Nommé en avril à la tête du gouvernement, Brigi Rafini
ne faisait pas partie des proches du président Issoufou. Touareg, peu
connu du grand public, il se revendique comme technocrate civil.
Rencontre.
Kaddafi, il l’avait rencontré à deux reprises. La dernière fois,
se souvient Brigi Rafini, c’était en 2008, alors que le « Guide » libyen
venait de se faire couronner « roi des rois d’Afrique ». De cette
époque, le Premier ministre nigérien
ne parle qu’à contrecœur. Il ne tient pas à s’étendre sur le malaise
éprouvé alors et préfère raconter cette autre rencontre, fin 2007, à
Tripoli. Rafini avait fait le voyage en tant que député-maire
d’Iferouane (Nord). Kaddafi, lui, jouait les médiateurs entre le
président Tandja et les rebelles touaregs nigériens. « Kaddafi, conclut
Rafini, [était] un homme aux multiples visages. »
Depuis, Mahamadou Issoufou est arrivé à la tête de l’État et il a fait de Rafini son Premier ministre.
C’était le 7 avril dernier. Les journaux ont eu tôt fait de présenter
cet homme discret, ancien président du Conseil national de
développement, comme le premier Touareg jamais nommé à la tête du gouvernement nigérien.
Mais lui rappelle que Hamid Algabid l’y avait précédé sous Kountché, de
1983 à 1988. On insiste. Tout de même, sa nomination n’est-elle pas
symbolique ? « Moi, un symbole ? Vraiment, je ne sais pas… » Pour quelle
autre raison cet homme peu connu du grand public aurait-il été nommé à
ce poste ? « Ce n’est pas à moi de répondre. »
Rafini est ainsi. Prudent, précis, méticuleux même lorsqu’il retrace
sa longue carrière au sein de l’administration nigérienne. Rien pourtant
ne prédestinait ce gamin d’Iferouane, « né vers 1953, un 1er janvier,
si l’on en croit l’état civil », envoyé à l’école par le chef du village
contre la volonté de ses parents, à occuper un jour l’une des plus
hautes fonctions de l’État.
À dos de chameau
Il en a fait du chemin, mais il se souvient encore des sept jours de
voyage à dos de chameau pour rejoindre le collège d’Agadez, à 350 km de
là. De son tout premier stage au Commissariat français à l’énergie
atomique, dans la région d’Arlit, de son passage à l’École nationale
d’administration (ENA) de Niamey et de ces années passées à parfaire sa
formation en Belgique puis en France. En 1987, il est sous-préfet de
Keita quand, au beau milieu des dunes dont il est venu surveiller
l’avancée, un émissaire du préfet de Tahoua (qui n’est autre que…
Mamadou Tandja) l’informe que Kountché vient de le nommer secrétaire
d’État à l’Intérieur. « Je n’avais pas été consulté, mais je ne pouvais
pas refuser. C’était comme ça. »
Ainsi commence sa carrière en politique. Suivront d’autres ministères
(« Moi-même parfois je m’y perds »), d’autres régimes autoritaires
(« Kountché, Maïnassara… À chaque fois, j’ai servi mon pays, pas un
individu ») et d’autres partis politiques. Le Rassemblement pour la
démocratie et le progrès (RDP) d’Ibrahim Baré Maïnassara d’abord, puis,
quand le RDP décide de soutenir Mamadou Tandja, qui veut se maintenir au
pouvoir, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme
(PNDS) d’Issoufou. En 2009, il condamne publiquement le tazartché
(« continuité », en haoussa). « Je savais que Tandja en était capable,
mais je ne pensais pas qu’il oserait. » Depuis, il a rendu visite à
l’ancien président, libéré en mai, « par respect pour son âge et son
deuil [Tandja a perdu sa mère lorsqu’il était en prison, NDLR]. Il n’a
pas exprimé de regret pour ce qu’il a fait, mais je pense qu’il prend
tout ça avec philosophie ».
Aujourd’hui, Rafini « sert » Issoufou. Les deux hommes s’étaient
côtoyés sur les bancs de l’Assemblée nationale puis dans l’opposition
mais se connaissaient finalement assez peu. Brigi Rafini n’appartient
pas au premier cercle, mais, comme son président, il a peu de goût pour
la chose militaire. « Je suis, répète-t-il, un technocrate civil, pas un
homme du maquis. D’ailleurs, je n’aime pas le maquis. »