Le Sahel
serait-il devenu soudainement un enjeu international au point de mettre
en danger l’équilibre sous-régional et de compromettre la paix par rébellion touarègue
interposée? La question vaut son pesant d’or, de pétrole et d’uranium.
D’autant plus que les tentatives de médiation semblent se heurter à un
mur invisible d’hostilité manifeste.
Les combats fratricides s’intensifient dans le nord malien. Encore une fois, ils opposent depuis la mi-janvier 2012, l’armée nationale aux rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad).
Cela a contraint les populations à fuir leur village par dizaines de
milliers. Beaucoup se sont réfugiés dans les pays voisins dont le Burkina Faso.
Afin d’éteindre cet incendie qui menace d’embraser toute la
sous-région, de nombreux acteurs régionaux ou internationaux ont
entrepris des tentatives de médiation.
Toutefois, les résultats concrets tardent à venir, à deux pas de
l’élection présidentielle au Mali (elle doit être organisée en avril
2012) et à la veille de la saison des pluies.
L’engagement du Burkina Faso
Pour Djibrill Bassolet, le ministre burkinabè des Affaires
étrangères, l’enjeu de la paix et la stabilité en vaut la peine. Les
initiatives de médiation entreprises par le Burkina Faso se sont en
effet multipliées ces derniers temps.
Les autorités burkinabè semblent déterminées à jouer les bons offices dans la résolution de la crise. L’Algérie
étant de ceux qui perçoivent le mieux les tenants et aboutissants de
cette rébellion, le ministre burkinabè des Affaires étrangères n’avait
donc pas omis de s’y rendre.
Il a ensuite séjourné le 5 mars au Mali où il a été reçu par le président Amadou Toumani Touré. Djibrill Bassolet juge impératif d’obtenir un cessez-le-feu.
L’agenda de sortie de crise qu’il propose devrait permettre la tenue de l’élection présidentielle malienne,
le 29 avril prochain, et éviter les risques d’un vide constitutionnel.
Toutefois, un mur d’hostilité manifeste semble se dresser devant le
ministre Bassolet.
A Alger, on s’est toujours voulu très vigilant. En tant que puissance
régionale, l’Algérie demeure très jalouse de ses prérogatives. Jamais
ce pays n’a caché son hostilité envers les intrusions venant
d’outre-mer.
S’agissant en particulier de cette autre crise qui a des ramifications avec Al-Qaïda
au Maghreb islamique (AQMI), l’Algérie n’entend pas se faire damer le
pion par des puissances étrangères. Or, les autorités du Burkina Faso
s’entendent bien avec la France!
L’Algérie très jalouse de ses prérogatives
De là à avoir le sentiment que Ouagadougou
est manipulé par Paris, le pas est vite franchi. A travers les
tentatives burkinabè de médiation de la crise malienne, Alger pourrait
donc voir la main de la France et émettre des réserves.
Les suspicions d’Alger se trouvent renforcées avec la récente tournée
en Afrique de l’Ouest du chef de la diplomatie française, Alain Juppé.
La France encourage une solution négociée avec tous les acteurs de la
crise, y compris le MNLA. Il faut donc, estime-t-on, trouver un cadre
de négociation.
Objet de convoitises, la zone militaire de Tessalit
est considérée comme une zone hautement stratégique. Située à la
frontière algérienne, c’est un observatoire régional idéal, très
convoité depuis des années par des puissances étrangères. Ancienne
puissance coloniale, la France est particulièrement suspectée.
Elle l’est devenue davantage à la suite de l’installation à l’Elysée de Nicolas Sarkozy (en 2007). Celui-ci s’était en effet donné pour mission de redessiner certaines cartes géographiques. Comme Bush fils naguère à la tête des Etats-Unis, il a lui aussi toujours rêvé de dominer le monde et même de lui dicter sa loi.
Du moins, certaines parties de la planète, les pays pauvres et les
ensembles fragiles surtout. Mais comme son prédécesseur et ami, il aura
certainement du mal à réaliser cette ambition. Car, les peuples seuls
font l’histoire. Contrairement à ce que l’on espérait, la résolution de
la crise entre le Mali et certains de ses citoyens touaregs entrés en
rébellion pourrait donc prendre du temps. Et si les choses devaient
vraiment rester en l’état, il faut craindre que l’option militaire ne
prenne le dessus.
Dans cette hypothèse, il n’est pas exclu que les pays membres de la Cédéao (Communauté
économique de développement des Etats de l’Afrique de l’ouest) entrent
dans la danse aux côtés d’un Etat membre agressé.
Car, de plus en plus, on sent l’agacement gagner les rangs des autres
peuples de la sous-région. Il faut redouter les conséquences d’un échec
éventuel des tentatives de médiation.
Dans un tel scénario, quel sort réserver à ceux qui ont osé prendre
les armes au Mali, un pays respecté et envié par tant d’autres sur le
continent, car l’exercice du jeu démocratique y est une réalité?
Comment vont-ils se justifier dans une Afrique résolument déterminée à
trouver remède aux nombreux contentieux politiques et sociaux par la
voie des urnes? De toute évidence, les ambitions séparatistes de la
rébellion sont désormais connues.
Cette lutte vise officiellement à «libérer» un pan du
territoire malien. Elle pourrait donc s’étendre à d’autres pays
puisqu’il est prévu de fonder un … empire touareg ou plutôt un … Etat
touareg!
Peu de soutiens
La tentative de déstabilisation est donc manifeste, avec les résurgences de séparatisme qui vont avec. Mais cette «cause»
aura bien du mal à se vendre en Afrique subsaharienne. Elle est
fondamentalement en contradiction avec l’idéal panafricaniste défendu
par l’Union africaine (UA), notamment le respect du sacro-saint principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation.
Pour Djibrill Bassolet, ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, «l’agenda
du MNLA, (l’indépendance régionale), est hors de portée. La communauté
internationale n’est pas prête à soutenir un tel agenda.»
C’est dire que ceux qui militent en faveur des rebelles auront du mal
à le faire de plus en plus ouvertement car le contexte s’y prête moins.
Les Africains sont décidés à ne pas revenir en arrière. Ils aspirent à
plus de démocratie et privilégient la voie du dialogue républicain,
laquelle repose sur le respect des urnes.
Les prétendus défenseurs de la cause touarègue auront du mal à
convaincre, d’autant que les narco-trafiquants ont redoublé d’ardeur ces
dernières années sur le continent, notamment dans le Sahel.