La rébellion touarègue ne facilite pas le travail des ONG sur le terrain. Bien au contraire.
Un rideau de sable semble isoler le Nord du Mali. Alors qu’une crise alimentaire menace le pays, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. Depuis début janvier, les affrontements se sont intensifiés entre les forces maliennes et la rébellion touareg portée par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) compliquant l’accès des humanitaires sur le terrain.
Plus récemment, les événements qui se sont déroulés à Aguel’hoc ont contraint les populations ainsi que les structures publiques de santé à quitter les lieux. Ce fut le cas de l’ONG Médecins du monde Belgique qui a suspendu ses opérations dans la région de Kidal, située au nord du Mali, en raison des risques de sécurité.
«Après les combats, la ville d’Aguel’hoc fût le théâtre de pillage: magasins, commerces, et centres de santé ont été pillés par des individus», témoignage d’un médecin de MDM dans la région de Kidal.
«L’intensité des combats dans la ville a entrainé une psychose des habitants et des travailleurs locaux. Cette psychose est responsable du départ massif des populations nomades vers la brousse et l’Algérie et de celui d’une partie des personnels de santé vers le sud du pays en direction de Gao»,rapporte-t-il dans un communiqué.
D’après le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), environ 13.000 personnes ont dû fuir leurs maisons et trouver refuge tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays depuis le début des combats en janvier.
Des difficultés d’accès
Dans cette zone isolée où peu d’informations semble filtrer, l’annonce de cettte suspension a été l’occasion pour Médecins du Monde de communiquer sur la situation.
«Cette suspension a été opérée principalement en raison de l’impossibilité à mettre en oeuvre une assistance dans la ville de Kidal, qui se trouve entièrement encerclée. Elle permet également pour nous d’alerter l’opinion publique sur cette crise humanitaire», explique, Pierre Verbeeren le président de Médecins du Monde Belgique.
Au Mali, plusieurs organisations ont commencé des missions d’évaluation dans l’optique de connaître les besoins de la population et engager des discussions avec les acteurs présents sur le terrain.
«On rentre dans un processus reconnu de négogiation d’espace et accès humanitaire sur lequel l’ensemble du personnel des ONG pourra travailler», analyse Gilles Collard, expert national détaché du ministère français des Affaires étrangères et européennes auprès de la DG ECHO à Bruxelles dans l’unité «Assistance alimentaire».
Du côté de la Croix Rouge, le personnel, présent depuis plus d’une dizaine d’années résiste, même si Germain Mwehu, le délégué en communication de l’ONG, le reconnaît:
«Les activités sont mises en oeuvre plus difficilement à cause des combats ».
«Pour le Comité International de la Croix Rouge (CICR), les difficultés de déplacement sont liées d’une part aux considérations logistiques (longues distances à parcourir) et d’autre part au fait que l’on doit s’assurer des garanties de sécurité de part de tous les camps qui s’affrontent sur le terrain».
Une solution: les humanitaires locaux?
Depuis 2009, année marquée par la recrudescence des enlèvements répétées de ressortissants français par Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) dans la région du Sahel, l’intervention des humanitaires internationaux dans cette zone s’est considérablement compliqué. Des ONG comme Médecins du Monde, on choisit de ne plus engager d’expatriés pour le Nord du Mali.
«Nous avons choisi des locaux pour cette région. Non pas, pour des raisons de sécurité, ce choix s’était fait en 2006, mais parce que cela coincidait avec notre envie de travailler un personnel local de qualité», souligne Pierre Verbeeren.
Ces humanitaires sont prisés par ces organisations en raison de leur bonne connaissance du terrain et de leur professionnalisme. Selon David Kerespars, directeur d’Action contre la faim au Mali:
«Ce que l’on perd parfois en expertise technique du personnel international, on le gagne avec les locaux en connaissance du contexte du personnel et des partenaires nationaux».
Cependant leur position vis-à-vis des acteurs d’un conflit peut s’avérer difficile à trouver, comme le relate Germain Mwehu:
«Etant ressortissant d’un Etat, il est difficile de garder son indépendance face aux différents pouvoirs (étatique, rébellion, etc) et d’être perçu comme neutre par les protagonistes. C’est sur ce point que les expatriés apportent un peu plus par rapport aux locaux».
Malgré les difficultés d’acheminement de nourriture au Nord et les risques pour les humanitaires, les interventions s’organisent. La semaine dernière, la Commission européenne a octroyé près de 300 millions d’euros au Programme alimentaire mondial dans la région du Sahel, menacé par la famine.
Cette aide devrait concerner les quelques 8 millions de personnes au Niger, Tchad, Mali, Sénégal,Burkina Faso, Mauritanie et Cameroun. Selon les dernières estimations en date, environ trois millions de Maliens seraient exposés à une forme grave d’insécurité alimentaire en raison de la hausse des prix et des faibles précipitations répertoriées en 2011.
D’après les informations du magazine IRIN, le gouvernement malien, quant à lui, a distribué 4.710 tonnes de nourriture au mois de décembre et a mis de côté des vivres supplémentaires. Cependant, le Commissariat à la sécurité alimentaire a déclaré disposer de moins de 10.000 tonnes de nourriture, alors que les besoins s’élèvent à 40.000 tonnes.
Stéphanie Plasse,13-03-2012,