5 nov. 2011

La Tabaski ou l'Aïd el Kebir

Armelle Chatelier, franco-sénégalaise, historienne et enseignante à l'Institut Supérieur des Sciences de l'Information et Communication de Dakar, est une spécialiste de la culture urbaine et de l'image en Afrique.
 
La Tabaski ou fête de l'Aïd-el-Kebir plus connue sous le nom de "fête du mouton", est définie dans le Coran comme une fête se déroulant lors du pèlerinageà la Mecque. Ainsi, tous les musulmans fêtent-ils l'événement ensemble à défaut d'être à la Mecque. La date est fixée selon le calendrier lunaire, qui tourne par rapport au calendrier grégorien. L'islamisation précoce du Sénégal, dès le XIème siècle, a imposé un nouveau calendrier ; fait original dans le monde musulman, les fêtes musulmanes ont des noms wolof : c'est le cas de la Tabaski. Dès le XVIIème siècle, c'est à cette date que les nobles du royaume du Kajoor viennent saluer le roi (Damel) ou le déposer comme pour le despote Dauda Demba ; plus tard, le nom de Tabaski s'est étendu à toute l'Afrique de l'Ouest avec la colonisation. Les questions de calendrier sont très importantes dans le monde musulman. Les lettrés souvent astronomes observent le ciel pour décréter les jours de fête, et ce rarement avant la veille de ce jour. Sur ce point le Coran dans la sourate 10 (5) insiste : "Il est celui qui fit du soleil une clarté et de la lune une lumière et qui détermina des mansions {la lune}, afin que vous connaissiez le nombre des années et le comput. Allah n'a créé cela qu'avec sérieux, rendant intelligibles (fassala) les signes pour un peuple qui sait.". Il y a donc un flottement avant l'annonce de la date. La population s'en remet aux autorités religieuses, avec l'idée que le calendrier même est sacré et que seuls quelques spécialistes peuvent l'étudier.
La Tabaski est la plus grande fête du Sénégal où la population est en majorité musulmane. Chaque père de famille doit tuer un mouton pour célébrer le sacrifice d'Abraham. Le pays tout entier est absorbé par les préparatifs : achat du mouton pour le sacrifice et habits neufs pour la famille.


Les habits neufs sont nécessaires pour se présenter à Dieu dans une tenue correcte en ce jour de fête ; il y a également une explication sociale : les enfants, particulièrement, sont ainsi, au moins une fois l'an, équipés de neuf. Le grand marché de Dakar - Sandaga - grouille de monde, les griots perchés sur des tas de tissus devant les magasins tapent sur leur tambour d'aisselle pour attirer le client. Toute la ville est dans la rue, l'argent circule frénétiquement, les embouteillages bloquent le centre ville. C'est l'occasion pour les mères d'habiller de neuf tous les membres de la famille, d'embellir la cour, de compléter la vaisselle. Les enfants, comme pour Noël, sont excités par l'approche de la fête. Les marchands ambulants brandissent gaiement des couteaux et des grilles de barbecue, instruments indispensables au sacrifice et à la dégustation du mouton familial. Les échoppes de tailleurs bourdonnent jusque tard dans la nuit, chacun se doit d'avoir un boubou traditionnel neuf pour la fête et la bataille fait rage chez les couturières pour récupérer sa commande. Les moutons envahissent les villes, on trouve des foirails sur le bord des routes, d'autres sont promenés jusqu'en centre ville par des commerçants en quête d'acheteurs. Les journaux titrent sur les moutons et toutes les discussions des pères de famille portent sur leur prix, leur santé, dans les bus et les queues à la banque où l'on demande des avances. La date de la Tabaski dépend du calendrier lunaire, elle n'est connue qu'une semaine à l'avance par décision d'une commission nationale. Le grand jour arrive : le matin les hommes se rendent à la prière avec les jeunes garçons dans leurs boubous empesés et les vieilles femmes aux pieds teints au henné.


Après la prière, les gens se souhaitent une bonne année "dewenati" (que l'année prochaine nous trouve ici en paix) et se demandent mutuellement d'effacer leurs offenses, car c'est également le jour du pardon. Puis les hommes se préparent à tuer le mouton lavé à l'aube, le père de famille l'égorge et le dépouille pendant que les femmes préparent les boissons sucrées, les ingrédients, le barbecue. Rapidement, tout le quartier embaume la grillade. Les enfants mangent les premiers, puis circulent avec des plats de viande que les familles s'offrent mutuellement en fonction des liens d'amitié, de voisinage ou d'alliance. C'est l'occasion de faire l'aumône aux familles pauvres. C'est ripaille pour tous. Les plus petits vont de maison en maison, en groupe de 5 à 10, bien habillés en boubous et babouches, en demandant des étrennes, en argent, sucre, ou riz . La soirée se passe en visites familiales, la télévision programme les sermons des responsables religieux et la prière du chef de l'État, et pour les plus jeunes : les grands orchestres animent des soirées sénégalaises en ville où les couples vont habituellement dans leur nouvelle tenue.


Pour l'année 2011/1432 le jour de la Tabaski ( 10 Dhou Al Hijja 1432 de l'hégire) est le 7 novembre 2011 plus au moins un jour selon les pays.

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