10 févr. 2012

Le nord du Mali va-t-il s’embraser?

Les récents affrontements dans l’Azawad inquiètent: l’heure de la quatrième rébellion touarègue de l’histoire du Mali indépendant a-t-elle sonné?
les rebelles touareg maliens sont entrés le 1er février dans la ville de Ménaka (nord-est), près de la frontière avec le Niger, après le départ d’un détachement de l’armée dans la nuit, a appris l’AFP de sources concordantes.


L’heure de la quatrième rébellion touarègue de l’histoire du Mali indépendant a-t-elle sonné? Le 18 janvier, des hommes armés ont attaqué des cibles militaires à Tessalit et Aguelhoc, deux localités du nord-est malien proches de l’Algérie. La veille à Ménaka, située à 1500 km de Bamako près de la frontière nigérienne, des premiers combats avaient fait selon le ministère de la Défense «de nombreux morts et blessés» dans les rangs adverses, et un mort dans l’armée malienne.

Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) a revendiqué «les actions militaires enregistrées en territoire de l’Azawad», dont il veut proclamer l’indépendance. En octobre 2011, alors que plusieurs centaines de touaregs armés ayant combattu pour Kadhafi avaient rejoint le Mali, le Mouvement national de l’Azawad (MNA) avait fusionné avec d’autres mouvements pour former le MNLA. A sa création en novembre 2010 le MNA se présentait comme un mouvement souhaitant «défendre et valoriser la politique pacifique» et disait «rejeter et condamner la violenceet le terrorisme sous toutes leurs formes».

L’un des responsables du MNLA basé en France, Moussa Ag Acharatman, affirme que Tessalit est sous le contrôle du mouvement de même qu’une ville de la région de Tombouctou, Léré. Ce qu’infirme pourtant un habitant de la ville. Dans la situation actuelle le MNLA refuse de se définir comme l’assaillant. Dans sa logique, il ne fait que se défendre.

«Au lieu d’accepter le dialogue le gouvernement inonde nos villes avec son armée. Il n’a pas la volonté de résoudre la crise pacifiquement. C’est lui qui veut la violence, pas nous», a-t-il ajouté.

Mais de leur côté, les autorités maliennes affirment, elles aussi, maîtriser la situation.

Les nouveaux griefs du MNLA


«Déclaration de guerre du Mali au peuple de l’Azawad», titrait le mouvement dans un communiqué, le 12 janvier, alors que des troupes de l’armée étaient envoyées dans le Nord.

Le MNLA est l’héritier de décennies de revendications politiques touarègues qui se sont tour à tour heurtées à la colonisation française et à l’Etat malien. En juin 1990 c’est à Ménaka que fut lancée une rébellion menée par le Mouvement populaire pour la libération de l’Azawad.

Aux traditionnels reproches formulés à l’égard de l’Etat malien (acculturation forcée, violences, mépris, sous-financement, non-respect des accords de paix) s’est ajouté ces dernières années une nouvelle rancune.

«L’Azawad est devenu aujourd’hui un espace de conflit et d’influence entre des pays qui ont l’œil sur leurs intérêts et les groupes extrémistes», explique le mouvement qui se dit hostile à al-Qaida au Maghreb islamique, responsable d’enlèvements d’étrangers au Mali et de l’effondrement des revenus du tourisme.

Autant de raisons qui poussent certains, aujourd’hui comme hier, à réclamer l’indépendance de l’Azawad, un territoire correspondant aux 6e (Gao), 7e (Tombouctou) et 8e (Kidal) régions du Mali, selon les termes du Pacte national signé en 1992 entre les mouvements rebelles et le gouvernement malien. Soit la majorité du pays. Lors de son premier congrès national en avril 2011 à Kidal les militants du MNA se sont doté d’un drapeau quadricolore.

Le noir, «comme les ténèbres de l’occupation vécues par les Azawadiens», le rouge «comme le sang des martyres», le vert «comme la tranquillité, la stabilité et la paix», le jaune or «signifiant les richesses et la couleur du sol azawadien». Sur le logo, deux épées «signifiant la force protectrice de la nation» et une plume «signifiant le savoir et l’intellectualisme comme moyen d’atteindre les objectifs». Le mouvement fait du français et de l’arabe «les deux langues officielles» et du tamasheq, de l’arabe et du songhay des «langues nationales».

Réalisme ou simples lubies?


La presse malienne évoquait mardi des «bandits armés», déniant ainsi aux rebelles l’existence de revendications politiques historiques.

«Toutes les négociations allant dans le sens d’octroyer des privilèges insupportables pour l’Etat à ces renégats seront rejetées et dénoncées», assène pour sa part 22 Septembre.

«Le pays qui a accepté, en 1992, le dialogue plutôt que la guerre avec ses fils un moment égarés ne mérite pas ce camouflet», écrit Le Républicain.

Une hostilité largement partagée par la population, qui s’épargne l’effort de répondre à la question essentielle de la réalité de l’application des Accords d’Alger par les gouvernements successifs.

Le MNLA n’attend pas plus de compréhension et de dialogue de la part des candidats à l’élection présidentielle du 29 avril prochain. Tous font campagne sur la restauration de l’autorité de l’Etat dans le Nord. «Qui veut la paix prépare la guerre», a notamment lancé le candidat du Rassemblement pour le Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, samedi 14 janvier, au cours de son investiture.

Militairement et logistiquement, les mouvements indépendantistes ne peuvent plus compter sur l’aide de Kadhafi, qui les avaient aidés par le passé. Surtout, le Nord du Mali est loin d’être un territoire ethniquement homogène et le désir d’indépendance est le fait d’une minorité. A Kidal, Gao, Tombouctou, les populations noires sont majoritaires.

«Cette libération de l’Azawad nous parait impossible», commente Mohamed ag Ossad, directeur du centre culturel touareg Tumast à Bamako.

«Les Maliens sont trop mélangés. Vous tueriez votre frère sans le savoir en cas de conflit», dit-il en rappelant la devise du Mali: Un peuple, un but, une foi.

«Tumast combat par la culture. Nous faisons la promotion de la culture touarègue afin de créer une cohésion sociale entre nord et sud. Beaucoup de gens du sud ne connaissaient pas vraiment la culture touarègue.»

«Les interactions entre les peuples du Nord ont toujours existé», témoigne Aminata Sidibé, une sociologue originaire du cercle de Diré, dans la région de Tombouctou.

«J’ai des amis tamasheqs (touaregs), bozos, songhaï, explique cette peule. Ces liens ont toujours existé malgré les soubresauts.»

Des liens qui n’ont pas empêché des tueries de civils basées sur des clivages communautaires lors des précédentes rébellions. Plusieurs milices noires s’étaient alors créées en réaction à la rébellion. Notamment Ganda Koy (maîtres de la terre) qui se serait rendue responsable de la mort de dizaines de civils touaregs et maures en 1994, selon Amnesty International.

Des obstacles variés


Territoire enclavé, un Nord indépendant pourrait compter sur le tourisme. Avec Tombouctou et le tombeau des Askia à Gao la région regroupe deux des trois biens inscrits au patrimoine mondial culturel de l’Unesco. Sans compter d’éventuelles ressources pétrolières. La région fait cependant face à des crises alimentaires chroniques.

Autre obstacle dressé sur la route de l’indépendance, l’Union africaine, qui pose comme principe le «respect des frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance». Même si l’Erythrée et le Sud-Soudan l’ont mis à mal. Dans un bain de sang à chaque fois.

Dans cet isolement quasi général, les combattants peuvent tout juste compter sur le soutien moral de mélomanes occidentaux sensibilisés aux idées indépendantistes par la musique de Tinariwen, Tamikrest et des autres groupes touaregs populaires en Occident:

«On voit nos sœurs qui ont enduré la misère / Ne perdant jamais l’espoir malgré l’oppression / Nos terres sont divisées, d’autres pays y sont fondés avec des frontières tracés/Mon peuple est partagé, marginalisé, devenu étranger sur son territoire / Sachant qu’il est dépossédé et n’ayant aucune autorité» («Ayitma Madjam», Toumastin, Tamikrest, 2011)

Fabien Offner

http://www.slateafrique.com/81233/l-independance-de-l-azawad-reve-ou-realite, 01-02-2012

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