Depuis le
début des années 2000, on note un retour en force du Sahara sur la scène
politique et médiatique internationale. La région traverse une période
mouvementée, à la fois par son intérêt économique et stratégique
croissant et par une géopolitique régionale trouble du fait des «
printemps arabes », de la chute du colonel Kadhafi et de l’installation
au Mali d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
Dans un numéro spécial de la revue Hérodote , des géographes et économistes de l’IRD et leurs partenaires font le point sur ces bouleversements. Outre les aspects géopolitiques et sécuritaires, ils abordent les mutations économiques, le développement de migrations transsahariennes et la course aux matières premières à laquelle se livrent les grandes puissances de la planète qui, toutes, briguent les richesses de son sous-sol (pétrole, uranium, fer, etc.). À la fois convoité et redouté, le Sahara n’a pas fini d’inquiéter la communauté internationale.
Le temps des caravanes est en partie révolu.
Depuis une dizaine d’années, les projecteurs se tournent régulièrement vers le Sahara, non plus uniquement pour la beauté de ses paysages. Les troubles qui agitent le plus grand désert de la planète inquiètent l’opinion publique et les autorités du monde entier. Dans numéro spécial de la revue Hérodote , des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires synthétisent leurs travaux sur les chamboulements politiques, stratégiques, économiques et sécuritaires à l’oeuvre dans la zone.
Les « printemps arabes » : un séisme géopolitique
Début 2011, un tremblement de terre politique ébranle l’Afrique du Nord : un à un, des régimes longtemps forts sont fragilisés ou s’effondrent. Ces « printemps arabes » auront des conséquences sur les zones saharienne et sahélienne.
En particulier, la chute du régime de Mouammar Kadhafi, à la tête de la Libye depuis 42 ans, va bouleverser la configuration actuelle. Tout au long de son règne, le « guide de la révolution » a mené des politiques d’influence dans l’ensemble de la zone sahélo-saharienne. Il a notamment joué un rôle important dans la création de la Communauté des Etats sahélo-sahariens en 1998, ainsi que dans les rébellions touarègues, à la fois fauteur de troubles et régulateur. A présent, la distribution massive d’armes à laquelle il s’est livré pour lutter contre les insurgés de Benghazi risque d’accroître l’insécurité déjà forte dans la zone : AQMI en a profité pour se procurer des armes lourdes (missiles antiaériens et explosifs), tandis que des Touaregs maliens et nigériens, dont plusieurs centaines ont combattu aux côtés des forces pro-Kadhafi, se sont équipés en armes légères. Dans ces conditions d’insécurité croissante, comment relancer l’activité économique et mettre en place des projets de développement ?
L’économie sous le joug de la mondialisation et des trafics
Le Sahara est traditionnellement une terre d’échanges. Mais le temps des caravanes de sel est en partie révolu. Depuis une dizaine d’années, divers trafics se sont greffés aux mouvements marchands transfrontaliers : des cigarettes d’abord, puis des stupéfiants et des armes.
La zone devient une aire de transit de haschich( 1) en direction des Proche et Moyen-Orient et de cocaïne vers l’Europe. En provenance d’Amérique latine, 15 % de la production mondiale de cette drogue traverse désormais l’Afrique de l’Ouest. Ce trafic se traduit par une accélération des phénomènes d’enrichissement et de corruption, un fractionnement des territoires et une déstructuration des sociétés, les États étant incapables de mettre fin à ces trafics qui impliquent AQMI et de nombreux Touaregs désoeuvrés.
Les contrôles redessinent les frontières
Aux flux marchands transsahariens traditionnels se sont également superposés des mouvements migratoires de grande ampleur depuis l’Afrique de l’Ouest. Bien que seule une petite partie de ces migrants gagnent l’Europe( 2), la lutte contre ces flux de migration s’est intensifiée dès la fin des années 1990 et fait l’objet d’une gestion « concertée » entre l’Afrique et l’Europe. Aujourd’hui, l’Union européenne sous-traite aux pays du Maghreb l’arrêt des migrants et renforce les moyens des États sahéliens pour les aider à mieux contrôler les flux dès leur départ. Résultat : de nouveaux parcours migratoires se dessinent *, les routes se détournant vers l’est, via la Turquie voire l’Ukraine. Des trajets toujours plus longs, onéreux et risqués pour les candidats à l’exil.
La course aux matières premières
Une autre bataille, pacifique cette fois, fait rage au Sahara : la course aux matières premières entre pays du Nord et pays émergents tous intéressés par les richesses du sous-sol saharien. La Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad deviennent des pays courtisés où l’hégémonie française, vieille de plus de cent ans, est battue en brèche par la Chine( 3), l’Inde et les États-Unis. Ainsi, le monopole de la société Areva sur l’exploitation de l’uranium nigérien a pris fin avec l’ouverture d’une nouvelle mine mise en valeur par une société chinoise. De même, dans le domaine pétrolier, des permis de prospection autrefois attribués à des sociétés occidentales le sont à présent à des compagnies chinoises.
Une insécurité grandissante
Les rébellions touarègues des années 1990 et 2000 ont durablement affecté les circulations marchandes et humaines transsahariennes. Avec les trafiquants de cigarettes et de drogue ainsi que l’installation de groupes islamistes au Sahara – tous ces acteurs ayant intérêt à en faire une zone de non droit -, ces révoltes ont instauré un climat d’insécurité qui a notamment anéanti une activité, pourtant prometteuse, comme le tourisme.
Les actions d’AQMI, auparavant limitées à l’Algérie, se sont étendues à la Mauritanie, au Mali et au Niger. Localement, outre l’insécurité générée, elles transforment les pratiques religieuses et sociales des populations, notamment sur le statut de la femme.
En une décennie, le Sahara est devenu une vaste étendue désertique morcelée en une série de territoires et de routes, contrôlés par des acteurs multiples qui font fi des frontières et des pouvoirs étatiques. S’y entremêlent les intérêts des trafiquants en tout genre, des organisateurs des migrations et des groupes terroristes. Au milieu se trouvent des populations démunies et des États incapables de maintenir leur contrôle sans l’aide des puissances étrangères. Agité par de multiples reconfigurations géopolitiques et économiques, le Sahara n’a pas fini de faire parler de lui.
IRD Institut de Recherche pour le Développement
Dans un numéro spécial de la revue Hérodote , des géographes et économistes de l’IRD et leurs partenaires font le point sur ces bouleversements. Outre les aspects géopolitiques et sécuritaires, ils abordent les mutations économiques, le développement de migrations transsahariennes et la course aux matières premières à laquelle se livrent les grandes puissances de la planète qui, toutes, briguent les richesses de son sous-sol (pétrole, uranium, fer, etc.). À la fois convoité et redouté, le Sahara n’a pas fini d’inquiéter la communauté internationale.
Le temps des caravanes est en partie révolu.
Depuis une dizaine d’années, les projecteurs se tournent régulièrement vers le Sahara, non plus uniquement pour la beauté de ses paysages. Les troubles qui agitent le plus grand désert de la planète inquiètent l’opinion publique et les autorités du monde entier. Dans numéro spécial de la revue Hérodote , des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires synthétisent leurs travaux sur les chamboulements politiques, stratégiques, économiques et sécuritaires à l’oeuvre dans la zone.
Les « printemps arabes » : un séisme géopolitique
Début 2011, un tremblement de terre politique ébranle l’Afrique du Nord : un à un, des régimes longtemps forts sont fragilisés ou s’effondrent. Ces « printemps arabes » auront des conséquences sur les zones saharienne et sahélienne.
En particulier, la chute du régime de Mouammar Kadhafi, à la tête de la Libye depuis 42 ans, va bouleverser la configuration actuelle. Tout au long de son règne, le « guide de la révolution » a mené des politiques d’influence dans l’ensemble de la zone sahélo-saharienne. Il a notamment joué un rôle important dans la création de la Communauté des Etats sahélo-sahariens en 1998, ainsi que dans les rébellions touarègues, à la fois fauteur de troubles et régulateur. A présent, la distribution massive d’armes à laquelle il s’est livré pour lutter contre les insurgés de Benghazi risque d’accroître l’insécurité déjà forte dans la zone : AQMI en a profité pour se procurer des armes lourdes (missiles antiaériens et explosifs), tandis que des Touaregs maliens et nigériens, dont plusieurs centaines ont combattu aux côtés des forces pro-Kadhafi, se sont équipés en armes légères. Dans ces conditions d’insécurité croissante, comment relancer l’activité économique et mettre en place des projets de développement ?
L’économie sous le joug de la mondialisation et des trafics
Le Sahara est traditionnellement une terre d’échanges. Mais le temps des caravanes de sel est en partie révolu. Depuis une dizaine d’années, divers trafics se sont greffés aux mouvements marchands transfrontaliers : des cigarettes d’abord, puis des stupéfiants et des armes.
La zone devient une aire de transit de haschich( 1) en direction des Proche et Moyen-Orient et de cocaïne vers l’Europe. En provenance d’Amérique latine, 15 % de la production mondiale de cette drogue traverse désormais l’Afrique de l’Ouest. Ce trafic se traduit par une accélération des phénomènes d’enrichissement et de corruption, un fractionnement des territoires et une déstructuration des sociétés, les États étant incapables de mettre fin à ces trafics qui impliquent AQMI et de nombreux Touaregs désoeuvrés.
Les contrôles redessinent les frontières
Aux flux marchands transsahariens traditionnels se sont également superposés des mouvements migratoires de grande ampleur depuis l’Afrique de l’Ouest. Bien que seule une petite partie de ces migrants gagnent l’Europe( 2), la lutte contre ces flux de migration s’est intensifiée dès la fin des années 1990 et fait l’objet d’une gestion « concertée » entre l’Afrique et l’Europe. Aujourd’hui, l’Union européenne sous-traite aux pays du Maghreb l’arrêt des migrants et renforce les moyens des États sahéliens pour les aider à mieux contrôler les flux dès leur départ. Résultat : de nouveaux parcours migratoires se dessinent *, les routes se détournant vers l’est, via la Turquie voire l’Ukraine. Des trajets toujours plus longs, onéreux et risqués pour les candidats à l’exil.
La course aux matières premières
Une autre bataille, pacifique cette fois, fait rage au Sahara : la course aux matières premières entre pays du Nord et pays émergents tous intéressés par les richesses du sous-sol saharien. La Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad deviennent des pays courtisés où l’hégémonie française, vieille de plus de cent ans, est battue en brèche par la Chine( 3), l’Inde et les États-Unis. Ainsi, le monopole de la société Areva sur l’exploitation de l’uranium nigérien a pris fin avec l’ouverture d’une nouvelle mine mise en valeur par une société chinoise. De même, dans le domaine pétrolier, des permis de prospection autrefois attribués à des sociétés occidentales le sont à présent à des compagnies chinoises.
Une insécurité grandissante
Les rébellions touarègues des années 1990 et 2000 ont durablement affecté les circulations marchandes et humaines transsahariennes. Avec les trafiquants de cigarettes et de drogue ainsi que l’installation de groupes islamistes au Sahara – tous ces acteurs ayant intérêt à en faire une zone de non droit -, ces révoltes ont instauré un climat d’insécurité qui a notamment anéanti une activité, pourtant prometteuse, comme le tourisme.
Les actions d’AQMI, auparavant limitées à l’Algérie, se sont étendues à la Mauritanie, au Mali et au Niger. Localement, outre l’insécurité générée, elles transforment les pratiques religieuses et sociales des populations, notamment sur le statut de la femme.
En une décennie, le Sahara est devenu une vaste étendue désertique morcelée en une série de territoires et de routes, contrôlés par des acteurs multiples qui font fi des frontières et des pouvoirs étatiques. S’y entremêlent les intérêts des trafiquants en tout genre, des organisateurs des migrations et des groupes terroristes. Au milieu se trouvent des populations démunies et des États incapables de maintenir leur contrôle sans l’aide des puissances étrangères. Agité par de multiples reconfigurations géopolitiques et économiques, le Sahara n’a pas fini de faire parler de lui.
IRD Institut de Recherche pour le Développement