16 févr. 2012

Mali : LES ENJEUX DE CETTE NOUVELLE INSURRECTION



Les combattants touarègues du Mali affrontent l’armée régulière depuis un mois, réclamant l’indépendance de la région nord.Les combattants touarègues du Mali affrontent l’armée régulière depuis un mois, réclamant l’indépendance de la région nord.
Depuis le début de l’année, le Mali est de nouveau confronté à une nouvelle rébellion touareg. Plus d’un observateur a été surpris par la résurgence du problème du nord Mali qu’on croyait réglé par l’application des dispositions des « Accords de Tamanrasset » (6 janvier 1991) et du « Pacte national » (11 avril 1992). Qui sont les Touareg du Nord Mali et quels sont les enjeux de cette nouvelle insurrection ?



Les Touareg constituent une branche du vaste ensemble berbérophone qui peuple les larges espaces désertiques du Maghreb, du Sahara et du Sahel. Estimés à un million et demi, ils sont répartis, aujourd’hui, entre l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Mali et le Niger. La société touarègue est complexe et fortement structurée et se caractérise par un fort sentiment d’appartenance communautaire reposant sur trois facteurs d’unité.
Il s’agit, de prime abord, de la langue, le tamacheq, écrite dans un alphabet particulier, le tifinagh. Cette langue constitue le cimentidentitaire de la communauté touarègue qui se désigne sous l’appellation de KelTamasheq (ceux qui parlent la langue targui). Le deuxième facteur d’unité est la religion islamique pratiquée avec des variantes par les différents groupes touareg. Le troisième élément unificateur est l’aspect fortement hiérarchisé et composite de la société.
En effet, les Touareg sont répartis en diverses tribus « Kel » identifiées en fonction de leurs aires de nomadisation traditionnelle. Les tribus sont organisées en grandes confédérations, au nombre de huit. Il s’agit des KelAhaggar (Hoggar) des Kel Ajjer (Tassili algérien), des Kel Aïr, KelGress et IoullimidenKelDinniq (Niger), IoullimidenKelAtaram, KelTaademekkat et Kel Adrar (Mali). Au sein de la tribu, chaque individu occupe un rang social précis : nobles (imajagen), lettré (inisilman), hommes libres et vassaux (imgad), artisans (inaden),esclaves libérés (igawalen) et tout en bas de l’échelle sociale, esclaves (iklan). Le mode de vie de la société touareg s’articule autour du nomadisme, du pastoralisme, de l’organisation pyramidale de la société, de la prédominance d’une aristocratie guerrière qui n’hésite pas à organiser des razzias prédatrices à l’encontre des peuples voisins, principalement les négro-africains. Ces « seigneurs de guerre» ont donc joué le rôle d’intermédiaire dans la traite négrière pour le compte des sociétés arabes du nord de l’Afrique et du Moyen- orient.
Ce mode de vie connaît des bouleversements dramatiques au contact de la colonisation et de l’avènement de l’indépendance. En effet, les conquêtes française et italienne du Sahara se heurtent à de fortes résistances touarègues en 1916 et 1917 (révoltes de Firhun au Mali et de Kaosen dans l’Aïr). Elles sont écrasées dans le sang et ont pour conséquences, la liquidation de l’aristocratie guerrière, l’affaiblissement du poids des chefferies traditionnelles et l’introduction de graves dysfonctionnements dans l’organisation sociale. Cette situation est aggravée par le choc des indépendances qui voit l’inversion des rapports de forces entre les anciens « razzieurs » et les «razziés » (ethnies négro-africaines) qui contrôlent désormais les appareils d’Etat. Ces dernières vont marginaliser les Touareg sur les plans politique, économique et social. Ni hôpitaux, ni dispensaires, ni écoles ne sont construits dans les régions touareg, donnant le sentiment aux Touareg d’être des citoyens de « seconde zone » dans leur pays. Leur situation deviendra plus dramatique avec leur incapacité à s’adapter à la modernité.
En effet, en raison de l’émiettement du vaste espace saharien, l’économie traditionnelle touareg qui repose sur la transhumance et les grandes caravanes chamelières survit difficilement à l’instauration des frontières entre États et la mise en place d’administrations nationales dominées par les ethnies négro- africaines qui, par des politiques maladroites, contrarient les pratiques traditionnelles transfrontalières des Touareg. La carte nationale d’identité, le poste de douane, le respect des frontières qui tendent à les sédentariser irritent au plus haut point les Touareg peu ouverts à cette nouvelle donne politique. Pour eux, la « modernité » et les Etats sont responsables de leurs malheurs. Ils en sont d’autant plus convaincus que les Etats gèrent de manière irresponsable, les terribles sécheresses de 1973 et 1980 qui emportent tout le cheptel et déciment la communauté touareg. Les survivants migrent vers les grandes métropoles d’Afrique de l’Ouest (Abidjan, Bamako, Dakar, Kano, Lagos) pour devenir des ishomars. D’autres prennent la direction de l’Algérie et de la Libye où le colonel Kadhafi les accueille à bras ouverts en les intégrant à la Légion islamique pour guerroyer au Tchad, en Tanzanie, au Sahara occidental et au Soudan.
Au début de la décennie 90, avec le retournement de la conjoncture pétrolière, la fin de la guerre froide et l’apaisement des conflits sahariens (Tchad, Sahara occidental), le Guide libyen décide de se débarrasser de ces combattants touareg devenus encombrants et de les renvoyer chez eux. Le retour au Mali et au Niger est un désastre. Les États rechignent à les intégrer comme des citoyens à part entière. Parqués dans des camps de réfugiés dans leur propre pays et affamés, les jeunes touareg se révoltent au Mali comme au Niger. La décennie 90 en Afrique de l’Ouest est celle des rébellions touareg. Après bien des péripéties, les belligérants font la paix entre 1995 et 1997. Mais contre toute attente, la rébellion refait surface au Mali en ce début d’année.
Elle est le fait du mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) du colonel Mohamed Ag Najem qui lutte pour l’indépendance de l’Azawad (territoire couvrant les trois départements du septentrion malien : Tombouctou, Gao et Kidal).
Quels sont leurs griefs à l’encontre du Président malien Amadou Toumani Touré (ATT) ? Pour ces nouveaux rebelles, l’Etat malien n’a pas tenu tous ces engagements vis–à-vis des Touareg car les centres de santé, les écoles, les emplois et les points d’eau sont encore en nombre insuffisant au Nord. Dans ces conditions, les jeunes chômeurs, diplômés-chômeurs et désespérés rêvent d’un Azawad «indépendant », capable à leurs yeux, de pourvoir à leurs besoins en matière d’éducation, de travail et de santé. Pour eux, la politique d’intégration prônée par les accords de 1991 a été un échec. La preuve en est que plusieurs soldats touareg ont déserté l’armée malienne pour rejoindre la rébellion. Leurs arguments ne manquent pas de poids.
Cependant, ils doivent être relativisés car, l’Etat malien a déployé de réels efforts en faveur du Nord Mali en redéployant l’armée, perçue par certains milieux touareg comme une « armée d’occupation » et en lançant le Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement visant à doter le pays d’infrastructures sanitaires et scolaires et couplé avec des initiatives de création de projets générateurs de revenus. Le coût du programme est de 60 millions de dollars, le Nord Mali étant prioritaire dans sa mise en œuvre.
A terme, la nouvelle rébellion touareg pose quatre problèmes fondamentaux :
- Le premier est le risque d’une partition du pays si la rébellion l’emporte militairement. Aujourd’hui, cette éventualité semble impossible parce que le Mali est, aux yeux de la majeure partie de ses nationaux, une « République une et indivisible ». Dans ces conditions, aucun gouvernement malien ne prendrait le risque d’entériner une quelconque sécession d’une partie du territoire national. Et puis, le rapport de forces sur le plan militaire ne plaide en faveur d’aucune des parties. Par contre, le risque est grand de voir naître une « nouvelle Casamance », l’expression désignant « l’interminable guerre indépendantiste du Mfdc » déclenchée dans cette région du Sénégal depuis 1982 !
-Le deuxième risque est celui d’une déstabilisation du pouvoir malien, devenu plus que probable avec l’arrivée massive de 2 à 4000 ex- soldats touareg de Kaddafi, équipés d’armes sophistiquées. La vigilance doit être de mise du côté des autorités maliennes.
-Le troisième est qu’à court terme, cette situation d’insécurité dans le Nord Mali va perturber le bon déroulement des scrutins présidentiels et législatifs et entacher le processus démocratique malien souvent cité en exemple en Afrique de l’Ouest.
-Enfin, les risques de collusion entre les terroristes d’Aqmi et les rebelles touareg ne sont plus une vue de l’esprit. Pour arriver à leurs fins, les deux entités pourraient collaborer dans l’approvisionnement en armes, les enlèvements d’étrangers, notamment occidentaux, la pose de bombes, voire se rapprocher du groupe extrémiste « Boko Haram » au Nigeria. Dans une telle perspective, c’est toute la région ouest-africaine qui serait menacée par l’insécurité.
Professeur Kouassi Yao Historien, Université Cocody

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