Réveil douloureux pour le pays qui prit plaisir, la semaine dernière, à entendre les radios de proximité relater la reconquête historique mais hélas imaginée de Tessalit par les troupes loyalistes. On attendra pour la raclée aux insurgés. Pour l’instant, toute la question est de savoir quelle est la valeur stratégique de Tessalit sans l’armée malienne. Qui n’y est plus depuis samedi.
Libéré selon le Mnla qui a posté la nouvelle sur son site samedi 10 mars à 22h 23, évacué par l’armée dans le cadre d’un repli tactique selon le communiqué du dimanche 11 mars du ministère de la Défense à Bamako : le camp de Tessalit à plus de 800 km de Gao, sa principale base logistique livrera sans doute, un jour, sa pleine chronique. Mais c’est sûr que cette chronique racontera les nuits de braise que vécurent le chef de bataillon Kassim Goïta et ses six cent soldats dans ce camp situé à 6 km de Tessalit. Ce harcèlement, mauvais pour le moral des troupes, a duré près d’un mois depuis le 17 janvier, le soir où le Mnla a attaqué Menaka puis Aguel Hoc, le lendemain. Mais le mouvement rebelle ne s’est pas contenté de quelques tirs d’artilleries tentés de loin. « Sa stratégie est claire, à Tessalit comme à Aguel Hoc, c’est de couper tout ravitaillement aux casernes et la tactique est aussi vieille que le monde », dissèque un ancien général de l’armée malienne. Il fallait donc dans le cas d’Aguel Hoc empêcher les troupes du colonel Ould Meydou partis de Gao fin janvier pour porter vivres, munitions et assistance à l’héroïque garnison de ce camp qui se battait depuis près d’une semaine déjà contre Ansardine d’Iyad Ag Ali, renforcé par des islamistes armés, selon des récits de témoins ainsi que le rapport de l’enquête initiée par le gouvernement malien.
Couper les vivres et les munitions
La tactique de la rébellion, on le sait, avait payé. Une embuscade qui coûtera la vie à une dizaine de soldats loyalistes empêchera le colonel arabe d’entrer à Aguel Hoc dont le camp dirigé par le capitaine Sékou Traoré alias « Bad » était à court de munitions. Les assaillants le savaient – Bamako est convaincu qu’ils sont bien renseignés- . Comme les barbus avaient perdu, semble t-il plusieurs dizaines d’hommes dans les combats antérieurs qui les opposèrent aux militaires de ce camp refusant de se rendre, ils n’eurent, selon la version la plus reprise dans la capitale, aucun mal à maîtriser leurs adversaires désarmés, à les ligoter avant de les abattre froidement d’une balle dans la tête. « Ce qui est impossible à imaginer » d’un Iyad Ag Ali à la réputation de gentleman « sauf s’il est devenu fou » doutent ceux qui disent connaître l’homme. En tout cas, sur Tessalit, même stratégie d’isolement doublé du rusé calcul d’attirer, « d’immobiliser une part essentielle des troupes de Gao dans ce nid d’aigle », poursuit l’ancien officier. En effet, Tessalit est au cœur de l’imprenable massif de l’Adrar. Logiquement, il est dissuasif pour tout stratège qui tient compte des facteurs temps, distance et météo. Sinon, le « cauchemar sécuritaire » est garanti. Imaginez un convoi de trois cents hommes et une centaine de véhicules sur 800 km de route terrestre !
Immobiliser l’armée à Tessalit
Le colonel El Hadji Gamou, en sait quelque chose qui avait essayé de desserrer l’étau Mnla autour de Tessalit, une première fois en fin janvier. En vain! Le ban et l’arrière ban de la rébellion informés firent de sa tête tout l’enjeu de la bataille de Tessalit. Au point que l’officier Imrad qui avait combattu dans la légion islamique de Kadhafi dut observer un repli tactique suivi d’un second quelques jours plus tard où il était monté avec les colonels Ould Meydou-rescapé de l’embuscade de janvier- et Didier Dakouo – bien plus jeune car étant de la première promotion du Prytanée Militaire de Kati- Le Mnla s’en défend mais Bamako le jure : la bataille de Tessalit a fait rallier toutes les composantes de la rébellion mais aussi Aqmi, Boko Haram, certains Touaregs du Niger, des groupes vivant de narcotrafic. Le schéma afghan en somme. Sauf qu’ici, les Gis n’ont pas de drone. Ils ont une aviation bien moins impressionnante que celle de l’Otan sur la Libye. Jugeons-en : un avion Basler qui a tout de même fait deux ravitaillements pour le camp de Tessalit en plus des largages opérés, une fois, par l’armée américaine ; des hélicos dont le nombre est tenu secret et dont les pilotes n’ont pas le passeport malien, selon le Mnla. « L’efficacité des hélicos est d’ailleurs limitée à partir de Gao. Pour atteindre Tessalit, ils sont obligés de faire des stops de re-fuelling » confie un militaire. « Dans une zone où en cette saison, la visibilité est systématiquement nulle ».
Inch Mnllah ?
L’équipage du Basler est-il qualifié pour les largages ? La question est pertinente parce qu’il se dit dans la région de Gao que le ravitaillement du vendredi a par erreur concerné les troupes rebelles. Faux, pourtant, s’indigne-t-on à Bamako où notre interlocuteur ne concède que deux sacs de riz tombés chez le Mnla. « La vérité, relativise t-il, est qu’il fallait constamment ravitailler et les six cent militaires et les deux mille civils du village ». L’officier Goita, chef du camp, a-t-il tiré les leçons du « ravitaillement » erratique par voie aérienne et empêché par voie terrestre ? Sans doute. Après un mois de résistance farouche et de combats qui, selon Bamako, ont fait plusieurs morts côté salafiste, il ne voulait plus, continuer de risquer la vie de ses soldats. Il en avait déjà informé sa hiérarchie quelques heures plus tôt. Et samedi, il jette l’éponge. Lui, ses hommes et leurs familles quittent le camp, laissant à Aqmi un butin de guerre hyper-médiatisé : Tessalit dont on disait à l’époque de la guerre froide qu’elle était l’une des bases stratégiques les plus convoitées de l’histoire. Au point que rageant de ne pas l’avoir, Paris « facilita » la chute de Modibo Kéita, puis du tombeur de celui-ci, Moussa Traoré dont le tombeur, Att, aujourd’hui aux commandes, doit être plus que pressé de tomber lui aussi. Mais pas avant le 8 juin, si la démocratie conserve encore sa baraka. D’ici à là, l’armée qui a maintenant plus de liberté de manœuvre pour une réponse autre que celle de pompier – secourir les casernes en difficulté- sait, sans doute, qu’elle a épuisé son droit à recourir à la formule « repli tactique ».
Adam Thiam
http://www.maliweb.net
Couper les vivres et les munitions
La tactique de la rébellion, on le sait, avait payé. Une embuscade qui coûtera la vie à une dizaine de soldats loyalistes empêchera le colonel arabe d’entrer à Aguel Hoc dont le camp dirigé par le capitaine Sékou Traoré alias « Bad » était à court de munitions. Les assaillants le savaient – Bamako est convaincu qu’ils sont bien renseignés- . Comme les barbus avaient perdu, semble t-il plusieurs dizaines d’hommes dans les combats antérieurs qui les opposèrent aux militaires de ce camp refusant de se rendre, ils n’eurent, selon la version la plus reprise dans la capitale, aucun mal à maîtriser leurs adversaires désarmés, à les ligoter avant de les abattre froidement d’une balle dans la tête. « Ce qui est impossible à imaginer » d’un Iyad Ag Ali à la réputation de gentleman « sauf s’il est devenu fou » doutent ceux qui disent connaître l’homme. En tout cas, sur Tessalit, même stratégie d’isolement doublé du rusé calcul d’attirer, « d’immobiliser une part essentielle des troupes de Gao dans ce nid d’aigle », poursuit l’ancien officier. En effet, Tessalit est au cœur de l’imprenable massif de l’Adrar. Logiquement, il est dissuasif pour tout stratège qui tient compte des facteurs temps, distance et météo. Sinon, le « cauchemar sécuritaire » est garanti. Imaginez un convoi de trois cents hommes et une centaine de véhicules sur 800 km de route terrestre !
Immobiliser l’armée à Tessalit
Le colonel El Hadji Gamou, en sait quelque chose qui avait essayé de desserrer l’étau Mnla autour de Tessalit, une première fois en fin janvier. En vain! Le ban et l’arrière ban de la rébellion informés firent de sa tête tout l’enjeu de la bataille de Tessalit. Au point que l’officier Imrad qui avait combattu dans la légion islamique de Kadhafi dut observer un repli tactique suivi d’un second quelques jours plus tard où il était monté avec les colonels Ould Meydou-rescapé de l’embuscade de janvier- et Didier Dakouo – bien plus jeune car étant de la première promotion du Prytanée Militaire de Kati- Le Mnla s’en défend mais Bamako le jure : la bataille de Tessalit a fait rallier toutes les composantes de la rébellion mais aussi Aqmi, Boko Haram, certains Touaregs du Niger, des groupes vivant de narcotrafic. Le schéma afghan en somme. Sauf qu’ici, les Gis n’ont pas de drone. Ils ont une aviation bien moins impressionnante que celle de l’Otan sur la Libye. Jugeons-en : un avion Basler qui a tout de même fait deux ravitaillements pour le camp de Tessalit en plus des largages opérés, une fois, par l’armée américaine ; des hélicos dont le nombre est tenu secret et dont les pilotes n’ont pas le passeport malien, selon le Mnla. « L’efficacité des hélicos est d’ailleurs limitée à partir de Gao. Pour atteindre Tessalit, ils sont obligés de faire des stops de re-fuelling » confie un militaire. « Dans une zone où en cette saison, la visibilité est systématiquement nulle ».
Inch Mnllah ?
L’équipage du Basler est-il qualifié pour les largages ? La question est pertinente parce qu’il se dit dans la région de Gao que le ravitaillement du vendredi a par erreur concerné les troupes rebelles. Faux, pourtant, s’indigne-t-on à Bamako où notre interlocuteur ne concède que deux sacs de riz tombés chez le Mnla. « La vérité, relativise t-il, est qu’il fallait constamment ravitailler et les six cent militaires et les deux mille civils du village ». L’officier Goita, chef du camp, a-t-il tiré les leçons du « ravitaillement » erratique par voie aérienne et empêché par voie terrestre ? Sans doute. Après un mois de résistance farouche et de combats qui, selon Bamako, ont fait plusieurs morts côté salafiste, il ne voulait plus, continuer de risquer la vie de ses soldats. Il en avait déjà informé sa hiérarchie quelques heures plus tôt. Et samedi, il jette l’éponge. Lui, ses hommes et leurs familles quittent le camp, laissant à Aqmi un butin de guerre hyper-médiatisé : Tessalit dont on disait à l’époque de la guerre froide qu’elle était l’une des bases stratégiques les plus convoitées de l’histoire. Au point que rageant de ne pas l’avoir, Paris « facilita » la chute de Modibo Kéita, puis du tombeur de celui-ci, Moussa Traoré dont le tombeur, Att, aujourd’hui aux commandes, doit être plus que pressé de tomber lui aussi. Mais pas avant le 8 juin, si la démocratie conserve encore sa baraka. D’ici à là, l’armée qui a maintenant plus de liberté de manœuvre pour une réponse autre que celle de pompier – secourir les casernes en difficulté- sait, sans doute, qu’elle a épuisé son droit à recourir à la formule « repli tactique ».
Adam Thiam
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