26 févr. 2013

« Au Mali, il faut autant de courage pour aller au dialogue que pour faire la guerre »

, publié le 25/02/2013 à 18:20-L’Express
Ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso et émissaire du président Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne, Djibril Bassolé répond en exclusivité pour L’Express aux griefs suscités par la stratégie de Ouagadougou.


La tournure prise par la reconquête militaire du Nord-Mali, émaillée d’actes de guérilla et d’attentats-suicides, vous surprend-elle?
Non, elle était prévisible. Après avoir tenté de faire échec à tout processus de négociation, les djihadistes radicaux cherchent à entraver le déploiement de la Misma [force interafricaine]. Aujourd’hui, il faut absolument parvenir, par le dialogue direct, à sauver la cohésion sociale et nationale du Mali, et ne laisser à aucun prix s’enclencher un cycle d’exactions et de représailles contre les « Rouges » -les Touaregs-, susceptible de nous nous conduire à la guerre civile. De même, on se doit d’éviter l’isolement des mouvements touareg armés, qui sont, par le jeu de connivences volontaires ou involontaires, à l’origine de la crise en cours. Quand on aura normalisé les relations entre ceux-ci, la présidence intérimaire du Mali et la Cedeao [Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest], la lutte contre les terroristes et les extrémistes s’en trouvera facilitée. Aujourd’hui, on peine encore à savoir qui est qui.
"Au Mali, il faut autant de courage pour aller au dialogue que pour faire la guerre"
MALI – Le ministre des Affaires étrangères burkinabé Djibril Bassolé, ici à gauche avec son homologue malien, évoque la stratégie de son pays dans le conflit malien.
Reuters/Francois Lenoir
Considérez que les critiques émises, y compris à Bamako ou Niamey (Niger), à l’encontre de la stratégie du médiateur Blaise Compaoré, partisan d’un dialogue avec les djihadistes voué à l’échec, sont injustes?
Oui, en tant qu’acteur de ce dossier, je juge excessif de prétendre faire croire que le dialogue ne fait pas partie des solutions. Bien sûr, il y des peurs, des angoisses. Notamment au Niger, pays qui se sent exposé au même phénomène. Mais la crise malienne n’est pas apparue en janvier 2013. Elle résulte aussi de handicaps accumulés au fil des ans, mal-gouvernance, carences du dialogue inter-malien, faiblesses institutionnelles.

Si l’on ne tend pas la main aux mouvements armés maliens, on les pousse à se ranger du côté des terroristes

Longtemps, nous avons considéré qu’il fallait discuter avec les mouvements armés maliens, le MNLA [Mouvement nationale de libération de l'Azawad] et Ansar-Eddine. Option qui a suscité des oppositions. Mais il faudra bien, le temps de l’urgence passé, s’employer à recoller les morceaux. Donc aller aussi vite que possible à la normalisation institutionnelle, administrative et politique.
D’où un dialogue en deux temps. Sur le terrain puisque certains de ces mouvements armés travaillent avec les forces françaises. Autour de la table ensuite, afin d’arrêter les modalités d’un redéploiement dans le Nord de l’armée et de l’administration, prélude à la tenue d’élections. Sachant que cette démarche ne peut plus s’inscrire dans un perspective d’autonomie et, a fortiori, d’indépendance pour ceux qui, à cette fin, ont commis l’erreur de flirter avec les islamistes armés.
Une certitude: si l’on ne tend pas la main à ces groupes, on les pousse à se ranger du côté des terroristes. Nous n’avons cessé de combiner les deux approches: l’usage de la force contre le terrorisme; le dialogue politique.
A propos du scrutin à venir, jugez-vous crédible l’échéance du 31 juillet prochain?
C’est au gouvernement malien d’en décider. Cela posé, et au regard des tâches qui l’attendent -sécurisation du territoire, recensement et constitution d’un fichier électoral fiable, ce sera sans doute un peu juste. Au moins conviendrait-il de mettre en place un organisme qui, sur les seuls critères techniques, établirait un calendrier précis.
Y a-t-il dans l’arène bamakoise des acteurs politiques capables de convaincre leurs compatriotes de la pertinence de cette ligne dialoguiste, pour le moins impopulaire?
C’est toute la question du leadership. Doit-on satisfaire l’opinion, la rue, quitte à couvrir exactions et règlements de compte? Ou montrer la voie d’une paix durable? Il faut presque autant de courage pour aller au dialogue que pour faire la guerre. Mais si nous restons disponibles pour aider, il va de soi que ce dialogue, nous ne le ferons pas en lieu et place de Maliens.
Autre grief, l’excessive mansuétude du médiateur Compaoré envers le capitaine putschiste malien Amadou Sanogo…
Je comprends cette critique. Mais que faire quand vous ne disposez pas de la force pour régler militairement un tel imbroglio? Avions nous les moyens d’assiéger le camp Kati [bastion de la junte] et de réinstaller au palais Amadou Toumani Touré? Non. Dès lors, il fallait bien parler avec Sanogo et accepter son maintien sur l’échiquier politique. La médiation n’a ni la vocation ni le pouvoir de résoudre les conflits internes à la classe politique malienne. Ce que je vois, c’est que le président intérimaire Dioncounda Traoré, un temps menacé, a été pleinement rétabli dans ses fonctions. Et que le capitaine Sanogo ne conduit plus la transition. Tout le reste relève du jeu politicien.

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/au-mali-il-faut-autant-de-courage-pour-aller-au-dialogue-que-pour-faire-la-guerre_1224516.html

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