Le Niger vient de commencer sa production pétrolière.
Est-ce vraiment une chance pour ce pays qui est l’un des plus pauvres du
continent?
Le Niger vient de commencer la production du pétrole sur son
territoire avec le concours d’une société chinoise. C’est une bien
heureuse nouvelle pour ce pays classé parmi les plus pauvres au monde et
qui traîne comme un boulet sa sécheresse et ses famines à répétition.
C’est connu: le pétrole est depuis des lustres, une denrée prisée.
Beaucoup de pays qui en exportent, possèdent une énorme richesse. On en
veut pour preuve les pays du Golfe dont on ne finit pas d’entendre
parler des pétrodollars. Vive donc l’or noir! Avec cette production et
l’exportation qui s’ensuivra, le pays va engranger des devises pour
mieux réaliser des investissements.
Se doter d’un système efficace de contrôle de cette production
Les conditions de vie des populations devraient, par voie de conséquence, connaître une amélioration. En tout état de cause, la famine dont le spectre hante chaque année les esprits dans ce pays désertique,
ne devrait être bientôt qu’un lointain souvenir. C’est donc un
euphémisme de dire que cette production de pétrole est une bénédiction
pour le Niger. Seulement, l’espoir que suscite la mise en route de cette
exploitation ne doit pas cacher les risques potentiels qu’elle
comporte. Les leaders nigériens doivent travailler à ce que cette manne
soit vraiment profitable à tout le pays et aux populations dans leur vie
quotidienne. En cela, il faut saluer la vision des autorités du pays,
qui ont intégré le volet raffinage dans le processus d’exploitation de
ce pétrole.
Ce n’est pas tous les jours qu’en Afrique, on se préoccupe d’ajouter de la valeur aux produits avant leur exportation. Comme on le voit si bien dans beaucoup d’Etats africains,
hélas, les ressources naturelles sont très souvent à l’origine de
conflits sanglants, en raison de leur mauvaise gestion par les tenants
du pouvoir. Le pétrole n’échappe pas à la règle. La violence dans le Delta du Niger, révélatrice des difficultés,
du désordre entourant la gestion de l’or noir au Nigeria, est très
illustrative en la matière. Gare donc à la « malédiction de l’or noir »!
L’opposition doit ouvrir l’oeil et le bon
La seule potion qui vaille la peine est la bonne gouvernance. Il faut
une bonne redistribution des revenus issus de l’exploitation de ce
pétrole en faveur des populations. Pour cela, il importe de commencer
par bien négocier les contrats avec le concessionnaire chinois. Le Niger
devra éviter à tout prix ces contrats léonins qu’on rencontre ça et là
en Afrique, et qui ont pour conséquence la dilapidation des ressources
des pays au profit de puissances extérieures, moyennant quelques
pots-de-vin et dessous de table au profit des dirigeants qui se vautrent
dans le luxe pendant que les populations manquent du minimum vital.
Les concessionnaires, dans ce genre de situations, ont certes le
droit de réaliser des bénéfices, mais cela ne devrait pas être au
détriment du pays et de ses populations. Il est également impératif que
les Nigériens se dotent d’un système efficace de contrôle de cette
exploitation, pour suivre le processus de bout en bout de sorte que
chaque goutte de pétrole soit comptabilisée comme il se doit. On peut
espérer que le Niger disposera de la compétence et de l’expertise au
sommet pour défendre efficacement ses intérêts à ce niveau. Le chef de
l’Etat lui-même étant un diplômé des mines. Il est de notoriété publique
que le pétrole suscite bien des convoitises et aiguise des appétits
insoupçonnés.
Le gouvernement nigérien ne doit laisser aucune chance aux rumeurs et suspicions.
En plus de la nécessité de conclure des contrats équitables avec ses
partenaires et de suivre de près le respect des clauses, il faut qu’il
fasse de la transparence dans la gestion de la chose publique, notamment
des industries extractives, son cheval de bataille. Pour ce faire, il
serait bien inspiré de mettre en place une stratégie d’information et de
communication autour des données de cette exploitation pétrolière.
En d’autres termes, il doit s’employer à rendre l’information non
seulement disponible, mais aussi vérifiable par des sources
indépendantes. Cela aura l’avantage certain de dissiper d’éventuels
malentendus et pourra contribuer à éviter des agitations
contreproductives dans le pays, autour de ce pétrole.
L’opposition politique et la société civile nigériennes se doivent également d’ouvrir l’œil et
le bon. Elles doivent jouer à fond leur partition par une critique
constructive. Et comme on le sait si bien, la vue de l’or, fût-il noir,
peut « faire tourner la tête » aux dirigeants. C’est pourquoi les autres
acteurs de la société nigérienne doivent veiller à les recadrer si
besoin est, avec objectivité, mais avec force conviction. La société
civile qui est déjà montée au créneau pour exiger la renégociation du
contrat avec la société chinoise dans le sens de garantir les intérêts
du Niger, est dans son bon droit, et prouve, si besoin en était encore,
qu’elle est vigilante et engagée comme elle l’a déjà démontré face aux
velléités de règne sans fin de Mamadou Tandja. En somme, il faut que
tous les Nigériens, le pouvoir exécutif en tête, œuvrent à asseoir un
consensus national autour de la gestion de ce pétrole afin qu’il soit
plus profitable aux populations que l’uranium, hélas, ne l’aura été
jusque-là.