2 déc. 2011

Les prises d'otages se multiplient dans le Sahel. Comment expliquer cette insécurité croissante?

Qui est derrière les récents enlèvements?

Il n’y a eu aucune revendication pour le moment. Ni pour l’enlèvement des deux Français à Hombori le 24 novembre, ni pour l’enlèvement à Tombouctou de trois touristes et le meurtre d’un quatrième le 25 novembre. Néanmoins la méthode employée est la signature d’Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et de ceux qui kidnappent pour leur compte. Les trois touristes de Tombouctou ont été enlevés par des hommes armées à la terrasse de leur hôtel. En janvier 2010, les ravisseurs d’Antoine de Léocour et Vincent Delory étaient allés les chercher dans un restaurant de Niamey, au Niger.
Le président malien Amadou Toumani Touré (ATT) préfère pointer du doigt les ex-combattants pro-Kadhafi d’origine malienne revenus de Libye. Certains, armés, se sont soustraits à l’autorité de l’Etat malien. Une façon pour ATT de se défausser en faisant porter indirectement la responsabilité des enlèvements aux pays de l’Otan, accusés d’avoir transformé le Sahel en poudrière. Les enlèvements au Sahel ne sont cependant pas nés avec le conflit libyen.

Le Mali s’est-il préoccupé de la menace qui pesait dans le Nord?

Le Mali a longtemps nié l’insécurité planant sur le Nord du Mali, notamment pour préserver le tourisme. Le 20 décembre 2010 les organisateurs du Festival au Désert de Tombouctou évoquaient dans un communiqué la visite du président malien à l’occasion de l’édition de janvier 2011: «Le sens de cette visite est aussi de rassurer les personnes qui souhaitent venir (…) en dépit de cette campagne d’intoxication contre le Tourisme Malien.»
Le 21 avril 2011 l’actuel ministre de la Sécurité intérieure écrivait «qu’à ce jour, aucune preuve tangible ne permet de soutenir cette prétendue insécurité (…) y compris dans la région de Mopti, région de tourisme par excellence».
Les choses changent avec l’arrivée au ministère des Affaires étrangères de Soumeylou Boubèye Maiga en avril 2011. Dans une interview au journal Le Monde datée du 4 mai 2011, il déclare qu’il est: « décidé à rompre avec le discours de victimisation qui a prévalu jusqu'à présent, et [j’] admet[s] que la sécurité de ressortissants français a pu être mise en danger».

Des mesures ont-elles été prises pour lutter contres les enlèvements?

Le 23 novembre, soit deux jours avant l’enlèvement des deux Français à Hombori, le commissaire européen Andris Piebalgs était au Mali pour annoncer un soutien de 50 millions d’euros dans le cadre de la Stratégie européenne pour la sécurité et le développement au Sahel.
Le Mali a lancé en août 2010 le Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement dans le Nord du Mali (PSPSDN) focalisé sur les deux axes sécurité-développement. L’objectif est de réaffirmer la présence de l’Etat dans les zones où sa souveraineté est mise à mal. Un casse-tête dans la mesure où le renforcement de la présence de l’armée dans Nord va à l’encontre des revendications des mouvements indépendantistes touaregs (voir ci-dessous). Un plan de relance du tourisme avec sécurisation des principaux sites avait par ailleurs été annoncé en août dernier. Les touristes rapatriés de Tombouctou n’en ont pas vu grand chose.
Après une première vague d’accusations réciproques, un Comité d'Etat Major Opérationnel Conjoint (CEMOC) commun à la Mauritanie, au Niger, au Mali et à l’Algérie a été créé à Tamanrasset (Algérie) en 2010 en vue de coordonner les opérations de lutte contre les groupes terroristes présents au Sahel. Le 20 mai 2011, les ministres des Affaires étrangères de ces pays se sont réunis à Bamako. Ils ont notamment rappelé qu’ils étaient favorables à la criminalisation du paiement de rançons.
Des militaires français sont également présents dans plusieurs pays du Sahel dont le Mali.

Quelles conséquences?

A peine commencée, la saison touristique est déjà finie. Le tourisme malien, déjà très touché (environ 76 millions d’euros de perte ces deux dernières années), s’apprête à vivre une longue traversée du désert. La France a fait descendre la zone rouge jusqu’à la région de Ségou en épargnant les principaux sites touristiques (Pays dogon, Mopti, Djenné). Le constat —l’accord disent certains— qui voulait qu’on séquestre au Mali mais qu’on n’y enlève pas n’est plus. De nouveaux enlèvements ne sont donc à pas exclure. Et les Français ne sont plus les seuls visés puisque les touristes enlevés à Tombouctou sont hollandais, sud-africain et suédois. Le signe —pour le groupe de ravisseurs concerné en tout cas— que l’intérêt va à l’argent des rançons plutôt qu’à des revendications politiques à caractère religieux. Que se passera-t-il quand il n’y aura plus de blancs à enlever au Sahel?
Enfin il est difficile de savoir quel impact ces événements vont avoir sur le scrutin présidentiel du 28 avril 2012. Les principaux candidats déclarés n’ont pas réagi. Certains favoris comme Soumaïla Cissé revendiquent officiellement l’héritage d’ATT et invitent à la continuité. Pas de quoi se vanter sur le Nord, donc. La plupart sont issus de la majorité présidentielle et ont occupé de hautes fonctions ministérielles, voire ont été Premier ministre sous Alpha Oumar Konaré et ATT. La crise du Nord est d’une certaine façon aussi leur échec.

Pourquoi évoque-t-on une possible nouvelle rébellion touarègue?

Depuis son indépendance en 1960, le Mali a connu quatre rebellions touarègues. Les Touareg s’estiment marginalisés politiquement, économiquement et culturellement par l’Etat malien. Les mouvements indépendantistes assagis par les accords d’Alger en 2006 constatent aujourd’hui comme tout le monde l’impuissance de l’Etat malien à contrôler son territoire et à y assurer la sécurité des personnes.
Dans sa déclaration fondatrice (1er novembre 2010) une nouvelle organisation indépendantiste aux contours et à la ligne directrice flous, le Mouvement National de l’Azawad (MNA), souligne que «l’Azawad est devenu aujourd'hui un espace de conflit et d’influence entre des pays qui ont l’œil sur leurs intérêts et les groupes extrémistes» et que ce territoire fait «l’objet des interventions régionales et internationales, chacun selon ses intérêts et son agenda propre, aucun rôle pour le peuple de l’Azawad excepté celui du spectateur incapable». En passant au passage sous silence les actes de banditisme et les trafics de drogues auxquels participent certains Touareg. Le décès de l’ancien chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga en août 2011 a par ailleurs ouvert la voie à une restructuration des mouvements.
Amadou Toumani Touré sait la situation explosive. Après les derniers enlèvements il a pris bien garde de préciser qu’«il ne faut pas se tromper d’adversaires ou d’ennemis. Les actes isolés posés par des bandits n’engagent aucunement la responsabilité de leur communauté d’origine».

Fabien Offner
http://www.slateafrique.com

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