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1 avr. 2013

L’après-conflit au Mali

Alors que la France prévoit le retrait de ses troupes le mois prochain, des questions difficiles se posent pour le Mali et ses alliés africains, européens et internationaux. La France a pris les rênes sur place et a peut-être par la même touché un nerf colonial sensible, tant pour les Français que pour les Africains. Et qu’en est-il de l’après-conflit ? Qui prendra les rênes de celui-ci au moment où maintenir les cellules terroristes au loin est peut-être plus difficile encore que l’intervention militaire en elle-même?
Au-delà de la puissance coercitive, une solution à long terme devra passer par à un réel développement politique et sociétal du pays. Ceci est bien sûr plus facile à dire qu’à faire.

Le conflit au Mali a attiré un nouveau regard international sur un problème profond de longue date. Si le regard de la communauté internationale reste centré sur le Mali, les chances de trouver une solution collective et à long terme sont accrues.
La situation fragile au Mali n’a rien de nouveau. Depuis plus de dix ans il existe une grande inquiétude quant à la stabilité politique du pays et à son manque de développement. Quand le Mali est entré dans un véritable état de crise l’année dernière alors que son Président Amadou Toumani Toure était évincé, le manque de contrôle de l’état dans certaines régions et l’avancée de groupes terroristes sur Bamako ont mené les forces de sécurité françaises à considérer qu’il existait une menace réelle pour la sécurité du Mali, mais également pour la région dans son ensemble. En effet, nous parlons du problème global du contrôle du trafic dans des régions sous-développées, qu’il s’agisse de circulation illicite d’armes, mais également de drogues et d’êtres humains.
Le mouvement unilatéral (et peut-être quelque peu surprenant) de la France a propulsé ce problème sur le devant de la scène. Mais maintenant que l’intervention militaire arrive à son terme, la situation au Sahel commencerai-t-elle à se dégrader à nouveau? Au-delà du soutien militaire, La France, l’Europe et la communauté internationale fourniront-elles les outils de précision nécessaires à la promotion d’un véritable changement et d’un développement à long terme?
Le rôle de la France et de l’Europe : Comprendre le paradoxe malien
Sous Nicolas Sarkozy comme sous François Hollande, la France a toujours déclaré sa volonté de se tenir à l’écart de son passé colonial, mais s’est néanmoins sentie obligée d’intervenir sur le continent africain en situations de crise. La différence claire entre l’opération Licorne en Côte d’Ivoire sous Nicolas Sarkozy et l’Opération Serval au Mali sous François Hollande est l’acceptation générale de la légitimité de cette dernière.
Alors que tous regrettent qu’une solution plus locale (Malienne/Africaine) ou internationale (Nations Unies/Union Européenne) n’ait pu être trouvée, de manière générale, la population française et la population locale ont toutes deux accueilli l’arrivée des troupes françaises sur le sol malien. Contrairement à la situation en Côte d’Ivoire, la France n’a que peu d’intérêts commerciaux au Mali, ce qui lui a permis de souligner la dimension humanitaire de cette initiative. De plus, tous ceux qui étaient conscients de la détérioration de la situation voyaient d’un bon œil que des mesures soient enfin prises.
Il est important cependant de ne jamais prendre ce genre d’actions au pied de la lettre. Alors que l’intervention des troupes françaises a en effet été bien accueillie, la réalité de la guerre reste très sombre dans des zones d’une pauvreté extrême et abandonnées. En ce qui concerne la légitimité de la France, il est important de se souvenir que le gouvernement malien est né d’un coup d’état. Comment alors tirer une part de légitimité d’un gouvernent brisé et anti-démocratique ?
Nous faisons donc face à un paradoxe. La France était réticente à intervenir, mais elle a néanmoins réussi à justifier ses actions aux yeux de la communauté internationale. Elle a clairement identifié la valeur ajoutée de cette intervention militaire, qui permet de sortir le Mali d’une impasse et permet à la France de sortir grand vainqueur. Nous pourrions même ajouter que si un quelconque intérêt commercial est en jeu au Mali, la machine militaire française pourrait le renforcer, surtout face aux nouvelles restrictions budgétaires de la défense.
En revanche, la situation pour l’Union Européenne est inversée. Alors que certains considèrent que la France a pris les reines au Mali, on peut également considérer que François Hollande a fait preuve de force unilatérale. L’Europe, de son côté, a toujours préféré une démarche plus globale dans ses relations avec l’Afrique, avec pour objectif le maintien de la paix, le développement, et la démocratisation.
L’Union Européenne a déjà soutenu activement la perspective de croissance, en lançant des projets de gouvernance et des opérations de soutien à la sécurité au Niger et en Afrique de l’ouest en général. L’Europe fait donc face à un paradoxe : alors qu’elle aussi a été active et présente au Mali, les médias ont tendance à dire que ‘L’Europe est absente’ ou que ‘la France agit seule car l’Europe a été inefficace’.
Le problème est que la puissance douce et les projets de développement n’attirent pas forcément l’attention du grand public. Le développement n’est pas un ‘évènement’ ou un ‘produit fini’ dont on peut parler. Pour aller plus loin, la paix en elle-même n’est pas nécessairement un ‘évènement’ quand la guerre fait les gros titres de tous les journaux. Ainsi, la démarche générale de l’Europe qui œuvre pour un développement à long terme ne se concrétise pas en une politique concrète qui peut être mise en avant.
La démarche européenne pourrait venir compléter l’intervention militaire française, en ajoutant, à l’efficacité à court terme de la guerre, l’efficacité à long terme du développement. Les défis sont immenses dans cette région alors que le Mali continue d’être un des pays dont l’indice de développement humain est au plus bas. Cependant, il est possible que la France ait généré un certain sentiment de rancune chez certains états membres de l’UE en agissant de manière unilatérale et en démontrant sa puissance militaire.
La sécurité est une condition préalable fondamentale au développement. En ce sens, il est bon d’avoir ce genre d’enchainement où l’intervention militaire mène à des projets de développent. La coopération internationale sera la meilleure voie pour le développement du Mali. Quand des fonds seront nécessaires, des réunions internationales pour les soulever seront tenues à Bruxelles. Certains pourraient néanmoins sentir que l’UE doit maintenant payer pour les pots que la France a cassés. Il n’est pas infondé que certains pays perçoivent cette intervention comme une opération précipitée qu’ils n’ont pas soutenue. Ils sont maintenant réticents à coopérer et défendent de manière assez légitime d’ailleurs, qu’ils ne comprennent pas ou ne soutiennent pas pleinement ce qui se déroule. C’est une épée à double tranchant.
Sur le chemin du développement
Les problèmes de développement auxquels fait face le Mali sont des problèmes significatifs. Si un gouvernement légitime doit être élu, des changements profonds et fondamentaux doivent d’abord se faire au sein du système électoral. La classe politique de Bamako doit également porter son regard au-delà de la capitale. Pour l’heure, Bamako n’impose pas son autorité dans les autres parties du territoire, et c’est là que réside la principale cause de la menace terroriste.
Nous pouvons nous demander le rôle que jouera la France maintenant. Quand il n’existe pas d’intérêt commercial clair pour les pouvoirs internationaux, il y a une tendance à laisser les problèmes politiques et sociétaux du continent africain s’envenimer. D’autres conflits au Sahel ont été laissés à l’abandon depuis des décennies, ce qui pourrait à nouveau représenter une menace pour le Mali après le retrait des troupes françaises.
Afin d’avancer, je pense que la France devrait adopter une stratégie différente : elle doit combattre la stigmatisation de l’intervention de l’Union Européenne. Les médias ont joué un rôle important dans la description du pouvoir français comme étant efficace et de la puissance douce de l’Europe comme étant inefficace. Cette perception est à la fois fausse et dangereuse : cela pourrait potentiellement isoler la France d’une part, et peut-être même avoir l’effet inverse et repousser l’UE en dehors du Mali.

http://www.huffingtonpost.fr/cristina-barrios/lapresconflit-au-mali_b_2969473.html?utm_hp_ref=france

«La population de Kidal vit dans la crainte des exactions»

Benoît Schaeffer, photojournaliste,Marie Casadebaig-RFI
Benoît Schaeffer est un photojournaliste indépendant. Habitué des terrains de conflit, il s’est notamment rendu en Somalie et en Irak. Il revient du nord du Mali où il a vécu près de deux semaines en immersion totale avec la communauté touarègue de Kidal. Il raconte au micro de Marie Casadebaig.
Deux habitantes de Kidal, le 7 août 2012.
Deux habitantes de Kidal, le 7 août 2012.
AFP PHOTO / ROMARIC OLLO HIEN
RFI : On dit beaucoup de la guerre dans le nord du Mali que c’est une guerre sans images. Pour cause : il est difficile pour un journaliste étranger d’accéder au terrain autrement qu’en circulant avec l’armée française. Dans notre jargon, on dit que c’est être « embedded ». Et vous, Benoît Schaeffer, vous ne l’étiez pas du tout. Vous êtes arrivé tout de même à travailler à Kidal. Comment s’organisait cette mission ?
Benoît Schaeffer : A défaut d’être « embedded » avec les Français, où effectivement, on peut aller sur une base pendant quelques heures, passer quelques jours et repartir ensuite sans n’avoir aucun contact avec la population, j’ai fait le choix de partir là-bas parce qu’on disait beaucoup de choses et je ne voyais pas d’images. J’ai donc fait un gros travail documentaire de quinze jours, trois semaines, voire plus. J’ai pris des contacts divers et variés qui m’ont effectivement permis, à partir d’un pays limitrophe, de me rendre sur place, à Kidal.
Le statut de la ville de Kidal est un peu spécial. L’armée malienne n’y est pas. C’est un fief du MNLA. Il y a aussi une base de l’armée française, il y a aussi une base de l’armée tchadienne. Qui a vraiment autorité à Kidal ?
Je pense que ceux qui ont autorité, c’est effectivement le volet politique du MNLA, donc le CTEA, le Conseil de transition de l’Etat de l’Azawad. Il est appuyé par une branche armée, qui effectivement, s’est dispatché un certain nombre de rôles, notamment celui de police. Pendant que j’y étais, ils venaient de créer aussi une gendarmerie.
On pourrait imaginer que ce sont toutes des troupes de « va-nu-pieds ». C’est vrai que les images que j’ai pu réaliser montrent des types en tongs, pour certains, ou portant des uniformes complètement disparates et des armes qui sont vieilles comme Mathusalem. Il n’en reste pas moins qu’ils sont encadrés par des anciens militaires de l’armée malienne, qui sont en réalité ceux qui ont été intégrés dans les années 93-96.
Vous avez eu l’occasion aussi de rencontrer leurs prisonniers, issus des groupes islamistes qui occupaient Kidal.
Etonnamment très jeunes pour la plupart. Certains n’avaient pas plus de 13 ans. Ce qu’il en ressort, c’est que la plupart sont des bergers, des gens qui auraient été – ce n’est pas du tout ce qu’on a entendu jusqu’à maintenant – attirés par la potentialité de gagner des sous. J’ai rencontré un certain nombre de personnes qui touchaient, pour certains, 65 000 francs CFA par mois, d’autres 30 000, etc. La motivation, « religieuse » n’est donc pas du tout avérée pour un certain nombre d’entre eux. Les frappes françaises ont par ailleurs semé un total désordre et beaucoup de leurs chefs, pour ne pas dire la totalité, s’ils n’ont pas été tués, ont fui et les ont laissés sur place.
On parle beaucoup d’exactions à l’encontre des peuples touaregs et arabes. Qu’est-ce que vous avez pu voir de cela ? Qu’est-ce que vous avez pu entendre ?
Lorsque j’étais en train de discuter avec certains membres de ce mouvement, j’ai vu qu’ils recevaient en direct sur leurs portables le nom des personnes qui avaient été arrêtées – certaines d’entre elles avaient été tuées – et le lieu exact des exactions.
Ainsi, à Dourou, un patriarche de 70 ans a été arrêté. Ensuite, avec quelques unes des personnes de sa famille, on l’a emmené vers le puits. Non pas pour spécialement jeter les gens dedans, ce qui est malheureusement souvent le cas, mais parce qu’à cette période de l’année tout le monde se retrouve autour du puits. Et donc comme ça, ils sont assurés d’arrêter beaucoup de gens.
Et à deux reprises, j’ai été effectivement témoin, non pas d’exactions, mais de messages qui étaient transmis du terrain, et en particulier de la région de Gourma. C’est là qu’un colonel connu de l’armée malienne aurait eu lui-même quelques soucis avec ses propres hommes qui l’auraient arrêté il y a quelques mois en raison de ses agissements et des exactions qu’il aurait commises. Il aurait effectivement tué un certain nombre d’enfants qu’il aurait entravés et jetés dans un puits d’In Tilit.
Et ça, c’est une inquiétude constante dans la population à Kidal ou pas ?
Permanente. Au-delà de la crainte de l’attentat et évidemment de la reprise de la ville par des terroristes, des narcotrafiquants, la vraie crainte c’est celle de voir l’armée malienne et certains de ses membres venir commettre à nouveau des exactions. Et ça, on ne peut pas le nier. En tout état de cause, tous les Touaregs me l’ont toujours dit : « On a une confiance absolue dans l’armée française ! »
Mais ils ont aussi une absolue confiance dans l’armée française et dans le gouvernement, pour trouver, ou en tout cas pour les aider à trouver, une solution ferme, définitive et durable pour le nord du Mali.

 http://www.rfi.fr/afrique/20130331-mali-kidal-mnla-touaregs-exactions-armee  

29 mars 2013

Chants des dunes  à Niamey – 5 avril prochain

Le 5 avril se tiendra à Niamey  un concert exceptionnel réunissant une grande partie des principaux artistes Touaregs, qu’ils soient du Mali (Tinariwen, Tamikrest), du Niger (Abdallah Oumbadougou, Etran Finatawa, Bambino, Hasso, Mouma Bob, Hamid Ekawel), d’Algérie (Nabil Othmani) ou d’Europe (Atri n’Assouf, Kel Assouf).

Le concert commencera à 20h le 5 avril et se tiendra au Palais du 29 juillet.
Le concert sera suivi le 6 avril de la conférence « Le chant de la paix » des Global Shapers sur l’implication des jeunes pour le dialogue interculturel et la promotion de la paix.

Pour plus d’infos : www.temet-evenements.com

26 mars 2013

Casques bleus au Mali: réunion des chefs militaires ouest-africains à Yamoussoukro

Les chefs d’Etat-major de la force africaine déployée au Mali (Misma) sont réunis depuis lundi à Yamoussoukro (centre) pour « garantir » un succès au projet de transformation à terme de la Misma en une « mission de paix », capable de « recourir à la force ».
« Nous sommes là pour apprécier la situation et faire des recommandations appropriées afin de garantir un succès au passage de la Misma en une mission des Nations unies », a déclaré le Général ivoirien Soumaïla Bakayoko, à l’ouverture de la réunion prévue pour durer deux jours.
« Ce ne sera pas une mission de paix classique. Qu’on nous permette cette fois-ci d’utiliser la force réellement », a plaidé le général Bakayoko, chef des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).
« Cette réunion marquera un tournant dans la résolution de la crise au Mali. Nous demeurons convaincus qu’avec une telle mobilisation de la communauté internationale, le Mali retrouvera une paix durable », a souligné de son côté le ministre ivoirien délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi.
Outre les chefs militaires ouest-africains, les généraux Babacar Guèye (conseiller militaire du secrétaire général de l’Onu), Grégoire de Saint-Quentin (commandant de l’opération Serval) et Brahim Sehid Mahamat (chef d’état-major de l’armée tchadienne) participent à cette rencontre.
Les dirigeants d’Afrique de l’Ouest ont apporté fin février leur soutien au projet de transformer à terme la Misma, en une mission de paix de l’ONU.
Le sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l’ONU Edmond Mulet, avait déclaré à la mi-mars que l’Onu tablait sur la « présence complète » de sa « mission de stabilisation » au Mali en juillet pour remplacer la mission africaine Misma et le gros de l’armée française.

La Misma déploie actuellement au Mali environ 6.300 soldats d’Afrique de l’Ouest et du Tchad, auxquels s’ajoutent quelque 4.000 soldats français.

Elle pourrait mobiliser au total jusqu’à 10.000 hommes. Aux forces africaines actuellement dans la Misma qui inclut depuis peu le contingent tchadien, pourraient s’ajouter d’autres unités, notamment burundaises et mauritaniennes.

L’idée est d’installer la base principale et logistique de cette mission de stabilisation dans le nord du pays, à Gao, avec une « présence politique et minimale à Bamako ».

http://maliactu.net/casques-bleus-au-mali-reunion-des-chefs-militaires-ouest-africains-a-yamoussoukro/

23 mars 2013

Exode dans le nord du Mali où on redoute des représailles

Laurent Prieur-Nouvel Observateur- 22-03-2013 à 21h50 

MBERA, Mauritanie (Reuters) – La crainte de représailles de la part des troupes maliennes a entraîné un exode des populations arabe et touarègue du nord du pays vers la Mauritanie.
Au moins 20.000 civils sont venus grossir les effectifs du camp de réfugiés de Mbera depuis le 11 janvier, date à laquelle les forces françaises sont intervenues pour aider l’armée locale à chasser les mouvements islamistes qui s’étaient emparés de la région et menaçaient Bamako.
Cinquante-quatre mille Maliens avaient déjà franchi la frontière lorsque les djihadistes, d’abord alliés des Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), à l’origine de l’offensive, ont pris le Nord et y ont imposé la charia.
Dans le camp de Mbera, où les tentes de fortune s’étalent à perte de vue sous le soleil du Sahara, rares sont ceux qui songent à regagner leur pays, malgré la déroute des islamistes. Arabes et Touaregs, que la majorité noire assimile désormais à la guérilla, ne s’y sentent plus en sécurité.
« Des gens innocents sont arrêtés, tués et jetés au fond des puits. C’est inhumain », s’indigne Rissa Ag Cheibani, un chef local qui a fui la région de Tombouctou. Comme beaucoup de pensionnaires du camp, il dit avoir entendu parler d’exécutions sommaires, mais n’en a pas été témoin.
Amnesty International et Human Rights Watch ont signalé plusieurs dizaines de cas, mais on ignore l’étendue exacte du phénomène, qui fait l’objet d’une enquête de l’Onu.
Des exactions imputés à l’armée malienne sont par ailleurs signalées quotidiennement, mais elles sont impossibles à vérifier.
PAS DE PAIX SANS DIALOGUE
Beitna Ould Cheikh, un éleveur touareg, dit être sans nouvelles de son frère, arrêté début février par les forces gouvernementales sur la Route du Sel, voie d’échange historique entre Tombouctou et Taoudéni.
Le gouvernement intérimaire formé après le coup d’Etat de mars 2012 a fait savoir qu’il ne tolérerait aucune représaille et quatre militaires ont été rappelés à Bamako.
L’exode a toutefois rappelé l’existence de lignes de fracture profondes dans une société malienne dont la cohésion sera difficile à restaurer avant les élections législatives et présidentielle de juillet.
Les arrivées sont aujourd’hui moins nombreuses qu’en janvier à Mbera, mais beaucoup prennent encore chaque jour le risque de se lancer dans le périlleux voyage qui y mène. Arrivé à Fassala, du côté malien de la frontière, ils patientent des heures au soleil pour être enregistrés et obtenir un place dans le camp.
« Ça vaut la peine quand on pense à ce qui aurait pu arriver si on était restés. On ne peut plus aller dans les zones urbaines où on vend notre bétail et où on achète des choses », explique Ahmed, Touareg de Niafunké, arrivé avec une vingtaine d’autres réfugiés.
Un organisme a été mis sur pied pour oeuvrer à la réconciliation entre des communauté dont la rivalité remonte beaucoup plus loin que le dernier conflit, mais nombreux sont ceux qui redoutent le départ des forces françaises, qui doit débuter fin avril.
« Nous pensions que le problème serait résolu parce que la France allait contraindre le gouvernement à écouter le Nord. Sans dialogue entre tous les groupes ethniques du Nord, il n’y aura pas de paix », assure Ahmedou Ag Elboukhary, un chef de tribu qui a fui Léré.

Jean-Philippe Lefief pour le service français,http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130322.REU0314/exode-dans-le-nord-du-mali-ou-on-redoute-des-represailles.html

Appel à moins d’indifférence à l’égard de l’éducation d’urgence au Mali

Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies
DAKAR, 18 mars 2013 (IRIN) – Les travailleurs humanitaires et les experts appellent à accorder davantage d’attention à l’éducation au Mali, où 200 000 enfants ne sont pas scolarisés à cause de la crise et où le financement de projets d’éducation d’urgence se fait toujours attendre.
Alors que la plupart des écoles du nord du Mali sont fermées ou manquent d’enseignants et que des milliers d’enfants risquent de perdre deux ans de scolarité, les bailleurs de fonds ont encore une fois relégué l’éducation au second plan pour se concentrer sur ce qu’ils considèrent être des activités plus vitales.
L’appel humanitaire de 2013 pour le Mali demande 18 millions de dollars pour financer les activités d’éducation d’urgence de cette année. Jusqu’à présent, aucune promesse de don n’a été faite. L’appel de 36 millions de dollars pour l’ensemble du Sahel (qui comprend celui pour le Mali) n’a reçu aucune annonce de contribution non plus.
Dans le cadre des appels d’urgence de l’année dernière pour le Mali, le Tchad et la Mauritanie, l’éducation d’urgence n’avait été financée qu’à hauteur de 6,4 pour cent, 14,5 pour cent et 0 pour cent respectivement.
L’UNICEF est parvenu à tirer près de trois millions de dollars dans d’autres sources de financement pour ses activités d’éducation d’urgence.
« La plupart des bailleurs de fonds se sont rétractés après la crise [de 2012]. Nous essayons toujours de rassembler autant de financements que possible », a dit à IRIN Euphrates Gobina, responsable éducation de l’UNICEF au Mali.
Les défenseurs de l’éducation d’urgence ont tenté pendant des années de mobiliser davantage de moyens et de faire connaître l’importance des activités éducatives dans les interventions d’urgence. Des progrès ont été réalisés, notamment la mise en œuvre des normes minimales pour l’éducation dans les situations d’urgence, mais il est souvent difficile d’obtenir des financements.
Seulement 0,9 pour cent des fonds humanitaires reçus en 2012 dans le monde étaient destinés à l’éducation.
Une école secondaire à Mopti, où les enfants déplacés suivent des cours de rattrapage
Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), des dizaines d’écoles du nord du Mali ont été détruites, pillées, contaminées par des munitions non explosées ou ont tout simplement fermé. L’organisation estime que l’éducation de 700 000 enfants a été interrompue par la crise dans l’ensemble du Mali.
Dans le Nord, environ cinq pour cent des écoles ont rouvert à Tombouctou, quelques-unes à Kidal et un peu plus à Gao. Fin février, seulement 28 pour cent des enseignants auraient repris le travail dans cette partie du pays, selon l’UNICEF.
De nombreux enseignants ont trop peur de retourner dans le Nord et les écoles du Sud, déjà en sureffectif, ne peuvent pas faire face à l’afflux d’élèves.
« L’année scolaire compte trois semestres. Si vous perdez quatre mois, vous perdez l’année », a averti Youssuf Dembélé, qui enseigne aux déplacés du Nord-Mali dans la ville de Mopti, au centre du pays. Débordées, les écoles reçoivent rarement des financements, a-t-il dit. « C’est trop chaotique, pas assez organisé. Ils disent que l’argent va arriver, mais ce n’est jamais le cas. »
Décalage
Le problème est que, en situation d’urgence, l’éducation est prioritaire pour les parents et les enfants, mais pas pour les bailleurs de fonds. La crise de 2012 au Sahel était considérée comme une crise de la sécurité alimentaire et de la nutrition et des secteurs estimés comme ne présentant pas un lien direct comme l’eau et l’assainissement, la santé et l’éducation ont été négligés.
« Les parents sont demandeurs [d’éducation] », a dit Lori Heninger, directrice du réseau international pour l’éducation en situations d’urgence (INEE). « Les sécheresses sont des phénomènes qui évoluent en général lentement et qui ne vont pas disparaître. Comment peut-on dire aux populations touchées par des sécheresses chroniques que nous allons leur donner de la nourriture, de l’eau et des abris ? Que cela signifie-t-il pour le développement de l’enfant et de la société en général ? »
« S’il existe un moyen d’apprendre à faire bon usage des terres dans un contexte aussi évolutif, cela ne peut se faire que par l’éducation », a-t-elle ajouté.
De nombreuses données probantes ont été réunies au fil des ans pour démontrer l’importance de la scolarisation pour ces enfants, que ce soit pour leur bien-être psychosocial, pour les protéger lors des crises ou pour permettre à leurs parents de rebâtir une vie normale pendant qu’ils sont à l’école. Ces données semblent cependant n’avoir eu qu’un impact marginal dans les crises à long terme comme celle du Sahel.
« Cela change lentement », a dit Mme Heninger, « mais étant donné que 80 pour cent de ce que nous appelons des crises sont par nature de longue durée, le fait que seulement 0,9 pour cent du budget humanitaire de l’année dernière ait été alloué à l’éducation est assez effroyable ».
Un secteur déjà en difficulté avant la crise
Alors qu’une aide immédiate est nécessaire pour sauver l’année scolaire des élèves maliens, les financements à long terme destinés à l’éducation au Mali ont fortement diminué depuis que les bailleurs de fonds ont coupé leurs aides financières en réponse au coup d’État de mars 2012.
Masa Mohamed, une enseignante de Tombouctou
D’importants donateurs, dont la Commission européenne, les États-Unis, les Pays-Bas et le Canada, ont interrompu leur soutien au gouvernement après le coup d’État. La moitié du budget alloué à l’éducation en 2012 était financé par les bailleurs de fonds.
Certains pays donateurs, comme les Pays-Bas, ont tenté de trouver une manière de ne pas interrompre leur aide en versant les fonds à des organisations non gouvernementales (ONG) plutôt qu’au ministère de l’Éducation. L’Agence canadienne de développement international a redirigé une partie de ses financements destinés aux fournitures scolaires directement à l’UNICEF.
Depuis que le gouvernement malien a adopté, en janvier 2013, une feuille de route pour la transition, de nombreux bailleurs de fonds, dont la Commission européenne, ont repris leur versement de l’aide en faisant de l’éducation leur priorité. Mais de graves insuffisances subsistent.
« Avant la crise, le système éducatif malien était déjà en proie à des difficultés », a dit M. Gobina, de l’UNICEF. « Déjà surchargées, de nombreuses écoles ont dû accueillir des enfants déplacés. Le nombre d’élèves par classe a considérablement augmenté. Les fournitures scolaires sont insuffisantes. L’infrastructure n’était tout simplement pas prête pour ce genre d’urgences. »
Selon M. Gobina, la leçon à retenir pour l’avenir, c’est qu’il faut intégrer l’éducation d’urgence à la planification du secteur de l’éducation dans son ensemble, surtout dans les pays exposés aux crises.
Éducation des réfugiés
Le manque de financement pour l’éducation d’urgence décourage les nombreux enseignants qualifiés qui donnent cours bénévolement à leurs anciens élèves dans des écoles de fortune.
Masa Mohamed, de Tombouctou, enseigne à beaucoup de ses anciens élèves dans une école du camp de réfugiés de Mbéra, dans l’est de la Mauritanie. Mais il y a de grandes différences : avant, elle avait 30 élèves par classe et maintenant, elle en a jusqu’à 100. « Nous n’avons pas assez d’enseignants. Nous n’avons pas assez d’écoles. Nous nous contentons de faire cours dans une tente. Il n’y a pas de tables et c’est très difficile ». L’ONG Intersos lui verse une faible rémunération, mais la plupart des enseignants ne sont pas payés.
Ahmed Ag Hamama était directeur d’école à Tombouctou. Son ancienne école a rouvert, a-t-il dit, mais il n’y a plus d’élèves ni d’enseignants. Les 400 anciens élèves de son école sont à Mopti, Ségou, Kayes et Bamako au Mali, ou en Mauritania et au Burkina Faso, a-t-il expliqué.
Quinze enseignants réfugiés font cours à Mbéra. La plupart d’entre eux sont rémunérés par une petite ration alimentaire. « Ce n’est pas assez, la vie est très chère ici. Les conditions ne sont pas bonnes et il n’y a pas assez de nourriture », a-t-il dit à propos de la ration familiale distribuée par le Programme alimentaire mondial.
« Un gardien est payé 90 000 ouguiyas [300 dollars par mois], mais un enseignant n’est pas payé », s’est-il plaint.
Selon des enseignants au Mali et dans les camps de réfugiés du Niger, du Burkina Faso et de Mauritanie, les enfants déplacés montrent des signes de traumatisme. Nombre d’entre eux sont tout simplement « absents », a dit Konaté Souleymane, un enseignant du camp de Goudeba, au nord du Burkina Faso. « Les élèves sont distraits, leur esprit est ailleurs ».
Selon M. Gobina, l’UNICEF tente de collaborer avec le ministère de l’Éducation à Bamako pour trouver une manière d’inciter les enseignants à travailler dans le Nord.
Selon M. Hamama, le directeur d’école, qui appartient à l’ethnie touarègue, comme la plupart des réfugiés de Mbéra, deux de ses collègues touaregs ont récemment quitté Mbéra pour aller chercher leur salaire à Bamako, mais ils se sont retrouvés tenus en joue pendant 24 heures.
« Nous ne pouvons pas rentrer au Mali dans un tel contexte », a-t-il dit.

aj/cb-ld/amz , http://www.irinnews.org/fr/Report/97672/Appel-%C3%A0-moins-d-indiff%C3%A9rence-%C3%A0-l-%C3%A9gard-de-l-%C3%A9ducation-d-urgence-au-Mali

22 mars 2013

Mali : un expert indépendant nommé

Le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a adopté aujourd'hui à Genève une résolution ouvrant la voie à la nomination d'un expert indépendant sur leMali en vue d'aider le gouvernement de ce pays à défendre et promouvoir les droits de l'Homme. Les 47 Etats membres du Conseil ont en effet adopté par consensus une résolution, déposée par le Gabon au nom du groupe africain, créant un mandat d'expert indépendant sur le Mali pour une période d'un an.

L'expert devrait être nommé dans les semaines à venir. La résolution appelle par ailleurs le gouvernement malien "à garantir la liberté d'expression et l'invite à organiser au plus tôt des élections libres et transparentes". Le pouvoir de transition en place depuis près d'un an au Mali a promis des élections en juillet. Le texte adopté par le Conseil condamne "les exactions et les abus commis" dans le pays, "en particulier dans sa partie nord, par, notamment, les rebelles, les groupes terroristes et les autres réseaux de criminalité transnationale organisés".

La résolution ne fait aucune référence aux propos tenus le 12 mars par la numéro deux du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Kyung-wha Kang. Elle avait accusé des soldats maliens d'exercer des représaillesnotamment contre des communautés touareg et arabes, souvent assimilées aux jihadistes qui contrôlaient le nord du Mali avant l'intervention des troupes françaises à partir du 11 janvier.

L'ONG Human Rights Watch s'est réjouie de la résolution. Mais, a averti un de ses représentants, Philippe Dam, dans un communiqué, "l'échec du Conseil à condamner sérieusement les violations commises récemment par certains membres de l'armée malienne n'aidera pas le peuple malien". "Si le Mali souhaite tourner la page, le nouvel expert de l'ONU et les observateurs des droits de l'Homme devront enquêter sur les abus commis par toutes les parties et tenir les autorités maliennes pour responsables de leurs actes", a-t-il ajouté.


http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/03/21/97001-20130321FILWWW00639-mali-un-expert-independant-nomme.php

MALI. Pourquoi les Français sont encore là pour longtemps

MALI. Pourquoi les Français sont encore là pour longtemps:
Nouvel Observateur - 

Prévue en juillet, la relève de l’opération de maintien de la paix de l’ONU au Mali ne signifie pas pour autant le retrait total des troupes françaises.
Pas une semaine ne se passe désormais, sans qu’un membre du gouvernement ou que le président lui-même ne se félicite de la réussite de l’opération Serval au Mali et n’annonce que les soldats français – 4.000 hommes au total – vont commencer à rentrer dans très peu de temps.
Dernières annonces en date : le Premier ministre Jean-Marc Ayrault assure que le retrait débutera « à partir de la fin du mois d’avril » (il avait été annoncé en mars, puis mi-avril). François Hollande, est allé jusqu’à garantir le retour de la « souveraineté » du Mali sur la « quasi-totalité du territoire [...] dans quelques jours ».
Un soldat français du 92e régiment d'infanterie en patrouille dans la ville malienne d'Amakouladji, à une quarantaine de kilomètres de Gao, le 10 mars 2013. (AFP PHOTO / JOHN MACDOUGALL)
Un soldat français du 92e régiment d’infanterie en patrouille dans la ville malienne d’Amakouladji, à une quarantaine de kilomètres de Gao, le 10 mars 2013. (AFP PHOTO / JOHN MACDOUGALL)

« Aussi longtemps que nécessaire »

La crainte d’un enlisement, exprimée par de nombreux acteurs, pousse tous les jours un peu plus les responsables politiques à donner une idée un peu plus précise d’un calendrier de retrait. Les troupes africaines de la Misma (Mission internationale de stabilisation du Mali) doivent prendre le relais petit à petit, avant qu’une force onusienne ne soit déployée pour le début de l’été selon les souhaits de Paris.
Mais un passage de flambeau ne signifie pas pour autant le retrait total des troupes françaises. Au lendemain du début de l’opération terrestre française, François Hollande avait prévenu : la France restera au Mali aussi « longtemps que nécessaire ». Compte tenu de la réalité du terrain, il y a de grandes chances que la France continue de jouer un rôle de premier plan.

Surveiller les prochaines élections et garder une force d’intervention rapide

La mission que s’est donnée Paris est de « libérer l’ensemble du territoire malien ». Paris est tenu par cet engagement public et se sent responsable de la sécurité et du bon déroulement des opérations de relève. Pas question donc de partir à la sauvette. La situation sur le terrain est complexe et le retrait, même partiel, dépendra de l’avancée réelle des opérations. Et tout peut évoluer. Si les principales bases des djihadistes pourraient rapidement être détruites, des poches résiduelles de résistance peuvent constituer une menace non négligeable.
Dans l’hypothèse où la France remportait une victoire sur les combattants, et qu’une partie des troupes françaises se retirent, une autre restera sans doute bien plus longtemps.
D’abord, parce que si l’élection présidentielle malienne a lieu en juillet, comme le souhaite la France, il faudra veiller à ce qu’elle se déroule dans de bonnes conditions de sécurité.
Ensuite, Paris doit garder une capacité d’intervention rapide au cas où les troupes africaines se trouveraient en difficulté face à des djihadistes qui seraient tentés de reconstituer leurs forces une fois les troupes françaises réduites.
Si Paris estime que l’armée française, aidée des soldats tchadiens, a réussi à neutraliser la colonne vertébrale du commandement d’Aqmi qui agit au Sahel, les risques d’attentats sont bien réels, et l’attaque, jeudi 21 mars à Tombouctou de la zone autour de l’aéroport par une dizaine de djihadistes est venu le rappeler.
Cette menace suppose que la France maintienne des bases sur le territoire malien ou prépositionne des unités dans la région, comme en Côte d’Ivoire. La France est intervenue au Tchad en 1969, et de mission Manta en opération Epervier, elle y est encore… Aussi la présence d’une force aérienne pour appuyer des troupes au sol et des forces spéciales pourrait être acquise.
« François Hollande tiendra probablement son engagement. Mais quand il dit qu’il retirera des troupes, il parle des troupes qui ne seront plus utiles, explique Vincent Desportes au « Nouvel Observateur ». Je pense, en particulier aux troupes lourdes, dont la projection a été déclenchée alors que nous étions au cœur de la première bataille, alors que Gao et Tombouctou n’avaient pas été repris ».

Les Français resteraient pour accompagner la mission de la paix onusienne

Paris a bon espoir de voir voter autour du 15 avril une résolution au Conseil de sécurité qui permettra le transfert des compétences de la Misma vers une opération de maintien de la paix (OMP) de l’ONU, la Minuma. Cette dernière pourrait mobiliser au total jusqu’à 10.000 hommes : aux forces africaines de la Misma s’ajouterait le contingent tchadien et d’autres unités, notamment burundaises et mauritaniennes.
Mais la Misma, qui compte aujourd’hui environ 6.300 hommes sur le sol malien, en y intégrant les 2.000 soldats tchadiens, est loin d’être prête, elle doit encore être formée et équipée. Elle manque de tout pour le moment : armes, pick-up, produits alimentaires… Avant qu’elle ne constitue un ensemble cohérent, il va se passer plusieurs mois.
Même après une éventuelle adoption d’une résolution au Conseil de sécurité, plusieurs sources indiquent que la présence des Français sera nécessaire pour accompagner cette opération de maintien de la paix. Le responsable du département d’Etat chargé des questions africaines, Johnnie Carson, a indiqué en février que les opérations anti-terroristes devaient être aux mains des Français et non des Nations unis. De quelle manière la France restera-t-elle ? Un contingent serat-il intégré à la Minuma ? Des forces spéciales seront-elles directement déployées ?

Soulagement financier

Ces annonces semblent plus d’ordre politique et n’engagent en rien un retrait effectif. Elles visent dans un premier temps à assurer que la France n’a pas vocation à rester au Mali. Ensuite, elles permettent de mettre la pression sur les forces africaines qui sont censées prendre le relais à terme. Et presser l’Union africaine et la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) d’accélérer la mise en place de la Misma, et les Nations unis de transformer éventuellement la Misma en force onusienne. Le financement sera ainsi assurer par l’ONU, allégeant les dépenses militaires françaises.
Grande absente de tout cette orchestration : l’armée malienne. Le 11 mars, Jean-Yves Le Drian a expliqué que la fin de la mission française doit coïncider avec une solution politique au Mali. Au moins deux conditions au bon déroulement de ce processus : la tenue d’élection en juillet et la mise en place d’une Commission dialogue et réconciliation conformément à la feuille de route votée par Bamako. « Souhaitable et faisable » assure-t-on à Paris.
http://tempsreel.nouvelobs.com/guerre-au-mali/20130321.OBS2663/mali-pourquoi-les-francais-sont-encore-la-pour-longtemps.html
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21 mars 2013

Mali: la guerre de la cocaïne

Depuis dix ans, le nord du pays est une plaque tournante de l'acheminement de la poudre blanche sud-américaine vers l'Europe. Militaires, politiques, ethnies... Le trafic a trouvé des relais dans tous les camps, djihadistes inclus. L'intervention française a coupé la route. Jusqu'à quand?


ara.GAO (Mali) - Les mouvements djihadistes, dont le Mujao et Aqmi, ont assuré la protection de convois de drogue, notamment la cocaïne, à travers le Sahara.
AFP Photo/ Romaric Ollo Hien


A l'angle de deux rues en latérite, dans le centre de Bamako, la villa en impose. De style méditerranéen, elle comprend plusieurs appartements ouvrant sur des balcons et des terrasses ombragées. Voilà des mois que l'ensemble est désert: ses occupants, espagnols et latino-américains, ont quitté la capitale... A Gao, la grande cité du Nord, les villas du quartier arabe sont aujourd'hui vides. La population les a pillées dès le 26 janvier, jour où les forces armées franco-maliennes ont chassé les djihadistes de la ville. Les propriétaires de ces demeures luxueuses - essentiellement des Lamhar, un clan arabe de la région - avaient déjà déguerpi, craignant des représailles. Ici, même les gamins savent d'où provient la fortune de ces grands commerçants, étroitement liés aux islamistes. Le quartier, désormais en ruine, est surnommé Cocaïnebougou. "Cité cocaïne." 

Les villas de "Cité cocaïne", à Gao, désertées par leurs propriétaires enrichis par le trafic et pillées par la population

Parmi les multiples racines de la crise que traverse le Mali, en voie d'être sauvé par l'intervention militaire, le trafic international de drogue a joué un rôle important. En moins de dix ans, le pays est devenu l'une des principales zones de transit de la coke sud-américaine vers l'Europe. Une montée en puissance orchestrée par les cartels colombiens et vénézuéliens. Au début des années 2000, ceux-ci décident de contourner les routes maritimes et aériennes directes, trop surveillées à leur goût, pour faire de l'Afrique de l'Ouest la plaque tournante du trafic destiné au marché européen. Les cargaisons, acheminées à travers l'Atlantique par bateau ou avion, seront désormais débarquées dans les pays côtiers: Guinée-Bissau, Gambie, Ghana... A partir de là, les immensités désertiques du nord du Mali, frontalières de la Mauritanie, de l'Algérie et du Niger, offrent un "boulevard" pour convoyer les chargements jusqu'aux rives de la Méditerranée. "Au fil des années, la présence de l'Etat n'a cessé de se réduire dans le nord du territoire, déplore un ancien ministre, originaire de Gao. Le pouvoir de Bamako y était déjà fragilisé par la rébellion touareg, les rivalités ethniques, la contrebande ''traditionnelle'' et la présence d'Aqmi, et les narcotrafiquants se sont engouffrés dans cette brèche." 

15 milliards d'euros depuis dix ans

Selon le dernier rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Unodc), 18 tonnes de cocaïne auraient transité par l'Afrique de l'Ouest en 2010, après un pic de 47 tonnes en 2007. D'autres sources avancent une moyenne annuelle oscillant entre 40 et 80 tonnes. "Un flou absolu règne sur les quantités, mais elles sont forcément sous-estimées car toutes les filières ne sont pas connues", estime pour sa part Mathieu Pellerin, spécialiste des questions de sécurité au Sahel. 

La valeur totale de la cocaïne ayant traversé depuis dix ans le Sahara avoisinerait les 15 milliards d'euros. De quoi s'assurer bien des complicités... Les narcos graissent la patte de douaniers, policiers, militaires, mais aussi de chefs de milices communautaires. Sans oublier les politiciens, toutes ethnies confondues, dont certains proches d'Amadou Toumani Touré, alias ATT, l'ex-président de la République, déposé par un coup d'Etat le 22 mars 2012 et actuellement réfugié au Sénégal. 
INFOGRAPHIE. Les voies du trafic de cocaïne en Afrique de l'Ouest

Cliquer sur l'image pour agrandir le diaporama
L'Express/Idé avec UNODC

Cette chaîne de corruption est indispensable pour assurer le transit des cargaisons de drogue sur des milliers de kilomètres de piste. Il faut recruter des guides et des chauffeurs de 4x4 chevronnés, souvent des Touareg, ainsi que des gardes armés. A chaque portion de territoire traversée, chefs de tribu et de milice réclament un droit de passage. Ils se font aussi payer pour assurer la sécurité du convoi jusqu'à l'étape suivante. Parfois, la marchandise change plusieurs fois de mains en cours de route: les sacs de coke sont alors déposés dans une maison abandonnée ou enterrés en plein désert, à un endroit identifié par sa position GPS. Pour une livraison acheminée à bon port, un chauffeur peut percevoir 2500 euros. Après deux ou trois allers-retours réussis, le véhicule lui est offert. Une vraie fortune à l'échelle locale: beaucoup de jeunes désoeuvrés se pressent pour jouer les "petites mains" des réseaux. 

Un temps en retrait, les terroristes d'Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) ont fini par entrer à leur tour dans le circuit. Avant la guerre, ils prélevaient une dîme équivalant à 10 % de la valeur des convois pour les escorter de l'extrême nord du Mali vers le Maroc, la Libye ou le Tchad. "Ce n'était pas leur revenu principal", précise toutefois, au téléphone, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, un cadre du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), groupe touareg séparatiste qui a déclenché la dernière rébellion en janvier 2012. Cet ancien député de la région de Gao, poursuivi par la justice malienne pour "sédition" et "atteinte à l'intégrité du territoire national", a observé de près les connexions entre narcos et djihadistes. "Les terroristes d'Aqmi reversaient aux trafiquants de drogue une partie des rançons reçues pour libérer les otages occidentaux, poursuit-il. En retour, ils se faisaient ravitailler en logistique: véhicules, armes, médicaments, matériel électronique..." 

De juteuses commissions à chaque libération d'otage

Baba Ould Cheikh
DR

Dans cette "Mali connection", quelques personnages ont joué sur tous les tableaux. Parmi eux, Baba Ould Cheikh, 45 ans, maire de la commune de Tarkint. Issu de la communauté Lamhar, "Baba", comme on le surnomme, dirige depuis les années 2000, à Gao, deux entreprises de bâtiment et de transport. Grâce à sa flotte de camions, il importe illégalement d'Algérie tous les produits de consommation courante qui alimentent le nord-est malien. Autant dire qu'il connaît du monde... Dès 2003, il devient ainsi l'un des négociateurs officieux chargés par les autorités de Bamako d'obtenir la libération des premiers otages enlevés par Aqmi. Il noue des liens de confiance avec les Algériens Abou Zeid etMokhtar Belmokhtar, deux des principaux chefs djihadistes (qui auraient été tués les 22 février et 2 mars derniers). A chaque libération obtenue, Baba Ould Cheikh s'octroie de juteuses commissions. Il est dans les petits papiers du président ATT, qu'il peut joindre directement sur son portable. Mais Baba fait aussi dans la "poudre". Avec des "hommes d'affaires" espagnols, latino-américains et libanais bien établis à Bamako, il organise en 2009 un coup énorme. Trop, peut-être... L'affaire est si incroyable qu'elle va attirer l'attention des services secrets occidentaux et de la presse internationale. 


Les narcos achetaient certaines élections locales et faisaient élire certains députés 

Nous voici en novembre 2009, en plein désert. Un Boeing 727-200 atterrit près de Tarkint, après avoir coupé ses systèmes de communication. En provenance du Venezuela, cet avion transporte au moins 5 tonnes de cocaïne. Quelques jours plus tard, la sécurité d'Etat malienne "découvre" son épave, calcinée. En fait, l'appareil n'a pas pu redécoller: les narcos l'ont incendié après avoir transbordé la cargaison sur des 4x4. Durant trois semaines, les autorités tentent d'étouffer le scandale d'"Air Cocaïne". L'enquête débouchera un an plus tard sur l'arrestation, à Bamako, de neuf personnes. Dans le lot, un Français, mais également un proche du fameux Baba: Mohamed Ould Awainat, un entrepreneur de Gao, l'homme qui avait fait aménager la piste d'atterrissage du Boeing. Depuis, tous ces suspects ont bénéficié d'un non-lieu et d'une remise en liberté, en janvier et en août 2012. Entre-temps, plusieurs sources ont certifié que le même avion avait déjà atterri, et à plusieurs reprises, à Tarkint... Au-delà de l'enrichissement personnel, ce business a nourri bien des intérêts politiques. "Les narcos achetaient les élections locales et faisaient élire certains députés", raconte Mohamed Ould Mahmoud, consultant pour des ONG. Drapé d'un boubou blanc, ce membre d'une grande famille berabiche (arabe) de Tombouctou, poursuit: "Le régime d'ATT a laissé certains clans, liés au trafic, armer des milices pour combattre les rebelles touareg. Quitte à attiser les rivalités entre communautés et à faire du Nord une "narco région''..." 

Pour Mohamed Ould Mahmoud, consultant pour des ONG, le régime de l'ex-président Amadou Toumani Touré a sciemment laissé le nord du Mali devenir une "narco région"
E. Régnier/L'Express

Ainsi, les tribus nobles touareg des Ifoghas, acteurs majeurs de la rébellion, ont trouvé face à elles l'armée régulière malienne mais aussi deux groupes paramilitaires: l'un recrutant chez des clans touareg de rang inférieur; l'autre parmi les Arabes de Gao (voir encadré ci-dessous). Ces milices, commandées par deux officiers de haut rang toujours en activité, agissent aussi bien sous les couleurs de l'armée malienne que pour leur propre compte. Quand, au printemps 2012, les groupes islamistes armés s'emparent des villes du Nord, le trafic de drogue connaît une nouvelle embellie. Un autre avion suspect atterrit près de Gao. Baba Ould Cheikh et son ami Mohamed Ould Awainat s'associent au Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest(Mujao), lié à Aqmi. D'autres narcos locaux, dont un ancien député et le beau-fils d'un ex-ministre, pactisent avec le chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar... "Dans ces groupes hybrides, chaque partie a trouvé son avantage: un ancrage local pour les djihadistes, un "parapluie'' en remplacement de l'Etat malien pour les trafiquants", commente le chercheur Mathieu Pellerin. Le 4 février dernier, sur le marché de Gao, ville libérée, le maire, Sadou Diallo, se promenait en compagnie d'un invité encombrant: Baba en personne... Menacé d'être lynché, ce dernier a été remis à la gendarmerie malienne. Il est parvenu à s'enfuir, la nuit suivante. Contre une enveloppe, semble-t-il, de 750 000 francs. Soit 1 150 euros. 

"Une culture de l'impunité a longtemps régné sur ces affaires de trafic, tempête Daniel Tessougué, le nouveau procureur général de la cour d'appel de Bamako. J'ai demandé que l'on me transmette le dossier d'Air Cocaïne, je l'attends toujours..." Précédé d'une réputation d'incorruptible, ce magistrat de 54 ans a rendu publics, en février, 28 mandats d'arrêt lancés contre des ressortissants maliens, dont huit pour "trafic international de drogue". D'autres poursuites sont en cours. A ce jour, toutes les personnes recherchées sont dispersées dans la nature. Certes, depuis l'intervention militaire dans le nord du Mali, les routes de la cocaïne sont paralysées. Mais les narcos planchent déjà sur d'autres itinéraires, en particulier via le nord du Niger. La poudre et le sable n'ont pas fini de voisiner. 
Cocaïne: tensions ethniques, le nerf du trafic

Pour enraciner leur business, les narcotrafiquants et leurs alliés politiques ont joué délibérément sur les tensions ethniques et les rivalités à l'intérieur même des communautés du nord du Mali. Depuis 2006, afin de contrer la rébellion touareg menée essentiellement par les lignées nobles du massif des Ifoghas, deux milices communautaires ont ainsi été formées et armées grâce à l'argent de la cocaïne. La première recrute parmi les Imghad, des tribus touareg vassales, autrement dit considérées de rang "inférieur". La seconde milice regroupe certains membres des clans Lamhar (arabes), originaires de la vallée du Tilemsi, dans la région de Gao. Ces derniers ont aussi profité de leur nouvelle puissance pour contester la suprématie des Kountas, autre tribu arabe réputée pour son savoir religieux. "L'argent de la drogue a déstructuré la société traditionnelle au profit d'intérêts personnels et d'arrières pensées politiques, explique un fin connaisseur des chefferies du nord malien. D'autant plus que les djihadistes se sont appuyés sur ces manoeuvres pour instaurer leur nouvel ordre politico-religieux." Le même phénomène s'est déroulé dans la région de Tombouctou, entre différents clans berabiche (arabes) dont certains, impliqués dans le trafic de cocaïne, se sont alliés à Aqmi. 


L'express.fr





Guerre au Nord-Mali: Question touarègue et pauvreté aux racines de la colère (2/2)

L'arrivé des groupes islamistes et radicalisation de la cause touarègue
En 2007, le démantèlement du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), algérien, mène à la création d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Ce dernier profite de l'absence de souveraineté malienne dans le Nord pour s'y installer. Il établit des liens avec les tribus touarègues locales, au Sud-Est de l'Azawad, notamment avec l'ex-leader rebelle Iyad Ag Ghali. Le concept de djihad est certes étranger aux touaregs, mais leur marginalisation passant également par l'intolérance religieuse, beaucoup de jeunes sont tentés de revendiquer cette composante identitaire stigmatisée. Et plus encore, c'est l'intransigeance des djihadistes face à l'État malien qui séduit, comparée a des groupes rebelles décrédibilisés par leurs échecs successifs. Ansar Dine ne demande plus seulement des droits pour les touaregs au Mali, mais l'instauration d'un califat sur l'ensemble du Mali et l'instauration de la charia. L'islamisme radical au Mali ne vient pas de nulle part, c'est la dernière étape de la radicalisation de la cause touarègue face à l'aggravation des six éléments cités précédemment et les promesses non tenues.
Le trafic saharien : l'argent sale des djihadistes, levier majeur de recrutement
Le mode de subsistance traditionnel touareg, en voie d'extinction, réapparait progressivement avec l'augmentation du trafic, notamment de drogue, de clandestins ou de cigarettes. Les touaregs deviennent, comme les bédouins au Sinaï, des interlocuteurs indispensables pour les trafiquants, voire trafiquants eux même. Les djihadistes anticipent très bien la manne potentielle de ce trafic: ils louent leurs services aux trafiquants avant d'en devenir eux même et d'y ajouter la prise d'otages. Le commerce devient rapidement florissant. Empêtré dans une instabilité politique grandissante et n'ayant jamais été capable d'imposer sa souveraineté dans le Nord, l'État malien laisse faire. Dans un contexte de grave crise économique, cet argent est une arme de recrutement massif. Capable d'offrir 1500 euros de revenus mensuels, AQMI n'a qu'à se servir pour recruter en masse parmi la population, certes non salafiste, mais jeune et démunie. Cet argent permet aussi une corruption massive, fragilisant des autorités maliennes déjà fébriles.
La dernière rébellion : chronique d'une escalade
En 2009, de retour d'une mission à Tombouctou, un agroéconomiste me confie que les 

djihadistes sont implantés dans la région mais suscitent une certaine méfiance de la part des touaregs, surtout certains leaders dont la violence heurte leurs valeurs. Mais il souligne surtout combien il est urgent d'agir pour les touaregs si l'on veut éviter que les frustrations accumulées par ce peuple ne fassent le lit de l'implantation massive d'AQMI. Vivant notamment de l'élevage pastoral, ils n'ont accès à aucun vétérinaire, alors que la vingtaine d'éléphants qui vivent plus au Sud en ont deux à leur disposition! Quelques projets de développement réellement adaptés aux conditions locales, une vraie action de l'État malien pour l'ouverture politique envers les touaregs et la réconciliation, c'est ce qu'il aurait fallu pour couper l'herbe sous le pied aux djihadistes. Aujourd'hui, le coût de l'opération Serval, estimé à plus de 100 millions d'euros au 26 février, sans compter le coût de l'indispensable soutien logistique de nos alliés, est déjà sans commune mesure avec l'investissement qui aurait permis de prévenir l'engagement des touaregs aux côté d'AQMI.

Le Mouvement National pour la Libération de l'Azawad (MNLA) est créé le 16 octobre 2011. Poursuivant la logique de radicalisation touarègue, le mouvement demande l'auto-détermination pure, simple et sans condition de l'Azawad. Laïc et favorable à la liberté religieuse, le MNLA ne voit pas d'un très bon oeil l'implantation des djihadistes au Mali, ce qui entraine une scission tribale et régionale avec les touaregs de l'Adrar, alliés d'AQMI. A la chute de Kadhafi, un nombre conséquent d'ex-rebelles exilés rentrent au Mali avec des armes et des connaissances militaires. Les armes légères, les mitrailleuses 12,7 montées sur pick-up et les RPG boostent les capacités militaires du MNLA et des djihadistes. Le MNLA, principalement, lance de vastes opérations contre les FAM dans le Nord. À Bamako, en mars 2012, le capitaine Sanogo utilise ce prétexte pour accuser le président de ne pas fournir à l'armée le soutien dont elle a besoin et mène un énième coup d'État militaire. C'est un coup de grâce : occupés à se battre entre eux, les militaires maliens sont incapables de soutenir leurs forces dans le Nord qui doivent reculer partout le mois suivant. C'est à ce moment qu'apparait le nouveau mouvement Ancar Dine, de Ag Ghaly, symbole de cette radicalisation, par l'islamisme, de la cause touarègue. Indépendantiste et touareg, Il s'allie à AQMI au Mouvement pour l'Unicité du djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). Toutes les composantes du conflit sont alors posées.
Le 1er avril 2012, le MNLA déclare l'indépendance et se proclame maître de l'Azawad. Mais, affaibli par les combats, le MNLA perd rapidement du terrain face aux groupes djihadistes, perdant Gao en juin 2012. Face à sa défaite et à l'éminence d'une intervention internationale, le MNLA se dit prêt à négocier, mais Bamako fait la sourde oreille. Le capitaine Sanogo et les militaires, véritable maître de Bamako, méprisent les touaregs et tentent de diffuser l'amalgame MNLA/touaregs/terroristes. Toutefois cette menace d'un accord du MNLA, bientôt rejoint par Ancar Dine, avec le gouvernement malien, inquiète les islamistes. Forts de leur victoire contre le MNLA, rassurés par les signes qui montrent une communauté internationale frileuse, les djihadistes passent à l'offensive sur la ligne de front. La France engage alors l'opération Serval.
L'importance d'un règlement à long terme de la question touarègue
Force est de reconnaître que cette opération était une nécessité. La prise de Bamako, probable, par les djihadistes aurait scellé une nouvelle base djihadiste en Afrique de l'Ouest, bénéficiant d'un sanctuaire bien difficile à reprendre, aux portes de l'Europe. Pour autant, il est important de considérer la façon dont elle apparait aux yeux des populations touarègues. C'est une opération en soutien au retour de l'armée malienne au Nord Mali, la même qui a massacré les touaregs et commis des crimes de guerre pendant 50 ans dans la région, la même qui leur a fait des fausses promesses pendant des décennies et favorisé leur marginalisation dans la société malienne. Des accusations circulent déjà sur le fait que l'armée malienne reprendrait ces vieilles habitudes. Ceci risque d'avoir de graves conséquences à long terme.
Même dans l'hypothèse d'une élimination des groupes djihadistes et indépendantistes, rappelons-nous que leur émergence est le résultat de la crise touarègue. On peut détruire les groupes, mais si l'on ne s'attaque pas aux causes de leur apparition, c'est un coup d'épée dans l'eau. Car dans quelques mois ou années, une nouvelle rébellion verra le jour, certainement encore plus radicale et plus islamiste que les précédentes. Le règlement de la question touarègue et l'endiguement de la pauvreté sont les conditions sine qua non de l'expulsion définitive des groupes djihadistes du Nord-Mali. Or, le gouvernement malien a clairement dit qu'il ne négocierait pas, s'estimant en position de force. Il reprendra le contrôle du Nord-Mali avec la bénédiction de la France, de l'ONU et de la Cédéao, mais rien ne changera. Et, comme ailleurs, comme pour les rébellions précédentes, le conflit reprendra de plus belle. 

Nous avons échoué à prévenir l'émergence de la situation actuelle : sans stratégie de stabilisation, nous échouerons également à y mettre fin.

Le MNLA offre son aide pour la traque des djihadistes, assistance hautement stratégique, qui ouvre la porte à l'indispensable dialogue politique. Au lieu de la saisir, la France ne cache pas son embarras, respectant une ligne basée sur l'idée que nous venons défendre l'intégrité malienne et que nous repartirons le plus vite possible une fois la mission onusienne déployée.
Au vu de l'Histoire du Nord Mali, il est d'abord indispensable de s'assurer que l'armée malienne (et ses alliés) ne commette pas de violations massives des droits des populations touarègues, violations qui n'auraient pour conséquences que l'émergence de nouvelles rancœurs, terreaux d'une rébellion future encore plus radicale. Mais plus encore, la France et la communauté internationale se doivent d'enclencher l'indispensable dialogue politique au Nord-Mali. Cela passera également, inévitablement, par le MNLA et ses leaders, dont le gouvernement malien ne veut pas entendre parler, sans grande protestation de la France. Cela passera également par des actes plutôt que de vaines promesses, avec des réponses adaptées aux causes profondes qui nourrissent les différentes rébellions depuis l'indépendance : une reconnaissance effective de l'identité touarègue; la mise en place d'un processus de réconciliation nationale et de justice, l'intégration pleine et entière des mouvements touarègues dans l'espace politique local et national malien, une mise en place effective de la décentralisation et de la démocratie locale, mais surtout un effort important de développement économique de la région. Car c'est ce sous-développement qui est la source première des trafics en tout genre qui irriguent le djihadisme nord malien. Enfin, l'État malien, s'il parvient à sortir de ses divisions, devra mener l'indispensable réforme de son armée et rétablir son autorité dans le Nord, et ce, dans le respect de l'État de droit, l'intégrité et l'efficacité. Ceci nécessitera, de la part de la communauté internationale, un important effort financier, politique et technique, qu'elle ne semble, pour le moment, pas du tout prête à fournir. Aujourd'hui, la paix est à ce prix, et il reste bien inférieur à celui d'une nouvelle guerre, demain.
Source:http://www.huffingtonpost.fr


Guerre au Nord-Mali: Question touarègue et pauvreté aux racines de la colère (1/2)

GUERRE AU MALI - Peut-on aujourd'hui penser gagner une guerre asymétrique, ou même seulement la terminer, sans envisager et construire la paix qui suivra?

Certainement non, or ceci n'attend pas: c'est au cœur de l'engagement militaire qu'il faut le faire. Même si l'urgence semble être ailleurs, cela commence aujourd'hui, et maintenant. Si la guerre vise avant tout Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), ce n'est pas avec AQMI que l'on construira la paix. Ce n'est possible qu'avec le soutien des populations locales, et notamment des touaregs: acteurs d'une guerre qu'ils ont déjà perdu, ils doivent être les acteurs d'une paix impossible sans eux. La "question touarègue" et le sous-développement, causes profondes du conflits, pourtant reléguées au deuxième plan par l'actualité militaire, doivent revenir au cœur de l'action de la France, si celle-ci veut éviter un engagement sans issue, une guerre sans victoire.

Il faut revenir sur ces questions, les replacer au cœur de notre engagement. Depuis le début de l'intervention franco-africaine au Mali, avec un soutien logistique occidental, deux mots reviennent dans l'analyse: balkanisation et afghanisation. Ces parallèles avec les conflits récents les plus médiatisés reflètent une volonté classique d'inscrire dans des cadres de compréhension existant des problématiques en apparence nouvelles. Pourtant, les racines du conflit remontent à l'origine du pays et jusqu'à la colonisation elle-même. Elles remontent aux origines de la question touarègue et aux dynamiques politiques, économiques, culturelles, sociales et criminelles qui agitent la région sahélienne et le Sahara depuis un siècle.

Les touaregs, de la colonisation aux indépendances: un mode de vie et une identité meurtris

Avant la colonisation, le Sahara est un territoire inhospitalier, par lequel transitent dattes, sel et esclaves, occupé majoritairement par un peuple: les Touaregs, de leur vrai nom "Tamshek". Peuple nomade, ils participent notamment aux échanges commerciaux, en assurant le transport à travers le désert et en enlevant des subsahariens pour l'esclavage. Fiers, les touaregs ont une identité très forte. Islamisés tardivement, ils pratiquent un islam modéré, mélangé à leur propre culture. Les femmes sont peu voilées et tiennent un rôle important dans cette société matriarcale. Certaines prohibitions, comme le porc, n'y sont pas toujours appliquées.

Vaincu et colonisé au début du XXème siècle, le peuple guerrier touareg se rebelle dès 1916. Le commerce transsaharien chute, du fait de l'interdiction de l'esclavage et la restructuration du commerce mondial. Les touaregs sont contraints de se rabattre sur l'agropastoralisme nomade, voire d'abandonner leur mode de vie traditionnel en se sédentarisant. Ces transformations socioéconomiques agressent violemment le mode de vie et l'identité touarègue. Or, la stigmatisation et l'attaque contre l'identité d'individus conduisent ceux-ci à la revendiquer de façon plus radicale, comme l'explique Amin Maalouf. C'est un élément capital pour comprendre les rébellions touarègues. 

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Dans les années soixante, le découpage à la règle d'école, des frontières des États d'Afrique divise l'espace géo-culturel touarègue, rendant illégaux nombre de mouvements nomades. Dès lors, les mouvements transfrontaliers illégaux deviennent le quotidien de nombreux touaregs, prisonniers des nouvelles frontières de "leur" désert. De plus, dans tous ces pays, les populations touarègues deviennent minoritaires.

Les touaregs dans le nouvelle État malien: marginalisation et frustrations

En 1960, le nouvel État malien, socialiste et centralisé, s'attaque aux chefferies touarègues et impose sa propre organisation administrative. Les touaregs en sont exclus, subissant discrimination et stigmatisation de la part des autres populations maliennes, qui prennent leur revanche sur leurs anciens esclavagistes. Dés 1963, tous les éléments constitutifs de l'éclatement d'un mouvement rebelle de guerre irrégulière sont réunis: grave crise du modèle économique touarègue, en particulier au Nord-Mali, délaissé par le gouvernement central; marginalisation économique et politique des touarègues au sein de l'État malien; forte cohésion sociale du peuple touarègue, fier et à très fortes traditions; soutien politique et financier de la population touarègue à la rébellion; convergence d'intérêts autour de la revendication d'une identité touarègue menacée; et, finalement, répression politique et absence d'espace d'expression politique pacifique. Ces six éléments correspondent aux conditions de l'émergence d'un mouvement de guerre irrégulière, telles qu'identifiées par l'expert militaire Amael Cattaruzza, qui regroupe la première et la seconde. C'est la persistance et l'amplification de ces phénomènes qui va mener à l'escalade.

Les rébellions touarègues: l'éternel recommencement ?

La rébellion de 1963 compte moins de 1000 hommes: elle n'est pas séparatiste mais réclame une certaine décentralisation du pouvoir, une meilleure intégration dans la vie politique malienne et un effort de développement en faveur du Nord-Mali. Pouvant difficilement s'aventurer dans le désert, les Forces Armées Maliennes (FAM) se retranchent dans des camps fortifiés et mènent des opérations de représailles contre les civils touaregs, y compris à l'arme lourde. Cette réaction inadaptée et disproportionnée enracine définitivement le ressentiment touarègue envers le gouvernement central. Créant une situation humanitaire désastreuse, ce nettoyage ethnique a lieu dans l'indifférence de la communauté internationale. Après ce premier épisode, la majeure partie des combattants touaregs émigrent et se font mercenaires en Libye, pour fuir les sécheresses de 1969-1973, lassés d'une lutte qui n'aboutit qu'au massacre de leur peuple. Ils s'initient alors au "jihad", concept étranger aux touaregs.

Entre temps, un coup d'État instaure une dictature militaire à Bamako, qui poursuit la même politique. Les sécheresses des années quatre-vingt et la lente agonie économique des touaregs, conduisent au retour à la lutte armée en 1990. Ce sont les fils des rebelles de 1963 qui luttent en 1990. Les militaires rejouent alors la même partition et s'en prennent violement à la population. En pleine transition post-guerre froide, la communauté internationale n'en a que faire.

Les processus de paix: jeu de dupes et fausses promesses

Les accords de Tamanrasset de janvier 1991 prévoient une démilitarisation d'une partie du Nord Mali: elle n'aura jamais lieu. Les négociateurs touaregs demandent alors des projets de développement dans la région, la démilitarisation complète de l'Azawad, un système politique fédéral, le jugement des responsables des massacres et l'indemnisation des dégâts contre les populations civiles. Plus la répression, leur marginalisation et les attaques contre leur identité s'amplifient, plus les touaregs se radicalisent.

Le pacte national négocié en 1992 avec Amadou Toumani Touré est censé mettre fin à la rébellion et répondre aux attentes touaregs qui déposent les armes en 1996. Mais sa mise en place est un échec. Les projets de développement ne sont pas adaptés à la situation; les revendications fédérales des touaregs sont ignorées et leur intégration dans l'administration et la vie politique, marginale; les responsables des crimes de guerre au Nord Mali ne seront jamais traduit en justice ; l'Azawad, loin d'être démilitarisé, voit des zones entières interdites à la population par l'armée. Les touaregs doivent financer eux-mêmes écoles, points d'eau et infrastructures. Le système administratif imposé par l'État se superpose et se heurte aux mécanismes traditionnels de gestion des ressources qui relèvent des chefferies locales. Les causes profondes du conflit persistent et même s'aggravent, avec les années de sécheresse du début des années 2000. Début 2006, une brève reprise de la violence prend fin avec accords d'Alger, énième promesse faite à la population touarègue.
http://www.huffingtonpost.fr

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