« Nous devons agir maintenant. », Guido Cornale, représentant de l’Unicef au Niger, souligne l’urgence de financer les efforts du gouvernement et des organisations humanitaires – nationales ou internationales – pour pouvoir prendre en charge près de 400 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère. Interview.
Quelle est l’ampleur de la crise alimentaire et nutritionnelle qui se dessine au Niger ?
La situation est très grave. Ce n’est pas seulement le Niger qui est affecté, c’est toute la région du Sahel.
La crise a déjà commencé, avec des familles qui ont déjà presque épuisé
leurs réserves de nourriture et dont le bétail est menacé par la
sécheresse. La période de soudure, qui durera jusqu'aux prochaines
récoltes en octobre, débute particulièrement tôt cette année.
Selon une enquête de décembre 2011, 38% de la population totale, soit 5,4 millions de personnes, sont en situation d'insécurité alimentaire.
Si aucune assistance humanitaire n’est déployée immédiatement, la
malnutrition et la mortalité des enfants augmenteront. Déjà, le taux de
malnutrition aiguë sévère reste très élevé parmi les enfants, bien
au-dessus du seuil d’alerte des 10%, parce que les enfants peinent à se
remettre de la crise de 2010. Ce nouveau choc pourrait avoir un impact
dévastateur sur les plus jeunes et les plus vulnérables.
Que font les acteurs humanitaires ?
Les activités sur le terrain ont déjà commencé. Le gouvernement a mis en place un plan de réponse d’urgence. Les agences onusiennes et les ONG mènent des programmes de distributions ou de subventions dans la plupart des régions affectées.
Une attention constante est portée au statut nutritionnel des enfants,
afin d’assurer si nécessaire leur transfert vers des centres de
récupération nutritionnelle.
Un appel conjoint du gouvernement et des organisations humanitaires
évalue les besoins de financements à plus de 176 millions d'euros. Mais
pour l'instant, seuls 10% des besoins sont couverts,
avec une promesse d'aide supplémentaire de la part de l'Union européenne
et autres bailleurs de fonds . L'alerte a été donnée très tôt, l'échec
serait impardonnable.
Quels sont les points de comparaison entre cette année, les années sans crise et les crises précédentes ?
L’Unicef estime qu’au Sahel, plus d’1 million d’enfants de moins de 5 ans seront atteints de malnutrition aiguë sévère en 2012.
Au Niger, nous anticipons la prise en charge de 390 000 cas. En 2011,
année sans crise grâce à une bonne récolte, le système de santé
national, soutenu par les agences de l’ONU et les ONG, a soigné 300 000
enfants sévèrement malnutris. Cela montre que la structure est en place
et est capable de fournir une réponse efficace.
De plus, une forte volonté politique de s'attaquer au fléau de la
malnutrition anime le gouvernement, et cela fait toute la différence
avec 2005, où les efforts des acteurs de l'aide se heurtaient à la
résistance des autorités.
Les troubles de l’an dernier en Libye et en Côte d’Ivoire ont entraîné le retour de milliers de Nigériens chez eux. Dans quelle mesure cela a-t-il un impact sur la situation ?
Cela a eu trois grandes conséquences. D’abord, le retour de plus de 200 000 personnes en situation de détresse a augmenté la vulnérabilité de leurs communautés d’origine. Ensuite, sur le plan économique, les versements et le commerce ont été interrompus. Enfin, ce retour a un impact sur le terrorisme et le banditisme. L’insécurité a augmenté en raison d’un afflux massif d’armes.
Dans quelle mesure la situation d’insécurité affecte t-elle l’accès humanitaire ?
À ce jour, la communauté humanitaire poursuit les programmes en cours.
Des mesures de sécurité supplémentaires ont été mises en place pour
atténuer les risques d’insécurité et pour permettre aux Nations unies de
continuer à faire leur travail, en collaboration directe avec les ONG
nationales et internationales.
Est-il encore temps de prévenir une crise généralisée ?
Le gouvernement nigérien a commencé à alerter la communauté internationale dès août 2011.
Les pluies étaient alors trop faibles et trop irrégulières. Cela a été
confirmé en novembre, quand l’ampleur de la récolte et le déficit du
pâturage ont été évalués. Le gouvernement a mis en place un programme
d’urgence, comprenant des programmes d’irrigation, le
réapprovisionnement des réserves de nourriture et la réouverture des
marchés. Et la mobilisation internationale a commencé en septembre. Alors, oui, une crise peut être évitée, mais nous devons agir maintenant.
Unicef