De retour de Libye, des combattants touareg lourdement armés
menacent de chasser les terroristes du nord du pays. Mais ils font aussi
planer le risque de réactiver la rébellion touareg contre le pouvoir
central de Bamako.
La tension monte encore d'un cran dans la bande saharo-sahélienne.
Des groupes de combattants touaregs maliens ayant servi dans l'ancienne
armée libyenne du colonel Kadhafi sont prêts à partir en guerre contre les terroristes d'Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi).
"Ces troupes, revenues récemment de Libye, ont lancé un
ultimatum aux gens d'Aqmi en leur intimant l'ordre de quitter le Nord du
Mali", affirme à L'Express un élu touareg de la région. "Il semble que
les islamistes aient pris la menace au sérieux, car ils ont quitté une
de leurs bases dans l'Adrar Tigharghar, un massif montagneux désertique,
à environ 120 kilomètres de la frontière algérienne", poursuit-il. Ces
combattants ont également arrêté des trafiquants de drogue, qui
coopèrent à l'occasion avec Aqmi.
Depuis la chute du régime du colonel Kadhafi, au mois
d'octobre, plusieurs centaines de militaires maliens, qui servaient
depuis des années sous l'uniforme libyen, sont rentrés dans leur région
d'origine. Avec armes lourdes et bagages.
Ces troupes aguerries, qui comptent parmi eux d'anciens membres des
rébellions touareg des années 1990 contre le pouvoir central de Bamako,
posssèdent "des missiles anti-aériens, des camions lance-roquettes BM 21
Grad, des mitrailleuses de calibre 12,7 mm et des dizaines de véhicules
4x4", reconnaît une source gouvernementale.
Rébellion réactivée?
Cet afflux d'hommes en armes risque de déstabiliser encore davantage le nord du Mali, une région désertique, plus grande [650 000 kilomètres carrés]
que la France, aride, peu peuplée et laissée à l'écart des programmes
de développement. Une immensité difficilement contrôlable, où se sont
enkystés les terroristes d'Aqmi.
Certains observateurs locaux craignent par ailleurs que la
frange ultra de ces militaires touareg ne relance un mouvement de
rébellion contre les autorités de Bamako, tout en chassant simultanément
les hommes d'Aqmi de "leur" territoire. De son côté, le gouvernement
malien cherche à racheter les armes en circulation, pour éviter qu'elles
soient dispersées dans la nature, voire qu'elles ne se retournent
contre lui. Dans le même temps, des notables du nord - élus, chefs de
clan - tentent d'éviter que la situation ne dégénère.
Selon une source touareg, des combattants ont repeint leurs véhicules aux couleurs du Mouvement de libération de l'Azawad [la région aux confins nord et ouest du Mali],
l'ancien mouvement rebelle. "Quoi que l'on pense des revendications des
combattants touareg rentrés récemment, le déclenchement d'une nouvelle
rébellion risquerait de coûter la vie à beaucoup de gens et de ravager
encore davantage notre région déshéritée", explique un notable local.
L'éventuel reflux d'Aqmi dans le nord malien, souhaité par la majorité
de la population pourrait s'accompagner de la réouverture de vieilles
blessures.
Source: lexpress.fr