19 avr. 2013

«La musique ishumar apprend la patience»

SOPHIAN FANEN-Liberation-17 avril 2013 à 19:56
Bombino évoque la difficulté de créer dans une région saturée de conflits et de soucis économiques :
Goumar Almoctar, alias «Bombino», est un homme discret et timide. De passage à Paris pour discuter de son troisième album, Nomad, on l’aurait imaginé plus à l’aise, rompu à se téléporter n’importe où dans le monde pour parler des Touaregs, de la musique ishumar, de la guerre qui s’éternise au Mali, à quelques heures de route du Niger, où il est né. Mais c’est un homme qui, sous son cuir un peu cheap et sa chemisette bleue, planque une vie de galères sauvée par la guitare.
Vous avez joué à Niamey début avril, lors d’un grand concert qui a réuni pour la première fois la plupart des artistes de la musique touareg. C’était un moment important ?
Oui, très. Alors que d’habitude les musiciens ne sont pas très solidaires, c’était un échange marquant en faveur de la paix dans la région. De plus, ça m’a rappelé les inoubliables années 1998-2008, pendant lesquelles il y avait du travail pour chacun, et notamment pour les musiciens qui se produisaient dans les mariages. Pour moi, cela reste une période de paix merveilleuse, où j’ai pu recevoir plein de gens chez moi, apprendre la guitare… Tout marchait. Puis, d’un coup, une rébellion magouillée par trois personnes est tombée sur la population et tout s’est arrêté.
La musique ishumar est née dans les campements de la rébellion des Touaregs maliens. Peut-on être un chanteur touareg sans faire de politique ?
Je le souhaite… Mais lorsque des gens dont la politique est le métier ne font pas le boulot, il faut parfois un musicien pour dire certaines choses. Pour moi, ce ne sont pas forcément des paroles directement politiques, mais un sentiment plus profond. Les jeunes au Niger vivent dans des conditions très difficiles et je pense qu’à travers la musique ils apprennent la patience. La musique ishumar prend beaucoup de temps, ses morceaux peuvent être très longs. Ils offrent alors un temps pour penser qui s’oppose à des pulsions, comme cette envie de devenir riche à tout prix qui rend fou.
C’est très vrai sur scène, où vos chansons peuvent durer vingt minutes, mais cela l’est moins sur disque…
Sur scène, j’ai l’impression que la musique peut ne jamais s’achever ! Plus on fait danser les fans, plus on gagne leur confiance. Sur un CD, il faut dix ou douze morceaux sinon le producteur râle.
Comment s’est faite la rencontre avec Dan Auerbach, qui produit Nomad, votre nouvel album ?
Il a contacté mon manager un jour. Il était fan depuis mon premier disque. On est allés à Nashville parce que c’est là qu’il a son studio. Au Niger, il n’y en a pas vraiment, juste quelques endroits avec un ordinateur et une table de mixage, mais ce n’est pas suffisant. C’est l’un des grands problèmes pour les musiciens, qui ne trouvent pas non plus facilement des instruments. Certains se rendent au Nigeria pour acheter des guitares, mais elles sont vite abîmées. Je vais plutôt à Accra [au Ghana, ndlr], les Etats-Unis de l’Afrique de l’Ouest !
Ouvrir un studio à Agadez, la plus importante ville du nord du Niger, aurait-il du sens ?
Bien sûr, même si les vraies préoccupations demeurent la faim ou l’état des routes. Mais j’ai un projet de studio ; c’est important de réinjecter dans ma ville ce que je peux gagner. Le groupe Tidawt [emmené par le très populaire Hasso Akotey, ndlr] a fait de même en construisant une maison à Agadez pour accueillir un studio, mais il n’a pas pu achever son installation. Je pourrais peut-être les aider.
L’une des qualités de Nomad tient à sa simplicité sonore : votre musique n’a pas été alourdie par la production…
Dan Auerbach nous a avant tout offert la chance d’enregistrer la musique que l’on voulait, sans essayer de la chambouler. Il a respecté ce qu’on faisait, nous a beaucoup écouté en studio, puis il a pris son temps pour en extraire les morceaux qui lui plaisaient. Quand tout se passe dans l’échange, chacun y gagne. Seuls les claviers sont arrivés pendant le travail en studio, parce qu’il y avait de l’espace pour essayer quelque chose.
http://next.liberation.fr/musique/2013/04/17/la-musique-ishumar-apprend-la-patience_896961

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