Paris s'inquiète des liens entre al-Qaida au Maghreb islamique et la secte Boko Haram.
Soupçonnés de longue date, les liens entre le groupe terroriste al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi)
et la secte nigériane Boko Haram se confirment. Dimanche, le
vice-ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a
même affirmé qu'Alger en a désormais «acquis la certitude». «La façon
dont les deux organisations opèrent et les rapports des services de
renseignement montrent qu'il y a bien coopération», a-t-il expliqué sans
plus de précision.
Paris semble faire une analyse similaire.
L'enquête sur le rapt de deux Français au Niger en janvier dernier
aurait mis au jour des passerelles. Kidnappés dans un restaurant de
Niamey par des proches d'Aqmi, Antoine de Léocour et Vincent Delory
devaient être tués le lendemain en même temps que plusieurs de leurs
ravisseurs lors d'une opération lancée par les forces spéciales
françaises. Dans les décombres de l'intervention, les enquêteurs
français et nigériens devaient retrouver plusieurs puces téléphoniques
appartenant aux terroristes.
Axe terroriste
L'analyse des appels passés oriente vers plusieurs interlocuteurs basés au Mali, au Niger et au Nigeria. Selon Radio France Internationale
(RFI), deux numéros intéressent particulièrement les enquêteurs: l'un
mène à un Nigérien qui a séjourné longuement à Maiduguri, une ville du
nord du Nigeria, berceau de Boko Haram et l'autre à un homme qui se dit
proche d'Aqmi et de la secte. «C'est une avancée mais il faut sans doute
attendre des preuves plus formelles avant de parler de coopération
opérationnelle entre Aqmi et Boko Haram. Mais c'est possible. On sait
depuis des années que la secte bénéficie d'appuis financiers et
intellectuels extérieurs et qu'elle se montre de plus en plus active»,
tempère Kunle Amuwo, un chercheur nigérian.
Ces derniers mois ces
«appuis» avaient été de plus en plus évidents dans l'évolution et des
discours de Boko Haram ou dans ses modes opératoires, qui impliquent
désormais le recours à des kamikazes ou à des engins explosifs de plus
en plus complexes et de même facture que ceux utilisés par Aqmi.
La
communauté internationale, à commencer par Washington, a dès lors fait
pression sur Abuja pour qu'il prenne en compte les problèmes posés par
Boko Haram. Les autorités nigérianes ont en effet longtemps considéré le
groupe comme une communauté d'illuminés peu dignes d'intérêt.
Un succès rapide
Fondée
en 2002 à Maiduguri autour d'une mosquée, d'une école et de l'iman
fondamentaliste Mohammed Yusuf, Boko Haram - qui signifie en haoussa
«l'éducation occidentale est un péché» - prône l'instauration d'un
émirat islamique dans le nord musulman du Nigeria. Dans cette région
pauvre, l'association connaît un succès rapide. Elle se politise et
exige un respect strict de la charia tandis que ses militants engagent
la lutte contre le gouvernement central impie. Ces derniers visent
d'abord les églises, les bars, les administrations. En 2009, les
militants de Boko Haram se montrent particulièrement actifs, multipliant
les attaques contre les commissariats. La réaction d'Abuja
est, comme à son habitude, sans nuances. L'armée investit la ville, on
compte 800 morts. Mohammed Yusuf, arrêté vivant, est tué en prison. Dès
lors la secte va se radicaliser et quitter ses fiefs du nord. À Noël
dernier, elle revendique un attentat
qui fait 80 morts à Jos, puis un autre à Abuja. En juin, c'est encore à
Abuja que Boko Haram s'en prend au QG sécurisé de la police lors d'une
attaque suicide, sa première. En août, le siège local des Nations unies
sera sa première cible internationale.
La
création d'un axe terroriste en Afrique qui naviguerait de la
Mauritanie à la Somalie en passant par le Nigeria inquiète désormais
tous les spécialistes de la sécurité. Alors qu'Aqmi a investi le Mali et
le Niger, que les Somaliens d'al-Chebab opèrent au Kenya, Boko Haram
apparaît comme une nouvelle menace
au cœur du continent. La semaine dernière, lors d'un entretien au
Nigeria avec le président Goodluck Jonathan, Alain Juppé a mis en garde
contre Boko Haram et s'est dit prêt «à partager tous les renseignements»
.
Source: le figaro