NIAMEY, 8 avril 2013 (IRIN) - Le Niger tente d’enrayer les pénuries alimentaires chroniques grâce à un projet ambitieux de transformation agricole, mais le projet devra répondre aux besoins d’une population en pleine expansion qui vit dans un pays désertique et qui doit aussi se protéger contre l’insécurité.
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2011, le président Mahamadou Issoufou a déclaré : « Comme en témoignent les dernières élections, notre peuple a conquis la liberté politique. Il lui reste maintenant à s’affranchir de la faim ». Quelque 6,4 millions de Nigériens ont souffert de la faim lors de la crise alimentaire au Sahel en 2011-2012.
Un an après, le gouvernement de M. Issoufou a lancé l’initiative 3N appelée « Les Nigériens nourrissent les Nigériens », une stratégie globale touchant l’alimentation, l’environnement, l’énergie et la transformation industrielle, et dont le coût de la phase initiale 2012-2015 est estimé à deux milliards de dollars.
Les organisations humanitaires présentes au Niger soulignent que l’approche proactive prise par le nouveau gouvernement vise à combattre aussi bien l’insécurité alimentaire que la malnutrition, la présentant comme un exemple pour d’autres pays du Sahel menacés par la crise.
Le prédécesseur de M. Issoufou, Mamadou Tandja, qui a été renversé par un coup d’État en février 2010, avait été vivement critiqué pour sa gestion des crises alimentaires dans les années 2000. Certaines critiques ont fait état de son refusd’accepter qu’il existait de graves pénuries alimentaires par fierté et à cause de sa profonde méfiance envers les organisations non gouvernementales (ONG).
La sécheresse s’abat au Niger tous les deux ans. Même pendant une bonne année, une partie de la population reste vulnérable. La sécheresse est la principale menace pour l’agriculture dans notre pays. Elle est responsable de 80 pour cent des pertes en termes de production agricole », a affirmé Amadou Allahoury Diallo, haut-commissaire à l’initiative 3N.
Une tâche gigantesque
Seul 12 pour cent du territoire nigérien est cultivable. Mais avec un taux de croissance de 3,3 pour cent, la poussée démographique du pays compte parmi les plus rapides du monde. La population a doublé de 1988 à 2010, passant de sept millions à 15 millions de personnes, selon les statistiques officielles. Seul un pour cent du territoire (à l’extrême ouest) reçoit plus de 600 mm de pluie par an.
« La production des 3-4 mois de la saison des pluies est ce qui nourrit la population pour les 12 mois de l’année. Cela doit changer », a déclaré à IRIN M. Diallo. « Quatre-vingts pour cent de la population dépend de l’agriculture. Nous n’avons pas d’autre choix que de développer l’agriculture ».
Certains observateurs affirment qu’il sera impossible pour le Niger d’atteindre la sécurité alimentaire à cause de la rudesse du climat, de la pauvreté et de la pression démographique. La liste des objectifs de l’initiative 3N comprend l’adoption de la technologie moderne, la fourniture de graines de meilleure qualité aux agriculteurs, ainsi que des équipements pour améliorer le financement agricole et la gestion du marché.
Le dernier projet n’est pas sans précédent ; les gouvernements nigériens avaient déjà élaboré des stratégies d’autosuffisance par le passé. Cependant, M. Diallo a avancé que la ferme volonté politique du gouvernement de M. Issoufou, de même qu’une meilleure coordination gouvernementale, fait que l’initiative 3N se distingue des stratégies passées.
« Avant, la sécurité alimentaire était plus le fer de lance des partenaires au développement que du parti au pouvoir, et chaque ministère travaillait avec des partenaires différents. Il n’y avait pas de commandement centralisé », a-t-il souligné.
Le Niger est passé de l’état de producteur de nourriture en quantité suffisante, et même d’exportateur de céréales dans les années 1960, à un état de pénuries chroniques dues aux sécheresses récurrentes de plus en plus rapprochées au cours des dix dernières années.
Les invasions de criquets, l’instabilité des prix alimentaires et l’instabilité politique ont aussi contribué à l’insécurité alimentaire dans le pays. Au Niger, comme dans la plupart des régions du Sahel, les prix des céréales de base se situent au-dessus de la moyenne établie sur cinq ans. Le prix du millet, l’aliment de base des foyers nigériens, se situe à 30 pour cent au-dessus de la moyenne établie sur cinq ans, selon le Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine(FEWSNET) qui attribue la cause de cette augmentation à la forte demande de la part des institutions et des autres acheteurs privés.
« De bonnes récoltes ne signifient pas forcément une sécurité alimentaire. Il y a la question de l’accessibilité. Les familles pauvres réservent la plus grande part de leurs revenus à l’achat de la nourriture et, quand les prix augmentent, cela a un impact terrible », a déclaré Wim Fransen, le chef de bureau de l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) au Niger.
« Il devrait y avoir une diversification et une amélioration de la production alimentaire, de la gestion des ressources naturelles, notamment de l’eau, ainsi qu’une amélioration du système de marché pour une meilleure distribution de la nourriture », a déclaré Vincenzo Galastro, directeur de programme du Fonds international de développement agricole (FIDA) pour l’Afrique occidentale et centrale.
« Le gouvernement nigérien a fait de la sécurité alimentaire une de ses priorités. Nous pensons que c’est une avancée très positive », a-t-il ajouté.
Durabilité
Néanmoins, le Niger a également dû faire face à la crise qui a touché le Mali voisin en envoyant des troupes dans le cadre d’une force de stabilisation d’Afrique de l’ouest et en renforçant la sécurité intérieure, des mesures qui ont des répercussions économiques sur sa stratégie de sécurité alimentaire.
« Le gouvernement a promis d’utiliser la plupart des ressources provenant des [recettes] de l’uranium et du pétrole pour financer le secteur agricole. Malheureusement, le Niger est aussi en proie à des problèmes d’insécurité dus à la guerre au Mali qui mobilisent certaines de ces ressources pour la sécurité », a déclaré M. Diallo. « L’insécurité et la sécurité alimentaire sont les deux grandes priorités du gouvernement ».
À l’instar des stratégies précédentes au Mali, l’initiative 3N pourrait seulement durer tant que le régime qui l’a créée est au pouvoir, mais M. Diallo a affirmé que le gouvernement travaillait sur une législation pour protéger les objectifs d’autosuffisance des changements politiques.
« Nous allons élaborer une politique agricole qui sera adoptée sous forme de loi afin qu’elle soit appliquée même après un changement de gouvernement”, a-t-il expliqué.
Le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) au Niger, Aboubakar Doualé Waïss, a affirmé que la sécurité alimentaire était un problème incontournable pour tous les gouvernements au Sahel, ce qui signifiait que la participation de M. Issoufou à l’initiative 3N ne devait pas limiter le programme à la durée de son mandat.
« Il doit y avoir une forte mobilisation au plus haut niveau du gouvernement. En outre, c’est l’une des politiques pour lesquelles le président a été élu. Il est normal qu’elle soit au cœur de sa stratégie », a déclaré à IRIN M. Waïs.
« Nous sommes convaincus que ce programme continuera quel que soit le nom qu’il lui sera donné. Dans tous les pays du Sahel, la question de la sécurité alimentaire est cruciale. Quels que soient les dirigeants qui accèdent au pouvoir, la sécurité alimentaire et nutritionnelle fera partie des problèmes qu’ils auront à résoudre ».
ob/rz-fc/amz
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2011, le président Mahamadou Issoufou a déclaré : « Comme en témoignent les dernières élections, notre peuple a conquis la liberté politique. Il lui reste maintenant à s’affranchir de la faim ». Quelque 6,4 millions de Nigériens ont souffert de la faim lors de la crise alimentaire au Sahel en 2011-2012.
Un an après, le gouvernement de M. Issoufou a lancé l’initiative 3N appelée « Les Nigériens nourrissent les Nigériens », une stratégie globale touchant l’alimentation, l’environnement, l’énergie et la transformation industrielle, et dont le coût de la phase initiale 2012-2015 est estimé à deux milliards de dollars.
Les organisations humanitaires présentes au Niger soulignent que l’approche proactive prise par le nouveau gouvernement vise à combattre aussi bien l’insécurité alimentaire que la malnutrition, la présentant comme un exemple pour d’autres pays du Sahel menacés par la crise.
Le prédécesseur de M. Issoufou, Mamadou Tandja, qui a été renversé par un coup d’État en février 2010, avait été vivement critiqué pour sa gestion des crises alimentaires dans les années 2000. Certaines critiques ont fait état de son refusd’accepter qu’il existait de graves pénuries alimentaires par fierté et à cause de sa profonde méfiance envers les organisations non gouvernementales (ONG).
La sécheresse s’abat au Niger tous les deux ans. Même pendant une bonne année, une partie de la population reste vulnérable. La sécheresse est la principale menace pour l’agriculture dans notre pays. Elle est responsable de 80 pour cent des pertes en termes de production agricole », a affirmé Amadou Allahoury Diallo, haut-commissaire à l’initiative 3N.
Une tâche gigantesque
Seul 12 pour cent du territoire nigérien est cultivable. Mais avec un taux de croissance de 3,3 pour cent, la poussée démographique du pays compte parmi les plus rapides du monde. La population a doublé de 1988 à 2010, passant de sept millions à 15 millions de personnes, selon les statistiques officielles. Seul un pour cent du territoire (à l’extrême ouest) reçoit plus de 600 mm de pluie par an.
« La production des 3-4 mois de la saison des pluies est ce qui nourrit la population pour les 12 mois de l’année. Cela doit changer », a déclaré à IRIN M. Diallo. « Quatre-vingts pour cent de la population dépend de l’agriculture. Nous n’avons pas d’autre choix que de développer l’agriculture ».
Certains observateurs affirment qu’il sera impossible pour le Niger d’atteindre la sécurité alimentaire à cause de la rudesse du climat, de la pauvreté et de la pression démographique. La liste des objectifs de l’initiative 3N comprend l’adoption de la technologie moderne, la fourniture de graines de meilleure qualité aux agriculteurs, ainsi que des équipements pour améliorer le financement agricole et la gestion du marché.
Le dernier projet n’est pas sans précédent ; les gouvernements nigériens avaient déjà élaboré des stratégies d’autosuffisance par le passé. Cependant, M. Diallo a avancé que la ferme volonté politique du gouvernement de M. Issoufou, de même qu’une meilleure coordination gouvernementale, fait que l’initiative 3N se distingue des stratégies passées.
« Avant, la sécurité alimentaire était plus le fer de lance des partenaires au développement que du parti au pouvoir, et chaque ministère travaillait avec des partenaires différents. Il n’y avait pas de commandement centralisé », a-t-il souligné.
Le Niger est passé de l’état de producteur de nourriture en quantité suffisante, et même d’exportateur de céréales dans les années 1960, à un état de pénuries chroniques dues aux sécheresses récurrentes de plus en plus rapprochées au cours des dix dernières années.
Les invasions de criquets, l’instabilité des prix alimentaires et l’instabilité politique ont aussi contribué à l’insécurité alimentaire dans le pays. Au Niger, comme dans la plupart des régions du Sahel, les prix des céréales de base se situent au-dessus de la moyenne établie sur cinq ans. Le prix du millet, l’aliment de base des foyers nigériens, se situe à 30 pour cent au-dessus de la moyenne établie sur cinq ans, selon le Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine(FEWSNET) qui attribue la cause de cette augmentation à la forte demande de la part des institutions et des autres acheteurs privés.
« De bonnes récoltes ne signifient pas forcément une sécurité alimentaire. Il y a la question de l’accessibilité. Les familles pauvres réservent la plus grande part de leurs revenus à l’achat de la nourriture et, quand les prix augmentent, cela a un impact terrible », a déclaré Wim Fransen, le chef de bureau de l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) au Niger.
« Il devrait y avoir une diversification et une amélioration de la production alimentaire, de la gestion des ressources naturelles, notamment de l’eau, ainsi qu’une amélioration du système de marché pour une meilleure distribution de la nourriture », a déclaré Vincenzo Galastro, directeur de programme du Fonds international de développement agricole (FIDA) pour l’Afrique occidentale et centrale.
« Le gouvernement nigérien a fait de la sécurité alimentaire une de ses priorités. Nous pensons que c’est une avancée très positive », a-t-il ajouté.
Durabilité
Néanmoins, le Niger a également dû faire face à la crise qui a touché le Mali voisin en envoyant des troupes dans le cadre d’une force de stabilisation d’Afrique de l’ouest et en renforçant la sécurité intérieure, des mesures qui ont des répercussions économiques sur sa stratégie de sécurité alimentaire.
« Le gouvernement a promis d’utiliser la plupart des ressources provenant des [recettes] de l’uranium et du pétrole pour financer le secteur agricole. Malheureusement, le Niger est aussi en proie à des problèmes d’insécurité dus à la guerre au Mali qui mobilisent certaines de ces ressources pour la sécurité », a déclaré M. Diallo. « L’insécurité et la sécurité alimentaire sont les deux grandes priorités du gouvernement ».
À l’instar des stratégies précédentes au Mali, l’initiative 3N pourrait seulement durer tant que le régime qui l’a créée est au pouvoir, mais M. Diallo a affirmé que le gouvernement travaillait sur une législation pour protéger les objectifs d’autosuffisance des changements politiques.
« Nous allons élaborer une politique agricole qui sera adoptée sous forme de loi afin qu’elle soit appliquée même après un changement de gouvernement”, a-t-il expliqué.
Le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) au Niger, Aboubakar Doualé Waïss, a affirmé que la sécurité alimentaire était un problème incontournable pour tous les gouvernements au Sahel, ce qui signifiait que la participation de M. Issoufou à l’initiative 3N ne devait pas limiter le programme à la durée de son mandat.
« Il doit y avoir une forte mobilisation au plus haut niveau du gouvernement. En outre, c’est l’une des politiques pour lesquelles le président a été élu. Il est normal qu’elle soit au cœur de sa stratégie », a déclaré à IRIN M. Waïs.
« Nous sommes convaincus que ce programme continuera quel que soit le nom qu’il lui sera donné. Dans tous les pays du Sahel, la question de la sécurité alimentaire est cruciale. Quels que soient les dirigeants qui accèdent au pouvoir, la sécurité alimentaire et nutritionnelle fera partie des problèmes qu’ils auront à résoudre ».
ob/rz-fc/amz
Theme (s): Sécurité alimentaire,
[Cet article ne reflète pas nécessairement les vues des Nations Unies]
Source: IRIN