13 mars 2013

Comment un ingénieur polyglotte devient un combattant touareg

Yoshiko Essayan,journaliste, Rue 89

(De Tamanrasset). Au volant de sa Chery, Intibrouhame sillonne les rues de Tamanrasset. « Tam », située à 1 900 km d’Alger dans le massif du Hoggar, attire en général beaucoup de touristes, mais en ce mois de février 2013, ce sont surtout les réfugiés du Nord Mali – l’Azawad– qui viennent s’entasser aux abords de la frontière, fermée depuis janvier.
Intibrouhame est un de ces réfugiés venus de Kidal, arrivé avec sa famille il y a un an. Parlant quatre langues, ingénieur son puis combattant du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), il est représentatif d’une jeune génération de touaregs diplômés qui n’ont jamais eu d’opportunités professionnelles et ont rejoint « la cause ».

La lutte n’est pas ethnique

« Je suis né en Libye, j’ai grandi à Tam jusqu’à 12 ans puis je suis retourné dans mon pays, l’Azawad. »

Intibrouhame (Yoshiko Essayan)
Intibrouhame est à l’image du Sahara avant l’arrivée des Français : sans frontière. Né en 1986, il n’a pas vécu la première insurrection touarègue après l’indépendance du Mali en 1963, mais a été élevé au son des guitares rebelles.
« 1963, c’est l’année des premières exactions de l’armée malienne. »
Chantée par le fameux groupe Tinariwen dans un titre éponyme, l’année 1963 est marquée par le massacre de la population civile par les milices maliennes, une première tentative de génocide oubliée des livres scolaires.
« L’histoire touarègue n’existe pas au Mali. Même à Kidal, on nous apprend les héros de la résistance anticolonialiste à travers les rois malinké seulement. Les professeurs sont bambaras et le lycée n’a de touareg que son nom. »
Le lycée Attaher Ag Illy de Kidal, à 1 500 km au nord de Bamako, porte le nom d’un chef de guerre qui a lutté contre les Français, comme pratiquement tous les touaregs.
Malgré les trois accords de paix signés avec le gouvernement, dont le dernier en 2008, les touaregs restent les marginaux d’un pays à majorité bambara. Ingénieur son à Kidal où il n’y a plus de travail, Intibrouhame rejoint sans hésiter le MNLA.
« Apres Kidal, j’ai continué mes études à Ségou et je me suis fait beaucoup d’amis bambaras. J’ai même appris leur langue, mais depuis l’Azawad, on ne s’entend pas sur la question du territoire. Pour eux, les touaregs cherchent à leur voler le pays. »

« Il vaut mieux se séparer ! »

Sur Facebook, les discussions sont animées :
« – Pourquoi vous voulez la division ?
– L’Etat malien ne fait rien pour les touaregs ! En fait, vous ne connaissez rien de ce qui se passe au nord. Il vaut mieux se séparer ! »
Des listes de noms sont partagées sur le mur d’Intibrouhame, identifiant les victimes des exactions maliennes depuis janvier 2013, et communiquées en secret par des policiers touaregs. Ce sont souvent des familles d’éleveurs ou des commerçants arabes à « peau claire » qui n’ont jamais intégré la rébellion touarègue.
« Les jeunes combattants comme moi n’avons jamais reçu de formation militaire mais nous savons pourquoi nous nous battons. Un touareg ne va pas tuer un vieillard ou toucher à une femme parce qu’ils sont noirs. Ce n’est pas dans notre culture. Notre conflit n’est pas ethnique. »
Le Mali cherche à nous enterrer vivant. Et l’Algérie aussi.
Dans une case rudimentaire revêtue d’une natte et de quelques matelas, les amis d’Intibrouhame se sont réunis autour du thé. Transporteurs, commerçants, étudiantes, ils sont tous du MNLA. Certains sont combattants, d’autres parrainent le mouvement individuellement. Les femmes font des collectes pour l’alimentation, les médicaments, et sont militantes, comme témoigne Sitty :
« Les femmes de Kidal ont manifesté contre Ansar Dine depuis le début. Si elles voient un touareg chez les “barbus”, elles vont l’insulter ! »

Vers le désert du Hoggar (Yoshiko Essayan)
Menacée par l’armée malienne, la population civile subit aussi le joug des djihadistes qui sèment la terreur avec des lois coraniques jusqu’alors inconnues. Dans les campements, ils ont commencé à enrôler des jeunes touaregs. Sitty :
« Les gens de l’Azawad ont peur. Chaque jour, des familles quittent. On fuit le Mali, Aqmi et les touaregs d’Ansar Dine. »

« Nous voulons l’Azawad plus que notre vie »

Dans le quartier de Tahaggart, ils sont des centaines à aller et venir entre le Nord-Mali et l’Algérie. On sent la pauvreté, le froid. Mais aussi l’insouciance charmante des veillées nomades où filles et garçons se réunissent pour causer autour du feu, très loin des rumeurs terroristes. Intibrouhame murmure :
« Nous voulons l’Azawad plus que notre vie. »
Une jeune femme entre dans la case, accueillie par des accolades chaleureuses. Elle revient de l’Azawad, apporte les nouvelles de la communauté. Depuis que l’Algérie a fermé sa frontière, le passage clandestin est encore plus dangereux. Ici, personne n’a la nationalité algérienne.
« Si tu prends la nationalité algérienne, tu dois laisser le nom de ton père et prendre un nom arabe. Le Mali cherche à nous enterrer vivant. Et l’Algérie aussi. »

Dans le quartier tahaggart (Yoshiko Essayan)
Intibrouhame va repartir à Kidal dans quelques semaines, et attendre les instructions.
« Si tu veux quitter le MNLA ou rentrer chez toi te reposer, personne ne va te retenir. Tu es libre. »
La durée du conflit est incertaine et l’exil à Tam risque d’être encore long. Mais Intibrouhame a trouvé une âme charitable pour lui prêter une case plus grande : un bambara, exilé depuis très longtemps mais pas pour les mêmes raisons.
« Son rêve, c’est de traverser la Méditerranée. Moi je veux juste rentrer chez moi, dans l’Azawad. »
http://www.rue89.com/2013/03/12/intibrouhame-portrait-dun-jeune-combattant-touareg-240446

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