Alors que se déroulais le sommet du G20 à Nice, un autre
rassemblement mondial moins médiatisé battait son plein au Mali du 21
octobre au 3 Novembre. Dans l’un des greniers à riz du continent, la
lutte contre l’accaparement massif des terres est au centre des débats
du « Forum des peuples ». Loin de la croisette de
Cannes et des cérémonies en grandes pompes de la présidence française du
G20, les organisateurs ont choisi de placer les débats au plus près des
problèmes du terrain, dans la petite ville de Niono.
Voici la Déclaration finale de ce Forum des Peuples
Déclaration finale du Forum des Peuples en contrepoint du G20 de Cannes
Nous, mouvements sociaux venus des différents milieux ruraux, périurbains et urbains des 8 régions du Mali, d’Afrique de l’Ouest, du Centre, du Sud, Nord et Australe se sont réunis à Niono, dans la zone Office du Niger pour la dixième édition du Forum des Peuples du 31 octobre au 3 novembre 2011 .
Au terme des délibérations orientées autour de la souveraineté
politique et économique des peuples, la présente déclaration - intégrant
les exigences et propositions d’alternatives de la déclaration de la
journée de manifestation du 27 juin 2010, de l’appel de Kolongo et de
l’appel du forum des démunies - a été adoptée lors de l’assemblée finale
du Forum des peuples de Niono le 3 novembre 2011.
Nous constatons que l’accaparement des terres agricoles en
Afrique est un facteur d’appauvrissement et de famine, principalement
pour les paysan-ne-s, vivant d’une agriculture de subsistance sur des
petits lopins de terre. En Afrique, alors que les surfaces
accaparées augmentent rapidement, en milieu rural : 60 millions
d’hectares arables ont déjà fait l’objet d’accaparement par les
investisseurs étrangers ou nationaux sur base de contrats occultes,
conclus sans consultation et information préalable des populations
concernées. Les investisseurs privés avec l’appui des pouvoirs publics
africains volent les terres pour y exploiter frénétiquement les
ressources (eau, pétrole, minerais…) et y développer des cultures à
destination des industries de l’agroalimentaire et de l’agrocarburant.
Ces politiques portent atteintes aux droits humains fondamentaux et en
particulier au droit à l’alimentation, quand plus d’un milliard de
personnes souffrent de la faim, dont plus de 260 millions en Afrique.
Sur les 82 pays classés par l’ONU comme « Pays à Faible Revenu et à
Déficit Vivrier » (PFRDV), 42 d’entre eux se situent en Afrique
Subsaharienne. L’exode rural qui en découle vient grossir la population
des bidonvilles et aggrave la crise alimentaire pour l’ensemble des
populations.
En milieu périurbain et urbain : sous le masque de l’urbanisation,
des milliers de personnes installées par acquis coutumiers sont
injustement expropriées, déguerpies et souvent même emprisonnées par les
pouvoirs publics, sans que la procédure légale et les titres
(coutumiers, provisoires et définitifs) ne soient respectés.
Nous constatons que le droit à l’autodétermination des peuples est largement bafoué à travers le monde.
Sous le manteau humanitaire et sous l’égide de l’OTAN, les
gouvernements occidentaux continuent les guerres de conquêtes pour
garder la mainmise sur les richesses des pays africains, se rendant
responsable de la mort de milliers de civils et coupable de la violation
du droit à l’autodétermination des peuples.
Les luttes héroïques des peuples d’Afrique, notamment dans le Maghreb, montrent la détermination de ceux-ci à mettre fin aux dictatures et à l’ingérence néocoloniale pour avancer vers des démocraties réellement au service des citoyen-ne-s.
En Occident, les peuples se lèvent également pour imposer le respect de leurs droits sociaux. Le récent mouvement des Indigné-e-s montre que les résistances aux oppressions du système capitaliste n’ont pas de frontière. Les peuples opprimés ne font qu’un.
Les luttes héroïques des peuples d’Afrique, notamment dans le Maghreb, montrent la détermination de ceux-ci à mettre fin aux dictatures et à l’ingérence néocoloniale pour avancer vers des démocraties réellement au service des citoyen-ne-s.
En Occident, les peuples se lèvent également pour imposer le respect de leurs droits sociaux. Le récent mouvement des Indigné-e-s montre que les résistances aux oppressions du système capitaliste n’ont pas de frontière. Les peuples opprimés ne font qu’un.
Nous constatons que la dette est un problème qui touche
l’ensemble des peuples du monde et que celle-ci constitue un mécanisme
de pillage et d’appropriation des richesses au service d’une élite
capitaliste. Sous le prétexte du remboursement de la dette,
largement odieuse et illégitime, les banques privées et les Institutions
financières régionales et internationales par l’intermédiaire des
gouvernements complices imposent des politiques néolibérales qui violent
les droits des peuples et de la Nature, pourtant supérieurs aux
intérêts de quelques créanciers. Les peuples du Sud qui connaissent
depuis des décennies une crise de la dette, sont aujourd’hui solidaire
des peuples occidentaux.
Nous constatons que les partenariats public – privé imposés
par l’OMC, la Banque mondiale et le FMI, avec la complicité des
gouvernements, ne sont rien d’autre que l’instrument de la mise à
disposition des fonds publics pour financer les privatisations des biens
communs (terre, eau, forêt, air…) et des services sociaux (éducation,
santé, culture, transport, information …). Ainsi, professé
comme stratégie de politique de « dialogue, de collaboration entre le
public et le privé », les partenariats public-privé imposent aux États
d’assumer les dettes des banques et entreprises privés.
Nous constatons que les femmes subissent des oppressions
spécifiques, imposées par le système capitaliste qui est dans son
essence un système patriarcal. Les femmes, qui représentent
plus de la moitié de l’humanité, sont considérées comme une armée de
réserve au service du capital. La liberté des peuples dépendra de la
libération des femmes et de leur accession à l’égalité de droit et de
fait.
Nous constatons la négation du droit à la libre circulation des personnes.
Alors que les marchandises et les capitaux circulent librement, les
femmes et les hommes sont privé-e-s de ce droit fondamental. Les
frontières, les politiques migratoires, en particulier le Frontex, sont
des outils qui œuvrent à la division et à la répression des peuples. Les
immigré-e-s sont désormais des sans droits, survivant dans la précarité
la plus extrême, la peur, la violence et le rejet.
Nous constatons la prolifération de l’armement. A l’heure où
le système capitaliste est de plus en plus contesté de par le monde, il
ne peut se maintenir qu’à travers les guerres, la violence et la
répression. Les peuples en quête de liberté sont des cibles
toutes désignées. De plus, le développement du nucléaire civil comme
militaire met en péril l’ensemble du vivant.
Nous constatons des déficits constitutionnels conduisant à des dictatures politiques ou économique de droit. La
plupart des constitutions, leurs interprétations ou encore leur
modifications sans participation populaire, ne représentent pas les
intérêts des peuples et sont des outils permettant aux pouvoirs
despotiques de se maintenir ou d’imposer des décisions violant les
droits des peuples.
Nous constatons l’absence de volonté et l’incapacité des
dirigeants du G20 à trouver des solutions aux crises du capitalisme
(crise financière, économique, sociale, migratoire et écologique). Le
G20, groupe illégitime au service de l’élite capitaliste, composé des
20 pays les plus riches, ne peut prétendre répondre aux maux dont
souffrent les peuples du monde. faisant partie Il fait en effet partie
du problème et non de la solution.
Afin de promouvoir des alternatives cohérentes au service des droits
humains fondamentaux et des droits de la Nature, nous exigeons :
1. L’expropriation, sans indemnisation, des grands propriétaires
fonciers (nationaux comme étrangers) en vue d’une réforme agraire
permettant aux paysan-ne-s de disposer de leurs ressources.
L’agriculture paysanne est la seule capable de nourrir l’ensemble de
l’humanité tout en préservant la biodiversité ;
2. Le soutien par des politiques régionales, nationales et
internationales des productions vivrières et de la souveraineté
alimentaire, avec notamment la protection des produits locaux vis à vis
des produits importés, la valorisation des semences paysannes et des
pratiques agro-écologiques, la garantie aux paysan-ne-s de prix stables
et rémunérateurs, la revalorisation du métier et des savoirs des
paysan-ne-s ;
3. L’arrêt du pillage des ressources naturelles et du saccage de
l’environnement. Les peuples doivent exiger des réparations au titre de
la dette écologique ;
4. La prise en compte du changement climatique et de ses effets sur
les peuples africains par un engagement contraignant des États du Nord,
responsables du changement climatique, lors des prochaines négociations
de Durban et Rio +20 ;
5. L’abolition de l’OMC et de tous les accords de libre-échange (ACP,
...) et le renforcement d’initiatives d’intégration régionales visant
la solidarité entre les peuples et excluant tous projets cherchant à
marchandiser les biens communs et l’accès aux droits fondamentaux ;
6. L’abolition des paradis fiscaux, la levé du secret bancaire, la
développement d’une fiscalité juste, la fin des privatisations du
secteurs bancaires imposés aux gouvernements africains par les
institutions financières internationales ;
7. L’abolition des Institutions financières internationales (FMI et
Banque Mondiale) et leur remplacement par des institutions démocratiques
au service des peuples ;
8. La création d’un front mondial contre la dette, avec notamment la
mise en place d’audits (sous contrôle citoyen) de l’endettement public
interne et externe en vue de répudier les dettes odieuses et
illégitimes ;
9. La fin de l’impérialisme et du néocolonialisme qu’ils soient
imposés par des voies diplomatiques, économiques ou militaires et le
respect de l’autodétermination des peuples ;
10. La mise en place de processus populaires chargés de réviser les
constitutions en vue de l’introduction dans celles-ci de mesures et de
règles garantissant la démocratie réelle tant d’un point de vue
politique qu’économique ;
11. L’arrêt de la fabrication d’armes et la sortie du nucléaire à des
fins civiles comme militaires et la reconversion de ces industries vers
des secteurs socialement utiles ;
12. La solidarité dans la lutte des femmes pour leur libération et
l’accession à une égalité de droit et de fait dans l’ensemble des
sphères publiques, comme privées, de la société ;
13. L’arrêt de la criminalisation et de la persécution des migrant-e-s et la libre circulation des personnes ;
Nous demandons à l’ensemble des citoyen-ne-s, de la société civile et
des mouvements sociaux, de se mobiliser et de construire des
convergences de luttes pour faire émerger au niveau local, national,
international un autre monde, basé sur la partage des richesses, la
solidarité et le respect des droits humains fondamentaux et de la
Nature.
Fait à Niono, le 3 novembre 2011
Le Forum des peuples
Le Forum des peuples
Source: le post.fr