4 déc. 2011

Agadez : la ville aux mille et une facettes


Agadez, capitale de l’Aïr et ville touristique par excellence, se remet  petit à petit de sa léthargie, suite aux différents accords de paix signés pour le retour de la sécurité et la quiétude sociale. Mais, voila : Agadez fait face à d’autres préoccupations, avec l’afflux des migrants rapatriés de la Libye.

Cependant, les charmes de cette ville sont toujours vivaces: les balades au bord des koris avec comme guides les « perles de l’Aïr », ou dans des quartiers comme «Pays bas », coin chaud de la ville où coulent à flot les boissons frelatées, etc. Les va-et-vient incessants des moto-taxis, communément appelées ‘’kabu-kabu », avec les risques d’accidents qu’ils provoquent, ou l’apparition spontanée d’un marché créé par les migrants, ajoutent aux attraits d’Agadez…
Il est 14 heures dans la capitale de l’Aïr : d’un ciel complètement dégagé, le soleil libère, sans la moindre retenue, l’impitoyable puissance de ses rayons ardents. De grosses perles de sueur dégoulinent sur les visages des uns et des autres, mais ne peuvent entraver l’ambiance des fêtards bien décidés à vaquer à leurs activités quotidiennes. Quand vient le soir, vient la nuit, dit-on. Ainsi épuisé, le soleil a en amont subrepticement retiré son dard de cette capitale avant de disparaître derrière, au fond des collines, dans un ultime clin d’œil orangé, ravi d’avoir éclairé la cité de l’Aïr.
Nous sommes dans un quartier dénommé ‘’Pays Bas », un amas de huttes où l’ambiance est bon enfant. Dès que l’on y débarque, l’on est saisi par l’irrésistible envie de griffonner quelques lignes sur l’aspect d’un endroit qui, même revu et revisité, laisse encore perplexe tout visiteur. ‘’Pays Bas », c’est toute une vie, un monde bigarré, un art de vivre, diront certains. Même la police, qui y est très fréquente par ses descentes, ne prendra le risque de lui ôter le charme inédit de sa chaleureuse singularité. Ici, pas de chaises, pas de bancs en tant que tels, mais des nattes sur lesquelles sont assis les fêtards ; au fur et à mesure que les heures s’écoulent, le temps n’a aucune importance, c’est le présent qui compte.
Certains clients chroniques attitrés, qui ont visiblement élu domicile dans ce bivouac, sont déjà éméchés, jurant sur leurs promesses du passé, sollicitant çà et là  la générosité d’un âme charitable dans l’espoir de leur glaner deux ou trois consommations de liqueur frelatée ou d’un bol de tchapalo (boisson faite de levure et de sucre). Dans un coin, un groupe de gaillards, le regard perdu, tenues indécentes, vêtus d’oripeaux adaptés au milieu, avalent de grosses rasades sans interruption. De temps en temps, ils lèchent leurs babines -  signe, semble-t-il, que ça passe !
Et le temps passe, indifférent aux calculs des uns, insensible à la joie des autres. A côté de ces molosses aux lèvres rougies du fait de la surconsommation de ces liqueurs, des sacs de voyages poussiéreux, de vieux appareils de musique, des grosses couvertures. Apparemment, ils appartiennent aux migrants en provenance de la Libye. Ils ne cachent point leur amertume et profèrent des injures à qui veut les entendre. De temps à autre, ils liquident un objet pour poursuivre la fête, car ils ont trouvé dans ces huttes un dortoir, un espace d’intimité où se blottit une sorte de pègre qui n’esquisse point le moindre signe de dégoût malgré l’insalubrité de ces ‘’bivouacs ».
Et au fur et à mesure que l’on boit abondamment et que les langues commencent à se délier, ce lieu deviendra, en l’espace de quelques minutes, la sphère de l’impossible ‘’fusion » du réel et de l’irréel où l’on balbutie des phrases inaudibles. Alors, des images défilent à une cadence folle, puisque le passé, le présent et le futur se chevauchent sans relâche dans ce lieu où sont coalisés oisifs, flemmards, bandits de tout acabit et de toutes nationalités.  Maintenant, il se fait tard, très tard dans la capitale de l’Aïr, où aucune moto-taxi, encore moins un taxi, ne s’aventure, sinon à leurs grands risques et périls. Alors, pendant que les uns vomissent à gorges déployées, les autres tentent, dans un ultime effort, de se relever pour retomber sur eux-mêmes.
D’autres, qui ont pu se tenir debout, foncent dans la nuit noire, dans la plus grande imprudence bien entendu, étant donné leur état d’ébriété, puisque beaucoup passent toute la journée sans avaler la moindre brochette… Alors, c’est presque la fin de la partie et il faut rejoindre la famille. Comment ? Dans un état déplaisant ? D’autres, poursuivront jusqu’à l’aube des discussions stériles avant de rejoindre finalement leur domicile où un autre monde les attend de pied ferme : celui du sommeil et des rêves. Nous prenons congé des ‘’Pays Bas ».
Pour une autre destination, toujours en compagnie, non pas d’un guide véritablement, mais d’un fin connaisseur des endroits bien branchés qui n’ont aucune similitude avec les huttes du ‘’Pays-bas », non seulement par l’aspect des lieux, mais aussi par le comportement des clients et clientes, tous âges confondus. La télé et la radio diffusent, noyant le ‘’gogué » (violon traditionnel…) très apprécié par les clients. Ici également, l’alcool coule à flots. A la différence du ‘’Pays Bas », ici c’est plutôt le genre féminin qui excelle dans la surconsommation. Dans ce méli-mélo, l’on ne constate aucun accrochage, encore moins de longs écarts de langage. C’est réconfortant à plus titre. Dans les discussions ou autres conversations, la prédominance, c’est le cousinage à plaisanterie.
En provenance de Tahoua, juste à l’entrée de la capitale de l’Aïr, après le service de sécurité, se trouve une grande surface à l’intérieur de laquelle des hommes en tenue se démènent au milieu des camions arrivés de la Libye et qui viennent de stationner. Dans ce tintamarre, nous étions ébahis devant l’ampleur du travail qui attend les douaniers. Profitant d’un instant, nous visitons le marché des réfugiés, disons des migrants, marché situé juste en face du Bureau des Douanes des deux côtés de la RTA.
Lieu de convergence jusqu’aux heures indues de la nuit, ce marché circonstanciel draine toutes les couches socioprofessionnelles de la ville d’Agadez et celles en partance pour d’autres destinations du pays (Tahoua, Arlit, Zinder…) contraintes de passer la nuit à Agadez, à cause du planning horaire de l’escorte militaire. Dans ce marché, on trouve du tout, en provenance de la Libye ; on peut tout acheter, sauf si le porte-monnaie est vide: des pacotilles manufacturées aux produits haut de gamme, comme les appareils électroménagers et les appareils de communication, en passant par les tapis, les couvertures, les ustensiles de cuisine, et.
En tout cas, tout y est, sans compter les pâtes alimentaires et autres conserves à des prix vraiment abordables. Les commerçants d’Agadez, installés dans les quatre grands marchés que compte la ville, ont transféré une partie de leurs marchandises dans ce marché du bureau des douanes en se ‘’déguisant » en migrant : un étalage, un bidon, une tasse sale, un turban. Pour faire croire aux potentiels acheteurs qu’ils viennent de la Libye. En réalité, ils viennent des marchés d’Agadez pour liquider aisément leurs marchandises restées longtemps invendues.
Le bureau des Douanes d’Agadez, rattaché à la Direction régionale de cette unité, est un bureau de plein exercice, c’est-à-dire qui a pour compétences le dédouanement des marchandises toutes catégories et qualités confondues. S’agissant des réalisations financières, le responsable du Bureau des douanes indique que, ‘’dès qu’il y a persistance de l’insécurité, il va de soi que le trafic ralentisse de manière considérable. Les opérateurs économiques ne peuvent se rendre à Agadez, à Arlit ou dans les autres destinations que sous escortes militaires qui se déroulent toute la semaine, exceptés les lundis et mercredis.
Du coup, convenez avec nous qu’il existe, à ce niveau-là, une gène dans la régularité des opérations commerciales et qui trouble de manière générale l’économie de toute une région ». Cependant, il convient de noter qu’en temps normal, deux produits sont pourvoyeurs des recettes au Bureau des Douanes d’Agadez : il s’agit essentiellement des hydrocarbures et de l’important transit de cigarettes qui constituent plus de 87% des recettes. Cependant, avec la situation qui prévaut à l’heure actuelle en Libye, l’on constate une petite chute par rapport à l’année précédente en ce qui concerne, précisons-le, le transit des cigarettes.
Contrairement aux insinuations des uns et des autres, le débarquement des migrants en provenance de la Libye n’a nullement permis d’augmenter les recettes de l’unité douanière d’Agadez. Tout au contraire ! Dans un premier temps, ils sont arrivés avec quelques articles électroménagers et autres produits manufacturés vétustes qui ne peuvent être l’objet d’opérations douanières. D’ailleurs, ce sont des gens fatigués par la traversée du désert et moralement abattus par le dénuement le plus complet. L’anxiété se lisait sur tous leurs visages.
Devant ces cas sociaux, comment peut-on parler d’amélioration des recettes ; étant donné, encore une fois, que la plupart sont contraints de ‘’liquider » quelques vêtements et autres articles pour améliorer leur séjour d’une part, et d’autre part, pour assurer le transport en dépit de quelques dispositions nettement insuffisantes du comité régional chargé de leur récupération alimentaire. D’une manière générale, les articles  que ces migrants ramènent n’ont aucune valeur commerciale pour que cela soit l’objet d’opérations douanières. L’une des difficultés rencontrées par les douaniers se trouve être la maîtrise du flux.
Au tout début, 2500 migrants ont débarqué ; il aura fallu faire appel aux forces armées pour une série de vérifications des bagages. Finalement, rien n’a été décelé comme armes et la douane a fait ce qu’elle peut faire : les marchandises à dédouaner l’ont été dans les normes. Les autres qui présentent un aspect déplorable ont été exemptées par humanisme. En ce qui concerne la fraude, elle est monnaie courante et persistante à cause de l’insuffisance vérifiable sur place à Agadez des moyens humains et matériels (armement surtout…) pour pouvoir sillonner efficacement la zone afin de traquer les fraudeurs qui y pullulent et qui ont une bonne connaissance du terrain. Les services douaniers ne peuvent prendre le risque de s’aventurer parce que les patrouilles sont difficiles ; et il faut nécessairement attendre les escortes militaires. Cette situation de blocage crée un important manque à gagner pour les caisses de l’unité douanière d’Agadez et partant, pour toute la trésorerie de notre pays. Cependant, les douaniers d’Agadez sont informés de l’important mouvement de gros porteurs pleins de marchandises qui contournent le bureau d’Agadez, pour d’autres destinations du côté d’Ingal…
Malheureusement, ils ne peuvent engager une course-poursuite ou une embuscade à cause de l’insuffisance des moyens humains et matériels, entre autres, l’armement. Devant cet immobilisme déconcertant, l’unité procède par moment à des opérations coups de poing sur les véhicules qui contournent le bureau sans avoir accompli les formalités de dédouanement dont ils connaissent l’impérieuse nécessité. Car les opérateurs économiques doivent savoir que frauder n’est pas un acte patriotique. Se conformer aux formalités douanières, c’est contribuer, avec l’Etat, à la création d’infrastructures sociales dont tous les Nigériens ont grandement besoin… chaque jour davantage.
En bordure d’une rue bitumée, un conducteur de mototaxi kabu-kabu m’interpelle vivement en ces termes : mouché, tu vas où ? Destination connue, il me dit de monter après avoir ajusté son képi sur une tête mal coiffée. Puis il démarre en trombe, sans avoir la prudence de s’assurer si un autre véhicule ne vient pas. Maintenant, la conversation s’engage avec mon pilote.
Devant l’excessivité de la vitesse et le non-respect total des panneaux de signalisation, je lui demande de diminuer son allure. Et de me rétorquer que si j’ai peur de la vitesse, je peux toujours descendre et chercher une autre moto pour m’emmener à destination.  Agé d’une quinzaine d’années, le jeune conducteur n’a apparemment ni permis ni pièces pour la moto. ‘’Ici, c’est pas problème. Affaire, c’est tout ! », m’a-t-il répondu lorsque je lui en ai posé une question y relative. Et comble de péril, il ne respecte aucun panneau de signalisation!
C’est la peur dans l’âme que j’arrive à destination. Dieu merci, plus de peur que de mal…  Voilà le calvaire quotidien des usagers de la ville d’Agadez qui empruntent les kabu-kabu. De Konni à Tahoua, en passant par Agadez, ces jeunes conducteurs de moto-taxi, sont devenus les véritables maîtres de la route. En dépit de la dose de frayeur qui hante les clients pendant toute la course, ils constituent de nos jours un mal nécessaire aussi vrai qu’ils rendent d’énormes services aux usagers. En dépit du fait qu‘ils quadrillent et sillonnent coins et recoins des quartiers et zones urbaines, ils desservent également des villages situés entre 20 à 30 kilomètres de leur lieu de résidence. D’ailleurs, à la grande satisfaction de leur importante clientèle qui se recrute dans tous les milieux, malgré leur comportement qui se traduit par l’insolence et les écarts de langage, quel que soit l’âge du client.
Les parents des enfants sont chaque jour angoissés et sont pressés de voir leurs enfants revenir sains et sauf de l’école. Ces bolides sont constamment en altercation verbale ou même physique avec les agents chargés de réglementer la circulation routière urbaine, étant donné que la plupart d’entre eux, ne disposant d’aucune pièce réglementaire, tentent de larguer les clients pour prendre la fuite en cas d’interpellation. Prenons le cas d’Agadez : à l’heure actuelle, il y a plus de 4.000 kabu- kabu dont les victimes sont généralement des enfants, des élèves et des femmes portant des bébés. Un agent de force de l’ordre ayant  gardé  l’anonymat nous a affirmé ceci : ‘’vraiment, les kabu-kabu font plus de morts et de blessés que les mines » ; et d’ajouter : ‘’le comportement de ces jeunes cavaliers de fer est dû au fait que la plupart des motos appartiennent à des gens relativement aisés de la ville. Certains auraient jusqu’à 5 ou 10 motos enfourchées par ces jeunes qui leur rapportent au moins 8000 à 10.000 FCFA par jour. Alors, allez comprendre quelque chose ».
Et le même agent  de poursuivre péremptoire : ‘’C'est ce qui explique tout naturellement d’intenses interventions en cas d’opérations coups de poings de la police. Mais, au regard de la persistance de la situation et du ras-le-bol des familles endeuillées, il est à craindre que certaines se fassent justice », a-t-il poursuivi avant de conclure: ‘’c'est vrai que les kabu-kabu rendent service, mais il est nécessaire de les organiser et de les soumettre aux mêmes textes que les conducteurs des véhicules à quatre roues ».
Dans tous les cas, bien que très variées, les causes des accidents sont bien connues et sont dues à des facteurs comme la vitesse, l’ivresse ou la consommation de stupéfiants, la maladresse et le non respect des dispositions de sécurité telles que les casques. Une vigilance s’impose quant à l’application de la réglementation pour inciter ces conducteurs de ‘’motos folles » à adopter un comportement beaucoup plus responsable.
DUBOIS TOURAOUA, 
Source: ONEP TAHOUA-AGADEZ


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