Amadou
Toumani Touré disait : « Je vais agir en tant que Président de la
République…C’est mon sens de patriote qui commande… ». Ce dimanche 26
février, au micro de RFI, ATT nous est apparu décapant devant notre
confrère Alain Foka, innovant sur certains points, mais tout simplement
constant. Il est revenu sur notre démocratie qui ; pense-t-il, nous
donnait juste la sécurité pour avancer…Retour sur un entretien encore
mâtiné à l’inévitable préoccupation électorale.
Une
fois de plus, comme on le disait, Koulouba cherche à rassurer sur le
calendrier électoral. Même s’il ne pouvait en espérer plus de
compréhension, à travers ses propos lénifiants, à défaut pouvait-il
s’entendre à plus de concours. Un début d’ostracisme de la part des
politiciens indispose le Président ATT, s’il
n’a pas encore perdu la main. Il avait « la bouche fraiche » devant les
micros de RFI. Si notre confrère lui posait de bonnes questions, lui
devait donner de bonnes réponses. Comme il l’a déjà fait en d’autres
circonstances, ATT nous instruisait d’un double mouvement. La guerre…,
il garde sa stratégie d’évitement.
Qui lui jettera la première pierre ?
Le
Mali n’est-il pas arrivé à faire coexister toutes les ethnies à travers
leurs talents sur son territoire ? Voilà la longue mémoire du Mali.
Mais avant de revenir sur les propos présidentiels, retournons à nos
citoyens qui se trouvent nantis d’une capacité de choix. La 12è édition
du Forum de Bamako était à la recherche d’instruments et de bonne
gouvernance. Dès ces débuts, il est apparu qu’il fallait « dégager » du
terrain pour faire une autre campagne pour un « nouvel Etat » à mettre
en place dans nos pays. La fable de l’Etat gros pourvoyeur « en tout »
et escaladeur de nos difficultés a vécu. En matière de crédibilisation,
la capacité d’écoute et de réaction d’un Etat digne de ce nom importe
vis-à-vis de ses partenaires. Fallait-il changer d’emballage, parce que
nous devons faire et autant que faire se peut comme les autres.
L’intelligence étant mise en ligne, désormais, les N’TIC sont devenues
un instrument transversal qui nous permettra de briser les
cloisonnements. Une bonne gouvernance électronique est à portée de nos
capacités ou volontés politiques. Ce qu’il faudrait, c’est un Etat
intelligent, un Etat stratège, mais plus un Etat connecté ! Nos Etats
actuels nous hantent sans pour cela être un avantage. Dans son action de
bâtir une autre espérance, il sera question aussi d’un Etat intelligent
et sécurisé, et ce sera l’occasion de revenir sur la problématique
sécuritaire du Nord-Mali.
Pour
ATT : « Le Mali porte le Nord-Mali depuis 50 ans ». A deux mois des
élections, on entrait dans une sorte de trous d’air à la lecture des
derniers évènements. Le débat devenait passablement brouillé et méritait
une clarification. Pourquoi Koulouba s’est-il fendu d’une autre
communication ? Ce sont les démocrates qui font la démocratie, ce sont
les citoyens qui font le reste, aurait dit Bernanos. ATT ne nous donne
pas ici des nouvelles, mais apporte des explications sur ce Nord-Mali
qui apparaîtra, depuis les années 1992, comme sa « marque de fabrique…
». Cette bande sahélo-saharienne, il la sent comme il la respire. Ce
n’est pas qu’il est incollable sur ce dossier, mais ses compatriotes ont
vu comme en trompe-l’œil qu’il s’était pris les doigts dans le pot. ATT
sait tout ou presque de cette rébellion (la 4è ou la 5è du nom, selon
le Président ATT ?) et il nous montre comment les groupes mafieux qui
gangrènent les environs reçoivent toutes les logistiques du trafic des
narcos. Les rebelles se sont piégés eux- mêmes dans une fuite en avant. «
Elle n’avance pas, elle bouge… », dit ATT. Ils n’ont aucun discernement
ni aucune morale. Ils recherchent le « chaos » aidant à la fuite des
populations. Dans ce maelstrom de menaces diffuses, des complicités sont
nées depuis des années.
Les quelques 300 à 500 véhicules des rebelles dans le désert, qui les aide ?
Pour
ATT, nous nous battons contre un trafic transfrontalier, et la drogue
ne fait que passer car elle ne nous est pas destinée. C’est un
dispositif large, impliquant plusieurs pays et des continents. Autre
constat : l’aventure de la décentralisation est partie du Nord- Mali. Le
Pacte national signé il y a plus de 20 ans comprend plusieurs volets
dont une meilleure gestion des collectivités. Toutes les revendications
enregistrées jusqu’ici avaient un fond indépendantiste. C’est un vieux
débat n’impliquant qu’une minorité (NDLR : certes agissantes). La
décentralisation a reçu ici un caractère officiel dans la mesure où en
un moment, députés, maires, gouverneurs de région, tous les élus furent
des touaregs. En matière d’investissements, ce sont les autres régions
du Mali qui payent ou qui mettent la main à la poche (solidarité oblige)
pour les régions du Nord. Au Forum de Kidal, ce sont 39 projets qui
furent définis pour 840 milliards de FCFA (où plus de 500 milliards de
FCFA furent mobilisés). Un Nord-Mali sous une pluie d’argent, mais
toujours rattrapé par le mal gouvernance. Ce problème du Nord-Mali
n’est-il pas du reste devenu un fonds de commerce avec les mêmes
personnes qui reviennent toujours sur le devant de la scène ? AQMI, dira
ATT, est arrivé ici avec le masque de justicier de la veuve et de
l’orphelin pour se reconvertir ensuite en preneur d’otages et de
rançons. Concernant la guerre contre AQMI, il faut y apporter une
réponse internationale, et la CEDEAO vient de transmettre un message. On
les connaît tous, et on ne les présente plus. Le projet PSPDN était une
donne dans la lutte contre la drogue, le banditisme et le terrorisme :
36 milliards de FCFA furent dégagés sous la gestion ANICET de Ag Erlaf.
Les effets collatéraux de la guerre en Libye ? C’est une vraie
déferlante qui est arrivée sur les périphéries de la bande saharienne.
Ils seront plus de 30 000 de nos compatriotes à revenir de Libye (un peu
moins au Niger et au Tchad). L’accueil fera toute la différence dans
les approches du problème. Parmi les 4 groupes regagnant le Mali, 340
personnes seront sous la bannière de la République. Seul le 4è groupe,
avec Mohamed El A., n’est pas venu à Bamako. Le sigle MNLA (avec la
lettre L pour libération) est apparu avec les rebelles, avec les
massacres que l’on sait. Le camp ayant refusé la reddition ; l’armée
s’est battue une semaine durant à Aguel’hoc,. Selon le Président ATT, 60
jeunes ont été abattus chacun d’une balle dans la tête. Nous avons
commis une Commission spéciale d’enquête quand la communauté
internationale aurait dû demander des comptes. Concernant ce qui s’est
passé à Bamako prise un jour comme dans une fureur utérine via les
femmes du camp de Kati, il y a eu extrapolation, dira ATT, et ces
journées de colère furent instrumentalisées. ATT est revenu sur le
timing des élections. Elles auront lieu, affirme-t-il, et ce n’est pas
en ces temps de crise qu’il dira le contraire car il en garde
l’expérience depuis 1992. « L’organisation des élections est notre
mission fondamentale », dira ATT. La victoire de la démocratie étant
toujours la plus importante sur celle des armes (à venir ?).
Une Transition ?
ATT
a été sonore au prononcé de ce mot par rapport à quoi, disait-il, c’est
complètement fou. Des gens sont dans leurs petits schémas, ce sont eux
qui ne veulent pas des élections. Sans une Transition, ils ne seront
rien du tout. Pour ATT, le Mali demeure un exemple, une réussite
démocratique. L’occupation de notre désert par nos populations est une
perspective à la sortie de crise d’une rébellion qui nous revient en
long écho. Les générations passent, il est vrai, et les temps pressent…
Propos rapportés par
Le Combat (Mali)