et déployée par et pour les Etats- Unis.

Les officiels américains tiennent à présenter Africom comme le résultat d’une consultation avec leurs partenaires africains.
Certes, les Etats-Unis rappellent que quatre prescriptions de leurs partenaires africains structurent les actions d’Africom.
Selon Washington, ses partenaires africains prescrivent que la coopération militaire américaine prenne en compte le fait qu’ils ont :
. des armées professionnelles et intègres ;
. des armées attachées à la légitimité, portées par des institutions professionnelles ;
. une capacité nationale et régionale pour combattre la criminalité transnationale ;
. une capacité opérationnelle pouvant leur permettre de participer aux efforts internationaux de maintien de la paix.
Les Etats-Unis se réjouissent que ces exigences africaines coïncident avec des considérations auxquelles ils ont eux même pensé.
Ces prescriptions semblent donner aux armées africaines un visage démocratique et professionnel qu’il n’est plus nécessaire d’améliorer. Or, c’est justement vers la recherche de ce professionnalisme et vers cet ancrage démocratique que les Etats Unis veulent les conduire. Il apparaît que, inscrit dans la dialectique des intelligences, Washington dit prendre en considération ces prescriptions simplement pour des raisons diplomatiques. En effet, tout démontre que, vu des Etats-Unis, de façon générale, les armées africaines n’ont pas encore tous ces mérites. Aussi, les formations qui leur sont proposées sont-elles toutes tournées vers la professionnalisation et le renforcement du caractère démocratique de leurs pratiques. De nombreuses situations de conflits en Afrique sont la conséquence directe des carences professionnelles et démocratiques de certaines de ces armées.
C’est justement afin de corriger cette image que l’essentiel des activités de formation d’Africom visent :

. la consolidation des capacités des forces conventionnelles partenaires ;
. le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité ;
. l’établissement de relations stratégiques fortes ;
. l’appui à la réforme du secteur de sécurité ;
. l’encouragement de la coopération régionale ; la prévention et l’interopérabilité ;
. la participation à la stabilisation des zones de conflit ;
. la prévention des situations conduisant à l’instabilité.
Même si Washington dit prendre en compte la volonté de ses partenaires africains, il reste qu’Africom est un projet américain. Qu’ils soient africains ou occidentaux, les partenaires américains qui ont été consultés l’ont été pour la forme. En effet, Africom est un outil conçu pour pallier les insuffisances africaines dans un contexte où les intérêts américains ne cessent de croître et les menaces aussi.
A la création de cette structure, les autorités américaines avaient amorcé des discutions avec certains pays africains à propos du siège d’Africom. Confrontées à quelques réticences, elles ont provisoirement maintenu son quartier général à Stuttgart. Quatre ans après, l’option officielle est celle du maintien à long de ce QG en Allemagne. Cette situation laisse entrevoir que la concertation que met en avant les Etats Unis reste à parfaire sur le pays africain d’accueil d’Africom.
Malgré ses objectifs officiels affirmés, les contours géostratégiques d’Africom sont une réalité. C’est d’ailleurs ce qui explique que les Etats-Unis sont en permanence amenés à répondre aux préoccupations relatives aux objectifs de cette structure.
Lors de sa tournée africaine de février 2008, le général Ward a été plusieurs fois interpellé sur les objectifs d’Africom.

Les contours géostratégiques et l’importance stratégique d’Africom s’analysent aussi à travers l’importance des moyens qu’elle mobilise.
Entre le 1er octobre 2007, date de sa création et fin 2008, cette structure a bénéficié d’un budget de 125 millions de dollars. En 2009, son budget était de 310 millions de dollars. En 2010, il est de 302 millions de dollars. Ces budgets qui servent au fonctionnement, paiement des salaires du personnel civil etc. ne prend pas en compte les fonds alloués aux exercices. Africom emploie en octobre 2011, 2000 personnels dont 1500 à son quartier général à Stuttgart en Allemagne.

III- Africom et la sécurité nationale des États-Unis

Les attentats de septembre 2001 ont bouleversé la donne énergétique, géostratégique et stratégique aux Etats-Unis. En raison de cette importante mutation, l’Afrique est désormais un allié de revers pour Washington par rapport à ses partenaires traditionnels du Moyen-Orient. Cette situation confère à ce continent un intérêt aussi bien économique, stratégique que sécuritaire. En effet, à la faveur de cette évolution, tous les stratèges, experts militaires et responsables politiques américains reconnaissent qu’une partie de leur sécurité nationale se joue Afrique.

A : Le terrorisme

L’offensive américaine en Afrique s’est très tôt heurtée aux attaques terroristes. En effet, après les attaques de Nairobi et de Dar es Salam, la politique africaine de Washington a pris un tour sécuritaire. Au lendemain du 11 septembre 2001, en raison de l’importance géostratégique acquise par l’Afrique, la préoccupation terroriste est devenue plus pressante. Elle le devient d’autant plus qu’à Washington on a conscience des lacunes sécuritaires des pays africains. A partir de cette lecture, en raison de sa proximité géographique avec le Moyen-Orient, la Corne de l’Afrique est mise sous surveillance. Il faut aussi souligner que cette région offre un exil à des membres d’Al Qaïda. C’est tout logiquement donc que le FBI reçoit l’ordre d’appuyer le gouvernement kenyan dans la conception et l’exécution de son programme anti terroriste. Plusieurs millions de dollars sont ainsi dépensés dans la formation de policiers kenyans aux Etats-Unis.
Africom entretient une relation complexe avec la lutte contre le terrorisme. Les officiels américains n’admettent pas clairement la vocation anti terroriste de ce commandement. Leur discours est expressément ambigu sur la lutte anti terroriste. Pourtant, sa création n’est que la conséquence des menaces terroristes qui pèsent sur les intérêts économiques américains de plus en plus importants en Afrique.
En août 2007, peu avant la création d’Africom, devant le Comité des Affaires Etrangères du Sénat, Theresa Whelan, vice assistante du Secrétaire à la Défense contestait la vocation anti terroriste du commandement. Or en mars 2004, la même Whelan, dans une conférence sur le commandement reconnaissait que celui–ci a pour objectif de prévenir l’établissement, de démanteler ou de détruire les groupes terroristes, mettre un terme à la prolifération des armes de destruction massive.
Le 19 février 2008, le vice amiral Robert Moeller, commandant adjoint d’Africom, soulignait lui aussi l’importance de la vocation anti terroriste d’Africom.
L’ambiguïté qui entoure le discours officiel américain sur cette vocation anti terroriste d’Africom est un construit. Cette posture est essentiellement stratégique. En effet, les autorités américaines ne souhaitent pas communiquer sur la vocation anti terroriste d’Africom. Elles redoutent d’exposer toutes les activités du commandement ainsi leurs partenaires africains aux attaques terroristes.
En effet, si Africom était présenté comme le bouclier anti terroriste américain en Afrique, cela pourrait inciter les extrémistes à faire de ce continent un glacis. Autrement dit, tous ces extrémistes pourraient faire du test de l’efficacité de ce dispositif américain un objectif majeur. De plus ils pourraient chercher à défier le dispositif ou punir les pays africains qui collaborent à Africom.
Au-delà de cette posture essentiellement stratégique, la lutte anti terroriste est structurante de la conception et du déploiement d’Africom. C’est donc logiquement que la lutte contre Al Qaïda et toutes les organisations extrémistes constitue le principal but militaire de ce commandement.
La Corne de l’Afrique et la zone géographique allant du Maghreb au Sahara sont réputés être des points de refuge pour les organisations extrémistes actives en Afrique. Afin de combattre aussi bien l’idéologie que le terrorisme dans ces deux régions, Africom les a placé sous très haute surveillance.
Le Groupement des Forces Interarmées Multinationales pour la Corne de l’Afrique (CJTF-HOA) qui est dont l’existence est plus ancienne. Sa mission est de démasquer, combattre, désorganiser et à écarter toute activité terroriste dans la Corne de l’Afrique. L’action des Etats-Unis vise la sécurisation des frontières des pays de cette région refuge aux terroristes venus du Moyen Orient.
Les relais de la multinationale Al Qaïda, les redoutables Sebbabs somaliens et de nombreux autres mouvements y sèment en permanence la terreur.
Au Maghreb et au Sahara, c’est l’Opération Liberté Durable dans le Tran-Sahara ( Operation Enduring Freedom Tran- Sahara – OEF TS) qui est le levier anti terroriste d’Africom.
Ce programme est ouvert à l’Algérie, au Maroc, à la Tunisie, au Tchad, au Mali, au Niger, à la Mauritanie, au Nigeria et au Sénégal. Il a pour but d’aider tous ces pays à combattre l’idéologie terroriste et le terrorisme à travers :
. le partage de l’information militaire ;
. l’interopérabilité des systèmes de communication ;
. l’organisation des exercices multinationaux conjointes et combinées afin de promouvoir la coopération ;
. la lutte contre l’idéologie extrémiste ;
. le soutien des opérations régionales ;
. le soutien logistique (aviation) ;
. l’offre de stages.
L’importance de ce programme tient à l’extrême sensibilité de l’ensemble géographique trans-saharien. C’est une zone où sont très actifs de nombreux mouvements terroristes tels : Al Qaïda au Maghreb, AQMI, Boko haram.
A l’occasion de sa participation à la conférence internationale sur le terrorisme au sahel qui s’est tenue à Alger du 7 au 8 septembre 2011, le général CARTER F. HAM a donné un point de presse le 15 septembre 2011 à New York. Au cours de celui – ci, il a dit son pays préoccupé au plus haut point par le risque de connexion réel qui existerait entre Al Qaïda au Maghreb, les Sebbabs somaliens et Boko haram. A ce risque s’ajoute la disparition d’armes à destruction massive des arsenaux libyens, conséquence du déclenchement du conflit pour la chute du colonel Kadhafi.
B – L’Africom et la mobilisation internationale pour la paix en Afrique

L’analyse de l’exposé des motifs du commandement militaire américain en Afrique mentionne le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix. Africom veut être un outil au service de la paix et de la sécurité régionale. Elle est au service la prospérité économique du continent. En somme, Africom veut contribuer à la garantie de la sécurité sur le continent pour un épanouissement politique et économique.

C’est une approche qui reprend une préoccupation onusienne ancienne. En effet, après la publication de « L’Agenda pour la paix » en 1992, en janvier 1995, le Secrétaire général des Nations Unies publiait « Le supplément à l’Agenda pour la paix ». Il y soulignait l’interdépendance entre le développement économique et social durable et l’instauration de la paix. Peu après, en novembre 1995, il publiait un rapport intitulé, « Amélioration de la capacité de prévention des conflits et du maintien de la paix en Afrique ». A travers celui-ci il lançait un appel pour l’aide à la construction d’une capacité africaine de maintien de la paix. C’est en réponse à ce rapport qu’on assiste alors à la multiplication de programmes occidentaux concurrents visant à aider l’Afrique. La Force de Réponse aux Crises Africaines créée en 1996 et dont le sigle anglais était ACRF, constitue la réponse américaine à cet appel. Rejeté par les Africains, l’ACRF est remplacé par « l’initiative de Réponse à la Crise Africaine », ACRI, Ce programme est devenu en 2002, l’African Contingency Operations Training Assistance (ACOTA).
Au regard de ce qui précède, comment situer l’Africom par rapport la grande mobilisation pour la paix en Afrique ? Certes, à priori, cette structure s’inscrit dans les solidarités bilatérales et le défi de la responsabilisation de l’Afrique. Cependant, à l’examen, elle n’est pas structurée par une démarche multilatérale concertée.
Afin de mettre de l’ordre dans les initiatives concurrentes de ses partenaires occidentaux la défunte Organisation de l’Unité Africaine (OUA) leurs avait prescrit quelques principes :
. « l’universalité (les initiatives doivent sortir du schéma des sphères d’influences) ;
. « la légitimité et la transparence (que seule la caution de l’O.N.U. et de l’O.U.A. peuvent garantir) ;
. « la durabilité ».
Ces principes ne sont présents ni dans l’analyse ni dans le déploiement d’Africom. En effet, c’est seulement lors de son examen de passage devant le Sénat que le général Ward tentait de rassurer les élus américains sur la volonté d’Africom de coopérer avec l’Union Africaine. Ceci signifie que l’UA n’a pas été associée à la conception du commandement. L’ONU n’a non plus été associée à la conception du programme. Encore moins l’UE. Parce qu’il est conçu par et pour les Américains, Africom ne répond pas au principe de « l’universalité » prescrit par l’OUA. 

Conclusion

L’Africom est le résultat d’une réorganisation interne des structures de commandements américains dictée par l’accroissement des intérêts américains en Afrique. Cet accroissement des intérêts américains dans cette région est la conjonction de plusieurs facteurs.
Le premier est relatif à l’élaboration d’une politique africaine des Etats-Unis à dominance économique, initiée sous l’administration Clinton dès 1993. Celle–ci est activement poursuivie par l’administration G. W. Bush dès janvier 2001.
Le deuxième concerne les attentats du 11 septembre 2001 ; ils ont révélé aux Etats-Unis leur important degré de dépendance énergétique vis-à-vis d’un Moyen Orient hostile.
Le troisième porte sur le réexamen de la politique énergétique américaine. Il a conduit Washington à faire de l’Afrique noire son allié de revers dans sa relation avec ses partenaires du Moyen-Orient. Avec cette mutation, l’Afrique gagne en importance stratégique dans la sécurité des Etats-Unis. En effet, désormais, une partie de leur sécurité s’y joue.
Le quatrième facteur concerne l’incapacité structurelle des partenaires africains des Etats-Unis à assurer efficacement la sécurité sur le continent. Leurs lacunes en matière sécuritaire étant connues, les intérêts américains y sont plus exposés qu’ailleurs.
C’est donc en combinant ces quatre facteurs avec la menace terroriste qui plane sur leurs intérêts en Afrique depuis 1998, que les Etats-Unis ont décidé de la création d’Africom.
Le programme d’aide à la sécurisation des côtes africaines, l’Africa Partnership Station dont le sigle anglais est APS, s’inscrit lui aussi dans la même démarche. Celui-ci prévoit que des navires de guerre américains fournissent des modules de formations aux forces navales africaines, aux personnels portuaires, le long de leur parcours africain. Il sert aussi d’appui aux projets humanitaires. Cependant, on peut observer qu’il est susceptible d’accroître de façon significative le savoir faire des forces africaines. Ce programme et les autres relevant d’Africom visent à établir des relations de confiance entre les Etats-Unis et leurs partenaires africains. De ces relations de confiance, Washington escompte un échange de renseignement susceptible du lui permettre de rendre sa lutte contre l’idéologie extrémiste et le terrorisme efficiente.
Africom est un commandement combattant du terrorisme qui se camouffle dans les questions humanitaires, le développement et la prévention des conflits en Afrique. Sa vocation est la lutte préventive et active contre le terrorisme dont la menace contre les intérêts américains en Afrique est une réalité. A travers ses intenses activités de renseignement, Africom est aussi un outil stratégico–militaire. Sous cet angle, il est au service des intérêts américains, notamment économiques, qu’il doit protéger voire défendre contre, non seulement les terroristes, mais aussi contre toute concurrence. Africom est en somme un instrument de guerre anti-terroriste et de guerre économique spécieusement présenté aux Africains comme un catalyseur de développement. S’il peut effectivement concourir au développement du continent, force est de reconnaitre qu’il n’a pas été pensé puis créé à cette fin altruiste. L’importance des moyens financiers, matériels et humains qu’il mobilise démontre sa dimension stratégique pour les Etats-Unis.
Les Etats-Unis rappellent en permanence qu’Africom repose sur une concertation permanente avec leurs partenaires africains. Ce rappel fait abstraction des réticences de l’UA et des polémiques suscitées dans l’opinion africaine par l’annonce de la création de ce commandement.
Ce sont ces réticences et polémiques qui expliquent qu’Africom, dont on envisageait un temps le siège dans un pays africain, ait provisoirement installé son QG à Stuttgart à sa création. Celles–ci peuvent aussi justifier que ce QG qui devait être établi en Allemagne pour une période transitoire d’un an, y soit encore, près de quatre ans après.

Alain FOGUE TEDOM*, Enseignant des Relations Internationales et Stratégiques à l’université de Yaoundé II, Soa. Directeur du Centre Panafricain d’Etudes Stratégiques pour la Promotion de la Paix et du Développement (CAPED), Cameroun

le 21 novembre 2011

http://www.diploweb.com/AFRICOM-Le-commandement-militaire.html

Références bibliographiques
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site Africom : africom.mil
[1] Voir « Le président américain en Afrique » in L’Autre Afrique n°42 du 25 au 31 mars 1998, 9–15.
[2] Voir ROCHE (Jean – Jacques), Théories des relations internationales, Paris, Montchrestien, Clefs Politiques, p. 21.
[3] Voir COUTAU – BÉGARIE (Hervé), Traité de Stratégie, Paris, Économica, p. 77.
[4] Voir François MISSER et Olivier VALLEE, Les gemmocraties, L’économie politique du diamant africain, Paris, Desclée de Brouwer, 243 p.
[5] Voir l’analyse de William RAMSAY, ancien ambassadeur des États Unis au Congo et directeur de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), L’Autre Afrique n°72 du 16 au 22 / 12 / 1998, p.31.
[6] Voir OTTAWAY (Marina), « Repenser la politique américaine », in Géopolitique Africaine n°2, printemps 2001, pp. 210 – 224.
[7] Voir Éric FOTTORINO, « L’Ultime rêve américain », in L’Autre Afrique n°7 du 2 au 8 juillet 1997, p.31.
[8] Ibid.
[9] Voir « L’initiative Clinton vue d’Europe : un effet d’optique », Ibid., p. 86.
[10] Voir, « L’Afrique charmée par les Américains », in France Afrique Hebdo n° 02 du 6 au 17 avril 1998, p. 7.
[11] Ibid.
[12] Ibid.
[13] Africa News Report, 2 février 1998, cité par Philippe LEYMARIE, in Le Monde diplomatique, mars 1998, p.20.
[14] FONTAINE (Roger), « Ce que je ferais » ; Entretien avec Chester Crocker, ancien Secrétaire d’État adjoint pour les Affaires africaines, de 1981 à 1989, in Géopolitique Africaine n°2, printemps 2001, pp. 199 – 2007.
[15] Voir « Les trois « piliers » africains de George BUSH », in J.A. L’Intelligent n°2106, Op.cit. p.12.
[16] Ibid, p. 3.
[17] Voir « La sécurité énergétique américaine ou la défense de l’american way of life ? », in Diplomatie, affaires stratégiques et cultures internationales n°11, p. 74.
[18] Voir « Le pétrole d’Afrique noire, filet de sécurité pour l’économie mondiale », p. 1, sur congopage .com
[19] Ibid.a
Source: tamoudre.org


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