23 déc. 2011

Christine Lagarde, directrice générale du FMI : «l’Afrique sera probablement affectée par la crise»


Pour la première fois depuis son élection il y a six mois, la directrice générale du Fonds monétaire internationale, Christine Lagarde visite le continent africain. Après le Nigeria, elle était ce jeudi 22 décembre 2011 au Niger. Quel peut être l'impact de la crise des pays de la zone euro sur le continent africain ? Christine Lagarde répond aux questions de RFI.


RFI : Pour 2012, le FMI avait prévu une croissance de l’économie mondiale de 4%. Aujourd’hui, maintenez-vous ce chiffre ou pas ?
Christine Lagarde : Nous publierons notre prochaine prévision à la fin du mois de janvier. Je crains malheureusement qu’elle soit inférieure à cette prévision de 4% du mois de septembre parce que les facteurs de production, de consommation, d’investissement et de stabilité se sont détériorés depuis le mois de septembre.

RFI : Est-ce que cette prévision pourrait être réduite de moitié ?
C. L. : Je ne sais pas. Je ne vais pas m’amuser à lire dans le marc de café parce que nous avons, au sein de la maison [le FMI, NDLR] des économistes qui utilisent des modélisations et des travaux de prévision qui leur permettent de faire du travail qui n’est pas au doigt mouillé (*). Et donc je vais les laisser faire leur travail et l’annoncer à la fin du mois de janvier.

RFI : Quel peut être l’impact de cette crise de la zone euro sur le continent africain ?
C. L. : Les canaux de contagion, si j’ose dire, sont multiples. Lorsque l’activité se réduit, lorsque la récession menace dans le continent européen, et en particulier dans la zone euro, les canaux sont notamment les canaux financiers, le canal du commerce international entre les pays de la zone euro et les pays d’Afrique, et puis le canal de ce que l’on appelle les transferts de salaires, les transferts de revenus entre des travailleurs africains expatriés et leur pays d’origine. J’étais, il y a quelques jours, au Nigeria. Le ministre des Finances m’indiquait que le montant des transferts d'argent avait baissé de l’ordre de 40% au cours des deux derniers mois.

RFI : Quels sont les pays africains qui peuvent être les plus touchés ? Les pays dont beaucoup de ressortissants sont partis en Europe, les pays qui exportent du cacao, les pays qui exportent du pétrole ?
C. L. : Tous ceux-là. Les pays dont les salariés travaillent hors du pays renvoient moins l’argent. Les pays exportateurs sont moins sollicités -il en résulte en général une diminution du prix des matières premières, on ne l’observe pas encore vraiment sur le pétrole mais, dans d’autres domaines, on commence à l’observer- Les pays qui bénéficient des investissements directs étrangers. Les pays qui sont liés par des établissements bancaires qui éventuellement désinvestissent des pays africains.

RFI : Du coup, est-ce que vous allez réviser à la baisse la prévision de croissance 2012 qui était de 5,75% pour l’économie africaine ?
C. L. : Je ne sais pas parce que les révisions s’effectueront au mois de janvier pour l’ensemble des zones. Nous considérons que les pays d’Afrique, s’ils seront probablement affectés [par la crise, NDLR], ne le seront pas de manière lourde et brutale parce qu’ils disposent, d'abord, d’un certain nombre d’amortisseurs de crise, et puis parce que, notamment le canal financier de contagion n’est pas particulièrement développé entre les pays de la zone euro et les pays africains. Pour l’instant, on est quelque part entre 5 et 6% selon les pays et on verra au mois de janvier si on révise sensiblement ou pas à la baisse.

RFI : Si le FMI doit aider les Européens dans les mois qui viennent, que va-t-il rester pour les Africains ?
C. L. : L’aide n’est pas destinée exclusivement à la zone euro. Le Fonds monétaire international est au service de tous ses membres et lorsque les pays d’Afrique, qui bénéficient aujourd’hui de 23 programmes, ont besoin du soutien du FMI, il faut que la ressource soit disponible. Il n’est pas question de privilégier une seule zone au détriment des autres. Donc les programmes à destination des pays à faibles revenus, ou les instruments financiers qui sont particulièrement destinés à ces pays-là, devront continuer à être alimentés et financés.

RFI : Depuis un an, la Guinée est dotée d’un régime démocratique. Est-ce que vous allez lui accorder un prêt exceptionnel ?
C. L. : Nous espérons pouvoir finaliser ces négociations dans les prochaines semaines pour pouvoir mettre en place une facilité élargie de crédits et soutenir les efforts de développement du gouvernement de Guinée. C’est évidemment un pays qui bénéficie maintenant d’un gouvernement légitime. Nous sommes à ses côtés. Il s’agit maintenant de mettre en place un programme, sur une période de trois ans, doté de moyens financiers importants. Il faut qu’on arrive à négocier de manière efficace et j’espère que je pourrai soumettre à mon conseil d’administration en début d’année 2012 une facilité élargie de crédit.

RFI : Une réduction de la dette de la Guinée dans le cadre de l’initiative des Pays pauvres très endettés (PPTE) ?
C. L. : Pour cela, il faut qu’on arrive à définir le point d’achèvement. C’est un point qu’on examinera dès que possible en 2012.

RFI : Une réduction de la dette de la Côte d’Ivoire est-elle envisagée dans les mois qui viennent en 2012 ?
C. L. : Pour l’instant, nous travaillons évidemment très étroitement avec le gouvernement de Côte d’Ivoire. Ce qui me réjouit en ce qui concerne ce pays, ce sont les perspectives de croissance pour l’année 2012. Il y a clairement des efforts très importants qui sont entrepris, avec un rôle locomotive dans la région qui est bien connu. La Côte d’Ivoire en 2011 a subi le contrecoup des grosses difficultés politiques du début d’année avec une prévision de croissance qui sera peut-être supérieure à 2%, mais dont nous prévoyons qu’elle sera au moins égale si non supérieure à 8% sur l’année 2012. Cette perspective est vraiment un grand sujet de satisfaction. Nous prévoyons de mettre en place un programme de soutien à l’économie de Côte d’Ivoire qui serait un programme de trois ans et qui a été d’ailleurs approuvé le mois dernier. Et ce programme vient évidemment en plus de tous les programmes d’assistance technique, de soutien dans un certain nombre de domaines, notamment l’administration des finances, le développement du secteur financier, la gestion de la dette. Dans tous ces domaines-là, nous essayons d’aider la Côte d’Ivoire au mieux de nos moyens.

RFI : Il y a 18 mois, le FMI a accordé au Congo-Kinshasa un allégement de dette de 12 milliards de dollars pour le récompenser de ses efforts en faveur de l’État de droit et de la bonne gouvernance. Mais au vu de la présidentielle très controversée du 28 novembre, le FMI n’a-t-il pas pris cette mesure trop tôt ?
C. L. : Nous suivons très attentivement ce qui se passe sur le terrain en République démocratique du Congo. Nous sommes évidemment très attentifs, très soucieux, de voir d’abord être respectés  l’État de droit, [de voir, NDLR] la transition s’effectuer dans des conditions qui soient les plus pacifiques et les plus sereines possible. La situation n'est pas très facile, je le sais bien, et nous en sommes très conscients. On suit cela au plus près, quasiment au jour le jour. On a, en particulier, ce qu’on appelle une quatrième revue de programme, imminente, et on est assez soucieux qu’elle puisse s’effectuer dans les meilleures conditions.

RFI : Ca dépendra peut-être du dépouillement des législatives ?
C. L. : Ca dépend de l’ensemble de la situation politique actuelle et en particulier de la situation électorale et post-élections.

RFI

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