DÉCRYPTAGE - Aqmi a poursuivi une discrète mais réelle expansion dans le Sahel pendant les combats entre les fidèles de Kadhafi et les rebelles du CNT.
Le rapt de deux Français dans une localité proche de la zone de
rayonnement d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) remet sur le devant
de la scène une organisation terroriste qui semble avoir connu une
période d'hibernation durant la révolution libyenne. Aucune action
contre des Occidentaux n'avait été signalée depuis la capture en janvier de deux jeunes Français dans un bar de Niamey au Niger.
L'enlèvement s'était terminé par la mort des otages lors d'un assaut
donné par les forces spéciales françaises pour empêcher les ravisseurs
de rejoindre leur sanctuaire malien.
Aqmi, qui compte plusieurs
centaines de combattants dans ses katiba (colonnes), a pourtant
poursuivi une discrète mais bien réelle expansion dans le Sahel
pendant les combats entre les fidèles de Kadhafi et les rebelles du
CNT. Ses chefs ont cherché à développer leur profondeur stratégique en
passant des alliances en Afrique noire. Des liens se sont tissés avec
les extrémistes de la secte islamiste Boko Haram, présente dans le nord
du Nigeria, où des affrontements récurrents opposent musulmans et
chrétiens. Des passerelles ont été dressées vers la Somalie en proie à
la guerre civile et vers le Sénégal pour favoriser le trafic de cocaïne,
l'une des sources de revenus d'Aqmi.
La guerre en Libye
a surtout été une aubaine pour renforcer les capacités militaires et
nouer des contacts politiques. Le pillage des stocks d'armes de l'ancien
régime a ouvert la perspective d'un attentat contre un avion de ligne
au-dessus d'un aéroport de la région. Une grande quantité de missiles
portables sol-air et Sam 7 a disparu. Sur les marchés parallèles, les
engins se vendraient à 500 euros l'unité. La disparition de réserves
d'explosifs et notamment de semtex pourrait également favoriser des
attaques contre les intérêts français. «L'acquisition de l'armement en
Libye est une chose tout à fait normale», a confirmé récemment à une
agence d'information mauritanienne Mokhtar Belmokhtar, l'un des chefs de
la branche sahélienne d'Aqmi.
Mi-terroristes, mi-bandits
Mi-terroristes,
mi-bandits, les djihadistes disposent grâce à l'argent des rançons d'un
butin de plusieurs dizaines de millions d'euros pour financer leur
arsenal. L'argent sert aussi à acheter des complicités dans la
population mais aussi parmi les officiels. «Au Mali tout peut s'acheter
même une caserne remplie de militaires», assure un homme d'affaires
sahélien. Les groupes circulent par petits convois de véhicules sur un
territoire plus grand que la France. Le massif de Tessalit dans le nord
du Mali est leur fief pour l'instant imprenable. Ils y ont récemment
installé des bases armées fixes. Mais les combattants peuvent se
déplacer à leur guise du Tchad à la Mauritanie sans être inquiétés.
En
septembre 2010, sept personnes avaient été enlevées à Arlit, le site
d'extraction d'uranium du nord du Niger d'Areva. Depuis, quatre otages
français -Daniel Larribe, Thierry Dol, Pierre Legrand et Marc Ferret-
restent détenus dans les contreforts du Sahara. Le cas de ces
prisonniers donne lieu à de discrètes tractations. Mardi, un ancien
militaire français impliqué dans ces négociations a été blessé par balle
à l'épaule dans des circonstances peu claires. Aqmi exigerait, outre le
départ des troupes françaises d'Afghanistan, la libération d'islamistes
armés dans plusieurs pays et une rançon de 90 millions d'euros. Les
rapts jeudi pourraient encore compliquer l'équation.
Source: le figaro