24 févr. 2012

Interview d' Abdallah Ag Alhousseyni (dit Abdallah), musicien et chanteur de Tinariwen


« Si le peuple a besoin de nous armés plutôt que musiciens, nous irons au front ! »

Arrivé à Tamanrasset quelques heures avant son concert, Alhousseini Ag Abdoullahi, figure incontournable du groupe Tinariwen, nous a généreusement reçus chez-lui où nous avons pu discuter, autour d’un couscous convivial, des questions brûlantes qui entourent aujourd’hui son engagement artistique mais aussi… armé !


Algérie News : Jusqu’à tard dans la journée de samedi, l’on n’était pas sûr que Tinariwen allait se produire à Tamanrasset, notamment avec l’absence confirmée d’Ibrahim. Cette confusion est-elle liée à la situation actuelle au Mali ?


Abdellah : Vous savez, nous sommes au début d’une guerre. La guerre est comme la paix, elle a besoin de temps pour s’installer. Une fois qu’elle est bien là, on peut s’adapter et mener notre carrière parallèlement. Or pour le moment, cela fait seulement deux semaines que les hostilités ont débuté et lorsque l’on a été au pays, on a du mal à quitter le quitter car on veut être constamment auprès des nôtres afin d’avoir les nouvelles par nous-mêmes et non pas par la voie d’intermédiaires. C’est cela qui a perturbé notre participation à ce festival qui, du reste, a beaucoup de mérite et a une envie sincère d’inviter Tinariwen. Nous sommes quand même venus bien qu’en nombre réduit.


Serait-ce la seule raison qui a motivé l’absence d’Ibrahim Ag Alhabib ou y aurait-il d’autres facteurs, notamment politiques (Je pense à la rumeur folle sur son ralliement à l’armée des rebelles) ?



Ibrahim n’a pas de problèmes politiques avec l’Algérie. C’est quelqu’un qui voit ses amis en guerre, et qui veut toujours avoir de leurs nouvelles. Moi-même, j’ai eu beaucoup de mal à quitter le Mali, car ce qui s’y passe actuellement me concerne directement. Alors, quand on en est loin, on ne se sent pas bien sa peau et on a beaucoup de difficultés à travailler sereinement. Comme je vous l’ai dit, la situation actuelle est assez préoccupante : l’armée des rebelles fait face au mouvement de l’Azawad sur un plateau désert, et l’on s’attend chaque jour à ce qu’il y ait un affrontement sanglant qui pourrait coûter la vie à nos frères. Ibrahim est dans le même esprit, il se sentirait coupable s’il quittait le Mali à ce moment crucial.


Est-ce que cette situation aura un impact négatif sur votre tournée internationale qui doit commencer demain ?



Je pense que nous pouvons plus aider notre peuple à l’étranger qu’à l’intérieur du pays mais cela ne nous empêche pas d’avoir des inquiétudes et des remords qui peuvent nous harasser durant une tournée : on se sent coupable d’avoir laissé une telle situation derrière soi pour aller chanter ailleurs.



Si l’affrontement a lieu, quelle sera la position de Tinariwen ?



Nous soutenons de tout cœur la cause du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad, ndlr) qui représente aujourd’hui toute la communauté Tamasheq. Notre groupe supporte toujours les revendications du peuple.



Qu’en est-il de la possibilité que Tinariwen reprenne les armes ?



Elle est bien réelle. Vous savez, nous sommes des artistes militaires ! En 1992, nous avons vu que nous serions beaucoup plus utiles à la cause en diffusant notre culture à travers le monde. Aujourd’hui, si nous voyons que nos frères ont besoin de nous armés plutôt que musiciens, nous irons au front car nous sommes toujours prêts à répondre à l’appel de la préservation de notre territoire, de nos valeurs et de notre culture. C’est ce que nous faisons à travers la musique et nous le ferons encore avec les armes !


Vous venez de recevoir le prix prestigieux des « Grammy Awards » pour votre dernier album. Envisagez-vous de mettre cet argent au service de votre peuple qui est à l’orée d’un drame humanitaire ?



Bien sûr ! Nous sommes là pour l’Azawad, et ce depuis le début. Nous n’avons jamais quitté le terrain et nous mettrons tout ce qui est entre nos mains au service de cette cause. La défense de notre culture et de notre peuple est l’esprit même de Tinariwen ; certes, nous avons signé des accords de paix avec le gouvernement malien, mais lorsque l’on voit que cette paix n’a plus raison d’être, il faut revenir au combat !


Propos recueillis par : Sarah H.

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